La société marocaine a-t-elle abandonné ses séniors ?
Depuis 1991, chaque 1er octobre, le monde célèbre la journée internationale des personnes âgées, instituée par l’Assemblée générale des Nations Unies. Une occasion pour s’interroger sur la place qu’occupent les personnes âgées dans les sociétés modernes, notamment, au Maroc.
700 millions est le nombre des personnes âgées à travers le monde, qui frôlent les soixantaines et plus. En 2050, elles seront 2 milliards, soit 20% de la population mondiale, d’après les chiffres de l’ONU.
Au Maroc, le dernier recensement de 2014, démontre que la population âgée s’est multipliée par plus de 3,5 fois entre 1960 et 2014, passant de 836.000 à 3,2 millions, dont 70% d’entre eux sont analphabètes.
Tandis que les projections démographiques du HCP indiquent qu’en 2050, la population âgée constituera plus de 23%, soit 10,1 millions de personnes.
La situation des personnes âgées est très fragile. En 2017, le HCP avait noté que « le Maroc est appelé à augurer des réformes pour tirer profit de l’aubaine démographique,…et éviter une éventuelle rupture de solidarité familiale ou intergénérationnelle ».
Dans une déclaration à Maroc diplomatique, Mohssine Benzakour, psychosociologue affirme que « la société marocaine est en train de vivre une phase transitoire, sur plusieurs niveaux, notamment, au niveau des valeurs ». Et d’ajouter : « aujourd’hui, les classes pauvre et moyenne tiennent encore aux valeurs traditionnelles et continuent de conserver la place des parents au sein de la famille, alors que, les classes aisées financièrement s’attachent de plus en plus aux valeurs contemporaines, notamment à l’individualisme ».
Il poursuit que « dans ce cas, c’est la nature du couple qui définit la place d’un proche âgé au sein de la famille. Actuellement, certaines époux (ses) refusent, des fois, de recevoir les parents du conjoint ».
Désormais, les séniors âgés de 70 ans et plus, sont de plus en plus délaissés dans les rues. Ils constituent 3,8% des sans-abri, selon les derniers chiffres du HCP, datant de 2017. De son côté, la présidente de l’association « Jood », Hind Laidi estime que ces chiffres sont « infondés ». Elle déclare que « ce sont des personnes qui n’ont pas de pièce d’identité, ni d’adresse, et qui circulent d’une commune à une autre voire d’une ville à une autre. Pour moi, il n’y a pas de moyen de les recenser ».
Cette militante associative nous confie que « certains d’entre eux, ont toujours vécu dans la rue, d’autres sont des malades mentaux ou des gens devenus amnésiques avec l’âge, et des fois, ils sont délaissés par leurs propres familles ».
Selon la même source, « les sans-abri qui dépassent les 60 ans, sont généralement des gens très malades. Même en leur louant une chambre, il n’y a personne pour prendre soin d’eux ».
Que fait alors le gouvernement El Othmani ?
Certes, le gouvernement a entrepris une initiative louable qui est la campagne de sensibilisation aux personnes âgées, toutefois, beaucoup reste à faire.
Selon Mohssine benzakour, l’Etat doit s’investir davantage pour permettre à nos séniors de vivre le restant de leur vie « dignement ». « Les personnes âgées sont déjà vulnérables psychiquement, parce qu’ils n’ont plus la même place au sein de la société, d’autant plus que la plupart d’entre eux n’ont pas de retraites. A mon avis, l’Etat a le devoir de prendre en charge ceux qui ne peuvent pas subvenir à leurs besoins » renchérit-il.
Ce psychosociologue souligne l’importance de la solidarité familiale. « Toutes les théories en psychologie insistent sur la présence d’un proche âgé et l’apport de celui-ci à la vie des enfants, parce que les personnes âgées représentent la continuité de la culture et la stabilité psychologique des enfants ».