« La RSE n’est plus une option, c’est une nécessité »
Dossier du mois
S’engager dans une démarche sociétale aujourd’hui relève de la nécessité, et ce, afin de participer à l’amélioration de la qualité de vie des citoyens. Ces dernières années, les entreprises ont commencé à travailler sur des stratégies socialement responsables pour assurer des services de qualité et satisfaire les besoins de leurs clients. C’est le cas des entreprises qui se sont engagées à fournir un accès équitable aux services essentiels comme, la distribution d’eau et d’électricité, l’assainissement… MAROC DIPLOMATIQUE s’est entretenu avec le Directeur du Développement Durable, de la Communication et de l’Innovation de la Lydec, Abdellah Talib, pour cerner les enjeux de la RSE de la Lydec et sa contribution dans le développement socio-économique de la région de Casablanca.
- MAROC DIPLOMATIQUE : Comment jugez-vous l’évolution de la RSE au sein de la Lydec ?
– Abdellah TALIB : Lydec a pour raison d’être l’apport au quotidien des services essentiels de qualité aux citoyens et aux acteurs économiques, afin de contribuer au développement durable de son territoire d’ancrage, en faisant preuve d’efficience, d’innovation et de partenariat. De par sa mission de service public, la nature de ses métiers (distribution d’eau et d’électricité, gestion de l’assainissement liquide et de l’éclairage public) et son ancrage territorial, notre entreprise inscrit naturellement ses activités dans une démarche RSE, apportant ainsi une contribution concrète aux enjeux de développement durable du Grand Casablanca.
Depuis le démarrage du contrat de gestion déléguée en 1997, nous avons progressivement structuré, renforcé et aujourd’hui intégré notre démarche RSE au cœur de la stratégie de l’entreprise, en nous basant sur les référentiels internationaux et nationaux en la matière.
Aujourd’hui, la RSE est l’un des enjeux stratégiques intégrés à notre projet d’entreprise «Synergies 2025», dont la finalité est de «renforcer notre contribution au Bien Commun et à la transition durable du Grand Casablanca, en nous appuyant sur le dialogue avec nos parties prenantes». C’est ainsi que nous avons formalisé en 2018, notre raison d’être et adopté notre Feuille de Route Développement Durable 2030 qui s’articule autour de 4 engagements et 11 objectifs stratégiques.
- MD : Quel est l’état d’avancement de la feuille de route développement durable 2030 de la Lydec ?
– A.T : Permettez-moi de revenir sur l’élaboration de cette feuille de route. La Feuille de Route Développement Durable 2030 est le résultat de la refonte de notre Plan d’Actions Développement Durable 2020, menée en 2017. Ainsi et dans une démarche de dialogue responsable avec les parties prenantes, nous avons tenu compte des objectifs des visions territoriales (Plan d’actions communal de Casablanca, Plan de Développement du Grand-Casablanca, …) et des référentiels nationaux et internationaux (Stratégie Nationale de Développement Durable, Objectifs de Développement Durable, …).
La Feuille de Route Développement Durable 2030 de la Lydec intègre aussi les enjeux RSE considérés comme étant les plus prioritaires et par les parties prenantes internes (principalement les collaborateurs de Lydec) et par les parties prenantes externes, identifiés dans le cadre d’une étude de matérialité.
Ce document de référence a été adopté en 2018 par le Comité Ethique et Développement Durable (CEDD) émanant du Conseil d’Administration de Lydec et opérationnalisé dès 2019. La Feuille de route développement durable 2030 s’articule autour de 4 engagements :
– Engagement 1 : Contribuer à une urbanisation durable du Grand Casablanca ;
– Engagement 2 : Renforcer l’approche partenariale au service du Bien Commun ;
– Engagement 3 : Agir en faveur de la gestion durable des ressources naturelles dans un contexte de changement climatique ;
– Engagement 4 : Promouvoir un développement socio-économique équitable.
Pour permettre une appropriation large de cette feuille de route, nous avons déployé un dispositif de communication interne touchant l’ensemble de nos collaborateurs. Ensuite, chaque axe de ce document se traduit par des plans d’actions opérationnels, mobilisant les équipes au quotidien, qui sont déployés et suivis dans le cadre des processus de notre système de management intégré.
L’intégration opérationnelle de la feuille de route dans nos processus se poursuit, en collaboration avec les différentes entités de l’entreprise.
Aujourd’hui, pour faire monter en compétence nos équipes sur nos enjeux RSE, nous avons lancé un programme de formation sur la RSE à destination des managers, ce qui permettra une meilleure appropriation de cette feuille de route. La formation devra leur permettre de renforcer par la suite la communication managériale de proximité sur les enjeux de développement durable auprès de l’ensemble de leurs équipes pour les sensibiliser et les mobiliser davantage pour atteindre nos objectifs stratégiques.
- MD : Quel intérêt pour l’entreprise d’avoir une démarche RSE ?
– A.T : La RSE n’est plus une option aujourd’hui, c’est une nécessité qui doit être intégrée à la stratégie globale de l’entreprise.
L’entreprise, quelle que soit sa taille, est intégrée de fait dans un écosystème où les interactions avec les acteurs internes (collaborateurs, partenaires sociaux) et externes (citoyens, clients, fournisseurs, société civile, autorités, médias…) à sa sphère l’amènent obligatoirement à faire évoluer sa stratégie pour intégrer les attentes des parties prenantes si elle veut perdurer.
De façon globale, les différentes crises (économique, sociale, environnementale, sanitaire…) que nous continuons à traverser induisent des mutations dans les relations de l’entreprise avec ses parties prenantes. Pour faire face à la défiance généralisée et apporter une contribution positive à la société, l’entreprise doit s’interroger sur sa mission, en passant d’une logique de périmètre d’activités à une démarche fondée sur le champ des responsabilités, notamment sociétales.
