La précarité alimentaire en France, un fléau en expansion
En France, la précarité alimentaire, situation dans laquelle un individu ne peut avoir accès à une alimentation saine et variée, a connu ces dernières années une croissance exponentielle inquiétante. Une courbe étroitement liée à celle de la pauvreté monétaire qui n’est pas prête à s’inverser.
La hausse du coût de la vie dans l’hexagone place de nombreux Français dans une situation difficile où ils commencent à faire des arbitrages dans leur budget, et ce au détriment de leur alimentation. Beaucoup se privent même de repas et sont contraints de consommer des produits à bas coût, souvent pas bons pour la santé.
Selon une récente enquête du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc), cette précarité spécifique s’est considérablement accélérée à la fin de la dernière année, touchant désormais 16% des Français déclarant ne pas manger à leur faim, soit + 4 points entre juillet et novembre.
Autre constat alarmant qui révèle la précarité alimentaire croissante dans l’Hexagone, le taux de Français disant pouvoir « manger tous les aliments qu’ils veulent » est passé de 44 à 39 % sur cette même période. D’après l’étude, cette évolution résulte notamment de la hausse de la part de personnes déclarant ne pas avoir assez à manger et qui sont donc en situation d’insuffisance alimentaire quantitative.
De surcroît, presque la moitié des Français déclarent aujourd’hui avoir assez à manger, mais pas toujours les aliments qu’ils souhaiteraient. “La forte inflation, notamment sur les produits alimentaires, explique au moins en partie la hausse de cette forme de précarité”, souligne le rapport, soulevant que les trois quarts des personnes concernées citent en effet le manque d’argent comme motif de leur situation.
En janvier 2023, l’inflation en France était de 6% pour l’ensemble des produits et services, et de 15% pour les produits alimentaires. En réponse à cette évolution des prix, certains ménages ont baissé carrément leurs dépenses pour se nourrir, “basculant ainsi en situation de précarité alimentaire”, ressort-t-il de la même enquête.
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L’inflation sur l’énergie a sans doute aussi joué: 24 % des personnes citent en effet “des problèmes pour aller faire des courses” comme raison de leurs difficultés. Ces problèmes peuvent être d’ordre physique (difficulté à se déplacer, manque de transports en commun) ou financier (hausse du prix des transports en commun, de l’essence), explique la même source.
Et de relever que les personnes en situation de précarité alimentaire cumulent plus souvent plusieurs fragilités. “7 % présentent 3 fragilités (santé, logement, isolement), contre 1 % des personnes sans insuffisance et 2 % des personnes en insuffisance qualitative”, précise le document.
Le rapport soulève aussi que les personnes en situation difficile sur l’alimentation sont plus souvent des femmes que des hommes, et que 24% des moins de 40 ans se trouvent en précarité alimentaire contre 7 % pour la tranche d’âge 60/69 ans.
Comme pour confirmer ce constat, un récent sondage réalisé par l’institut Ifop révèle que plus de 4 Français sur 10 parmi la population la plus précaire affirment avoir supprimé un repas pour rentrer dans leur budget. « Parmi les 30% de Français concernés par la précarité, à savoir ceux qui gagnent le SMIC ou moins, 53% ont assuré avoir dû réduire les portions, tandis que 42% d’entre eux ont dû sacrifier un repas que ce soit le petit-déjeuner, le goûter ou le dîner », d’après l’étude, qui relève tout de même que les profils sont nombreux (étudiants, retraités, célibataires..) et aucun n’y échappe.
De même, la situation s’aggrave de jour en jour pour les banques alimentaires, notamment l’association française “Restos du Cœur”, qui fait un constat alarmant de la situation, sur fond d’inflation galopante.
Selon les derniers chiffres de l’association, le nombre de personnes accueillies a battu un record avec une hausse de 22% par rapport à l’année dernière.
« L’inflation et la crise énergétique percutent violemment ceux qui étaient précaires et d’autres qui le deviennent« , a commenté Patrick Douret, président bénévole des Restos du Cœur, cité par la presse locale.
Selon lui, l’association accueille « de plus en plus de personnes qui travaillent, mais que l’augmentation des prix a fait basculer dans une fragilité qu’elles n’avaient pas« .
Au total, les banques alimentaires dans l’hexagone ont accompagné 2,4 millions de personnes fin 2022, soit trois fois plus de personnes qu’il y a dix ans.
Force est de constater que l’accélération de la précarité alimentaire en France pourrait avoir un impact considérable sur la santé publique, avec des conséquences potentiellement graves pour la santé physique et mentale des individus, les personnes confrontées à la précarité alimentaire ayant une probabilité plus élevée de souffrir de malnutrition et de maladies chroniques, et sont aussi plus exposées à un risque accru de développer des problèmes de santé mentale tels que la dépression ou l’anxiété.
Avec MAP