La RSE, quésaco ?
Dossier du mois
La Responsabilité Sociale des Entreprises au service de la croissance et du développement durable
Performance financière, bien-être et sécurité des employés en passant par respect de l’environnement et préservation de l’équité, l’heure est au changement pour les entreprises, notamment depuis le début de crise sanitaire où elles sont devenues de plus en plus soucieuses de leur impact sur la société. C’est alors qu’elles placent la RSE au cœur de leurs stratégies de développement et de communication. Pour ce dossier spécial, MAROC DIPLOMATIQUE se penche sur la Responsabilité Sociale des Entreprises.
La Responsabilité Sociale, ou Sociétale des Entreprises ne date pas d’hier. Si elle n’est apparue que récemment en Europe (début des années 2000) et au Maroc, le concept aurait vu le jour en 1953 aux Etats-Unis avec l’économiste américain Howard Bowen, considéré comme le père fondateur de la RSE, dans son ouvrage Social Responsability of Businessmen. Il s’adresse alors plus précisément, aux hommes d’affaires et détermine leur responsabilité sociale comme étant : «L’obligation de mettre en œuvre des politiques et des décisions ou des lignes de conduite qui soient souhaitables en termes d’objectifs et d’utilité pour notre société.». Un réveil des consciences qui serait intervenu notamment, après la crise économique américaine, lors de la période de la Grande Dépression des années 1930. En 1961, l’homme d’affaires George Armin Goyder introduira officiellement dans The Responsible Corporation le terme de «Corporate Social Responsability».
Aujourd’hui, la définition donnée à la RSE d’après la Norme ISO 26000, c’est la «Responsabilité d’une entreprise vis-à-vis des impacts de ses décisions et activités sur la société et sur l’environnement, se traduisant par un comportement éthique et transparent qui :
- Contribue au développement durable, y compris à la santé et au bien-être de la société ;
- Prend en compte les attentes des parties prenantes ;
- Respecte les lois en vigueur tout en étant en cohérence avec les normes internationales de comportement ;
- Intégrée dans l’ensemble de l’entreprise et mis en œuvre dans ses relations».
La RSE peut être donc résumée comme étant un ensemble d’actions «qui permettent de s’inscrire dans une logique de croissance durable, qui soit économiquement viable, mais qui permette aussi de créer de la valeur sociale et sociétale, et de mitiger son incidence environnementale», nous explique une experte en RSE interrogée par la Rédaction.
La RSE au Maroc
Au Maroc, la RSE serait apparue plus tardivement via l’introduction des filiales de multinationales. Liées par les politiques des partenaires, elles rendent compte de leur application des normes appliquées dans le pays de la société mère. Peu à peu, des incitations visant à faire de la RSE un axe stratégique au sein des entreprises marocaines verront le jour. D’ailleurs, en 2005, lors des Intégrales de l’investissement, Sa Majesté le Roi Mohammed VI, a incité les entreprises et les investisseurs à intégrer des objectifs et des indicateurs de responsabilité sociale. «La responsabilité sociale des investisseurs a pour pendant et pour condition la responsabilité sociale des entreprises. À cet égard, nous suivons avec intérêt et satisfaction l’action des entreprises marocaines qui se sont volontairement engagées dans cette voie» (cité par Nejla JBARA dans Perspective historique de la Responsabilité Sociale des Entreprises).
Aujourd’hui, de plus en plus d’entreprises ont entrepris la démarche de la RSE et certaines d’entre elles, d’ailleurs, se distinguent en tant que «Top Performers». En 2020, 14 entreprises sur les 44 premières capitalisations se sont démarquées. L’entité Vigeo Eiris, chargée de l’évaluation de celles-ci annonçait alors 11 groupes qui avaient obtenu une bonne notation en termes de performance générale. Parmi eux, Attijariwafa bank, BCP, Bank of Africa, BMCI, Cosumar, LafargeHolcim Maroc, Maroc Telecom, Lydec, Managem, OCP et SMI. Trois autres s’étaient distingués pour leur performance sur des thèmes spécifiques : Lesieur Cristal, Les Eaux minérales d’Oulmès et Crédit du Maroc.
La perception de la RSE au Maroc
Comment les Marocains perçoivent-ils la RSE ? C’est l’une des questions auxquelles tente de répondre le baromètre développé par le cabinet Declic Conseil en RSE. Ce baromètre a été développé grâce à la participation de 7 entreprises, gratuitement, et aux réponses de près de 2000 collaborateurs à des questionnaires. Le but étant d’évaluer la compréhension et l’image de la RSE, mais aussi, le niveau de confiance qu’ils lui accordent.
