La politique sociale intégrée au Maroc, un chantier dans la lignée des grandes réformes
Par Youssef Oubejja (*)
La question sociale demeure au cœur des préoccupations fondamentales permanentes du Roi Mohammed VI. En effet dans son discours du trône du 30 juillet 2018, le souverain a solennellement marqué le début d’une nouvelle ère grâce à sa vision clairvoyante et circonspect, pour la refonte d’un modèle social novateur qui réponde aux attentes légitimes des catégories vulnérables et précaires.
Dans cet objectif honorable, une mobilisation des forces vives de la nation s’est fortement opérée avec pour mission ultime ; réussir le chantier social royal volontariste, à travers une approche nouvelle fondé sur une politique participative de proximité, et une identification ciblée des catégories effectivement éligibles.
A cet effet le Roi a nommé une commission spéciale qui a consulté toutes les catégories sociales et de société civile, dans le but d’identifier les points de faiblesses du tissu social à travers un benchmarcking participatif dans le but de mettre en place le Nouveau Modèle de Développement.
Fruit d’un long effort mutuel et reflet d’une analyse crédible et objective des faiblesses du tissu national et des territoires, ce nouveau modèle réaliste constitue en quelque sorte un tableau de bord pour les pouvoirs publics, les incitant à réfléchir sur des politiques publics harmonieuses garantes du bien être de la collectivité et intégrant activement dans le processus de développement les catégories précaires et nécessiteuses souffrant d’une injustice sociale et territoriale.
La politique sociale royale intégrée et centrée sur l’humain qui a traduit dans la pratique l’un des aspects majeurs du Nouveau Modèle de Développement, a été mise en œuvre sur plusieurs chantiers, conformément à une conception inclusive qui priorise les besoins fondamentaux de la société. Figure à la tête de ces chantiers, celui de généralisation de la protection sociale qui constitue une véritable révolution sociale. Ce chantier aura à l’évidence des effets directs et tangibles sur l’amélioration des conditions de vie des citoyens, la préservation de la dignité de tous les Marocains, et une participation tant espérée à l’intégration du secteur informel. L’intégration de ce levier de production du tissu économique national à travers la généralisation de la protection sociale permettra de garantir les droits d’une classe ouvrière exploitée pendant longtemps d’une manière démesurée et excessive.
Un autre volet de la politique royale novatrice s’étend à la généralisation des allocations familiales durant les années 2023 et 2024, en permettant aux ménages, qui ne bénéficient pas de ces allocations, de toucher des indemnités couvrant les risques liés à l’enfance, ou des indemnités forfaitaires. De même concernant un autre point de la réforme du système de protection sociale, le gouvernement ambitionne d’élargir à l’horizon 2025 l’assiette des adhérents aux régimes de retraite pour inclure les personnes qui exercent un emploi et qui ne bénéficient d’aucune pension à travers la mise en application du système des retraites propre aux catégories des professionnels et travailleurs indépendants et personnes non-salariées, qui exercent une activité libérale, afin d’englober toutes les catégories concernées.
Sur un autre registre, il est fondamental de rappeler que la généralisation de l’Assurance Maladie Obligatoire (AMO) constitue en outre une percée notable dans la finalisation du chantier de protection sociale. Indéniablement, la santé est non seulement un levier de développement, mai elle assure également la sécurité́ stratégique du pays. De plus, il s’agit de l’un des secteurs sur lequel les autorités publiques se sont penchées pour assurer un essor économique, mais aussi diplomatique. Ce secteur participe au leadership du Maroc sur le plan régional et continental. Il est à rappeler que les ménages marocains payaient environ 60% des dépenses de santé, dont 45% sont des dépenses directes et le reste des cotisations à l’AMO. Or, ce taux de 60% est disproportionné aux revenus des ménages dans la mesure où dans certains pays, ce taux varie entre 1% et 8%. Le taux de 60% des dépenses de santé à la charge des ménages constitue ainsi un handicap face au recours aux soins. Il s’agit là de l’une des raisons principales qui ont accéléré le processus de généralisation de l’AMO et qui a incité les pouvoirs publics à identifier et inscrire tous les Marocains, dont les Ramédistes qui vont bénéficier d’une aide conséquente de l’Etat en cas de maladie. Pour le reste de la population, chacun doit cotiser selon ses revenus. A partir du 1er décembre 2022, les Ramedistes ont basculé vers l’AMO.
Lire aussi : Réunion jeudi du Conseil de gouvernement
La mise en place de mécanismes effectifs de solidarité sociale nationale pour la réussite et la pérennité de ce chantier est salutaire, néanmoins nous considérons en revanche que la pluralité des organismes gestionnaires (CNSS, la CNOPS, les caisses de services publics, semi- publics) constitue un obstacle à l’efficience de l’AMO, il serait préférable que les cotisations soient gérés par un organisme unifié.
Il est certain que la réussite du chantier de protection sociale constitue un défi majeur pour les pouvoirs publics qui veillent à la mener conformément à l’agenda tracé, en dépit du fait qu’elle s’est heurtée à des obstacles de nature exogènes et endogènes qui exigent davantage une multiplication d’efforts conséquents. Il s’agit en l’occurrence d’une part, des difficultés budgétaires et d’inflation affichées durant la période post Covid-19 et ceux dus à la sécheresse engendrées par le réchauffement climatique. D’autre part la guerre en Ukraine et ses effets sur les équilibres macro économiques des pays, ont posé des problèmes liés au financement de la réforme. Certes nous ne pouvons pas nier la réalité effective des avancées majeurs réalisées et des résultats concerts qui sont indéniablement palpables avec l’atteinte des taux de couverture tracés dans le calendrier gouvernementale, mais il reste du chemin à faire pour parachever la réussite de cette politique sociale ambitieuse. Dans le secteur médical par exemple des programmes d’incitation et d’encouragement des médecins à exercer dans la mère patrie doivent être mis en œuvre. En effet cette catégorie professionnelle est appelée à faire des sacrifices pour sa participation à l’effort national en s’abstenant d’opter purement et simplement pour le départ vers les pays européens en privilégiant l’immigration. Certes les conditions de travail de ces derniers sont difficiles mais dans cette conjoncture de transition nous appelons à avoir le sens patriotique pour mener à bien les changements souhaités, qui nécessitent de revoir de manière constante le modèle de gouvernance qui régit le secteur santé de la part des pouvoirs publics et d’investissement de toutes les parties prenantes.
(*) – Youssef Oubejja est Docteur en droit et science politique.