La pandémie de la Covid-19, qui a touché ces derniers mois tous les acteurs de la société et sur tous les plans, a repositionné l’entreprise au cœur de son utilité sociale. Elle a apporté une preuve concrète et pragmatique de ce que signifie la responsabilité sociétale des entreprises : contribuer à l’intérêt général et servir le bien commun. La RSE se trouve aujourd’hui donc renforcée par cette crise qui lui donne tout son sens et montre sa grande pertinence.
A Lydec, notre responsabilité sociétale s’exerce au quotidien sur l’ensemble des activités. Je peux vous citer quelques exemples de nos engagements RSE. Notre entreprise se mobilise pour assurer la continuité des services essentiels, agit pour la préservation des ressources en eau à travers toute une panoplie de technologies de recherche de fuites et contribue ainsi à l’effort national d’économie d’eau potable.
Nous menons, par ailleurs, des projets de dépollution d’envergure comme la station «Eaucéan» à Sidi Bernoussi et réduisons l’impact de ses activités sur l’environnement pour protéger le littoral et les populations. Lydec apporte l’accès à domicile aux services essentiels dans les quartiers d’habitat informel dans le cadre du projet INDH-Inmae et contribue ainsi à l’inclusion sociale des populations.
L’entreprise veille également sur la santé et la sécurité de ses équipes et sur le renforcement des compétences de ses collaborateurs. Elle est mobilisée à travers la Fondation Lydec aux côtés de la société civile pour sensibiliser les jeunes générations au développement durable et soutenir l’insertion socio-professionnelle des femmes, contribuant ainsi à promouvoir la solidarité et la cohésion sociale.
Nous avons l’ambition de faire de la RSE un axe stratégique pérenne en nous appuyant sur le dialogue avec les parties prenantes pour accompagner l’évolution de nos métiers, contribuer à la performance globale de l’entreprise et au développement durable de notre territoire d’ancrage qui est en perpétuelle mutation et qui doit faire face à des enjeux urbains, environnementaux et sociétaux.
Une démarche que nous jugeons nécessaire à la croissance de l’entreprise, et ce, pour plusieurs raisons. Elle permet une meilleure maîtrise des risques, une plus grande acceptabilité sociale, une meilleure attractivité vis-à-vis des investisseurs, mais aussi une meilleure réputation et marque employeur.
Grâce à nos réalisations en matière de RSE comme la concrétisation de projets visant la protection de l’environnement et l’encouragement de la réutilisation des eaux usées épurées, notre entreprise a pu acquérir un positionnement d’acteur de référence en termes de RSE auprès de ses parties prenantes externes, notamment des agences de notation extra-financière.
En 2020, Lydec s’est maintenue dans le palmarès Top Performers RSE de l’agence de notation extra-financière, Vigeo Eiris, pour la 7e édition consécutive et a amélioré son score global de 12 points par rapport à 2019, faisant ainsi figure de «Best in progress», et s’est notamment distinguée sur 14 sujets thématiques dont la prise en compte des risques de pollution et la maîtrise des consommations d’énergie et la réduction des émissions polluantes.
- MD : Quelle est la place de la RSE dans la vision stratégique globale de Lydec ?
– A.T : La RSE doit être un engagement réel et non un simple positionnement d’image. Elle ne doit pas être déconnectée de l’activité de l’entreprise, mais considérée comme un outil de pilotage au service de la légitimité de l’entreprise sur son marché. Et il n’existe pas de stratégie RSE crédible et pertinente sans le dialogue avec les parties prenantes de l’entreprise.
A Lydec, nous avons érigé la RSE parmi les enjeux stratégiques de l’entreprise. Nous estimons que le dialogue avec les parties prenantes est l’un des axes les plus importants de notre stratégie et de notre démarche RSE. Pour nourrir la stratégie globale de l’entreprise et accompagner l’évolution de nos métiers, nous avons commencé par l’élaboration de la première cartographie des parties prenantes en 2016, priorisées selon trois éléments de criticité, basés sur le modèle de Mitchell, Agle & Wood : pouvoir, urgence et légitimité des parties prenantes vis-à-vis de l’entreprise. Cette cartographie a été actualisée et élargie en 2020. Puis, afin d’identifier et d’analyser les attentes de ces parties prenantes sur les enjeux clés de l’entreprise, nous avons lancé, en 2016, une première écoute auprès de plus de 4.000 parties prenantes internes et externes dans le cadre d’une «étude de matérialité», ce qui a permis d’identifier 20 enjeux comme étant prioritaires pour Lydec par l’ensemble des parties prenantes consultées.
Pour tenir compte des évolutions du contexte, des enjeux de notre environnement et des attentes de nos parties prenantes, nous avons actualisé, l’année dernière, notre analyse de matérialité des enjeux de développement durable. Une liste de 29 enjeux considérés comme étant les plus pertinents ont été priorisés par le Comité de Direction Générale de Lydec et soumis à une vaste consultation en ligne lancée auprès d’un échantillon d’environ 6.900 parties prenantes internes et externes. La réalisation de la cartographie des parties prenantes et de la matrice de matérialité s’appuie sur les standards GRI (Global Reporting Initiative). Cette démarche permet à l’entreprise de mettre plus de cohérence et de pertinence dans sa stratégie globale et sa démarche RSE, ses engagements et plans d’actions, mais également d’orienter la communication et le reporting extra-financier vers les enjeux les plus attendus par l’ensemble des parties prenantes.
La démarche RSE ne servira plus seulement d’articulation entre la stratégie économique de l’entreprise et sa contribution sociétale. Elle constituera elle-même la vision stratégique globale de l’entreprise à long terme au service de toutes ses parties prenantes.