Ainsi, les entreprises les plus engagées au Maroc n’ont pas caché leur volonté de voir la RSE devenir une culture. «Vous pouvez mettre en place la meilleure démarche, si vous n’avez pas les meilleures personnes pour la porter, avec une véritable culture de la durabilité en interne, c’est comme si on ne faisait rien. Donc, il y a un véritable enjeu d’appropriation par le capital humain», a déclaré une source spécialisée dans la RSE.
Selon les résultats de ce baromètre, la compréhension de la RSE ainsi que la connaissance de ses démarches sont encore mitigées. «Les collaborateurs continuent de penser que c’est la stratégie sociétale d’une organisation, alors que c’est la réponse de l’entreprise à tous les enjeux du développement durable», constate notre source. On ne peut toutefois nier qu’une prise de conscience de l’impact de la RSE sur la croissance est en cours, nous assure-t-elle. Au sein de ceux qui sont informés, ils y a une confiance et une volonté à s’engager auprès de l’organisation, il y a donc un terreau favorable de montée en compétences, se réjouit-elle. Ainsi, à la question «Pensez-vous que la responsabilité sociétale soit utile à la croissance des entreprises», 2% seulement ont répondu par la négative contre 98% qui jugent la RSE nécessaire à la croissance.
Pourquoi passer à la RSE ?
Les questions que la RSE implique sont variées et peuvent générer une véritable croissance. D’ailleurs, il s’agit de plus en plus d’un critère pour les investisseurs qui ne vont pas vouloir investir dans une entreprise qui ne soit pas en conformité avec ces questions-là. Il y a une vraie logique de la compréhension de la croissance qui est en train de changer. «Si une entreprise créé de la valeur économique mais qu’elle a un poids environnemental catastrophique, aucun investisseur ou bailleur de fonds ne va y aller», observe notre source.
Dans ce même baromètre, le cabinet a demandé aux répondants quels sont, selon eux, les principaux bénéfices d’une telle démarche. Plus de la moitié a répondu «Une meilleure réputation et marque employeur» ou encore «Une plus grande acceptabilité sociale». 658 ont répondu «une meilleure attractivité vis-à-vis des investisseurs, ou encore une meilleure maîtrise des risques». 320 sur les quelques 2000 répondants pensent que celle-ci permet «une réduction des coûts». Par ailleurs, la proportion des répondants de moins de 35 ans qui estiment que la RSE apporte «une meilleure réputation», «une marque employeur et une plus grande acceptabilité sociale» est plus importante que celle des plus de 35 ans. Plus de managers estiment que la RSE apporte une meilleure attractivité vis-à-vis des investisseurs. En revanche, «la réduction des coûts» n’apparaît pas comme un bénéfice évident, résume le rapport du baromètre.
Le bien-être des employés fortement plébiscité
Sous le prisme des RH, les principales attentes de la RSE par ordre de priorité sont : «Etre attentif aux conditions de travail et au bien-être des collaborateurs», «avoir un impact positif sur la société», «avoir un impact positif sur l’environnement». Le bien-être des collaborateurs étant donc identifié comme attente prioritaire, les répondants s’attendent à ce que les entreprises s’impliquent en priorité dans leurs conditions de travail, analysent les auteurs du rapport. Il s’agit d’un signal très fort. Tandis que le personnel plébiscite le développement des carrières, l’équité, l’égalité des chances, donc une transformation en interne, «l’entreprise qui s’engage dans la RSE, va plutôt vouloir que cela se sache en externe en oubliant que c’est en interne que cela doit être amélioré en premier lieu», constate notre intervenant.
Les défis de la RSE
Si elle comporte de multiples bénéfices, la RSE fait également face à de nombreux défis. Parmi ces derniers, on retrouve la conduite et la réticence au changement. «Certaines entreprises souhaitent uniquement se conformer aux normes et ne pas transformer tout un business model», relève notre interlocutrice. Ce chemin reste en effet, tributaire de la volonté du chef d’entreprise et de la coopération de ses collaborateurs. «Il est difficile pour une entreprise d’entreprendre de tels changements surtout lorsque cela implique des renoncements». Mais notre expert se veut optimiste et pense qu’il ne s’agit que d’une question de temps avant que toutes les entreprises ne doivent s’y mettre. «C’est la conscience du risque, si vous êtes attentifs à tous les enjeux sociaux, sociétaux et environnementaux, il est très probable que vous arrivez à les identifier».
L’engagement des entreprises marocaines dans la RSE ne serait donc qu’une question de temps. Mais elles ont tout intérêt à faire le sacrifice d’une croissance durable au plus vite, car «mieux vaut s’y atteler maintenant et le choisir, plutôt que de le subir», conclut notre source.