La « souche britannique » : Tout ce qu’il faut savoir pour bien se protéger et protéger le Maroc
Dr Tayeb Hamdi, médecin, chercheur en politiques et systèmes de santé.
Après l’annonce de la détection de 24 cas du variant britannique du SARSCOV2 dans notre pays, on résume dans ce papier les données scientifiques les plus importantes sur ce variant.
Un variant avec les mêmes symptômes, les mêmes outils de détection, plus contagieux, qui serait -peut-être- plus virulent, mais qui menace par sa propagation exponentielle la capacité des systèmes de santé et menace la campagne de vaccination. Un variant toujours sensible aux vaccins déployés dont les deux adoptés par le Maroc. Le respect renforcé des mesures barrières individuelles et collectives, la surveillance épidémiologique et génomique, et l’accélération de la campagne de la vaccination, restent les piliers de la riposte.
Rappelons que plusieurs variants du virus SARSCOV2 de la covid19 émergent dans le monde, on parle de plus de 4000 variants identifiés depuis le début de la pandémie, dont plusieurs sont sans aucun effet particulier, mais trois variants au moins semblent à ce jour les plus importants:
Variant britannique (501Y.V1) de la lignée B.1.1.7.
Variant Sud-africain (501Y.V2) de la lignée B.1.351.
Variant Brésilien P.1 (501Y.V3) de la lignée B.1.1.248.
D’autres variants existent: Californien, Ecossais, Bavarois….
1. Le variant britannique présente 19 mutations principales, par rapport à la souche classique, dont 8 sur la protéine S.
2. Mêmes symptômes : l’infection par le nouveau variant se manifeste par les mêmes symptômes que la souche classique, comme elle peut aussi rester asymptomatique.
3. Mêmes outils de détection : les moyens de détection de l’infection par la souche dominante restent valables pour détecter une infection par la nouvelle souche : tests PCR, tests antigéniques, sérologie.
4. Séquençage du génome: les tests de dépistage permettent de confirmer la positivité et donc l’infection, sans pouvoir préciser de quelle souche est infectée la personne testée. Identifier la souche nécessite le séquençage du génome viral, opération plus lourde, plus couteuses, plus lente, que peu de laboratoires sont capables de faire. Le séquençage génomique est sans intérêt pour les personnes infectées elles-mêmes, puisque la prise en charge reste la même, mais est très important pour les autorités sanitaires pour le suivi des nouveaux variants et la décision de mesures à prendre pour freiner leur propagation.
5. Un variant plus contagieux : Les estimations sur l’augmentation du taux de transmissibilité vont de 50 à 70 % de plus. Le taux de reproduction du variant serait de 0,4 à 0,7 points de plus par rapport à la souche classique.
6. Pour expliquer cette contagiosité : Plusieurs hypothèses, qui restent à confirmer : sa charge virale pourrait être plus grande, il pourrait entrer plus facilement dans les cellules ou encore s’y multiplier plus vite.
7. Infection plus longue : Une étude menée par les chercheurs de l’université Harvard stipule que le variant britannique pourrait causer une infection qui dure plus longtemps : durée moyenne de l’infection de 13,3 jours pour le variant britannique, contre 8,2 jours pour la souche classique),
8. Clairance virale plus lente : cette même étude a trouvé que la durée moyenne pour qu’un patient élimine le virus serait de 8 jours pour le britannique, versus 6,2 jours pour la souche classique.
9. Une période d’isolement plus longue : Les chercheurs concluent également « cela pourrait nécessiter une période d’isolement plus longue que les 10 jours actuellement recommandés »
10. Un variant qui serait plus dangereux.
Des données préliminaires avancés par le gouvernement britannique et des études préliminaires ont relevé un risque de mortalité jusqu’à 35 % plus élevé par rapport à la souche classique, surtout chez les personnes âgées et à risque. Un sur-risque qui n’est pas confirmé dans les autres pays touchés par le même variant.
11. Un variant plus pressant sur les systèmes de santé : à cause de sa propagation accélérée, ce variant plus infectieux entraînera une hausse des cas, des hospitalisations et des décès beaucoup plus que la souche classique, et même beaucoup plus qu’un variant plus virulent et plus létal, à cause de sa vitesse de propagation et le nombre de nouveaux cas exponentiels qu’il génère.
12. Un nombre de cas graves et de décès beaucoup plus important : selon un modèle publié par l’épidémiologiste britannique Adam Koucharski, avec pour un exemple 10 mille personnes infectées, dans des conditions semblables aux nôtres. Après un mois, il a montré un aboutissement à 129 décès pour la souche dominante, alors qu’il a obtenu 1,5 fois plus décès (soit 193 décès) s’il s’agissait d’une souche 50% plus mortelle, mais sept fois plus de décès (soit presque 1000 décès) avec une souche 50% plus contagieuse comme celle britannique.
13. Impact sur les Enfants, les jeunes: Pas de preuves scientifiques à ce jour qui confirmeraient que le variant britannique touche préférentiellement les enfants ou les jeunes, ou qu’il est particulièrement plus virulent chez ces groupes d’âge.
14. Et les écoles ? À cause du risque de voir les systèmes de santé s’effondrer à cause de la vitesse de propagation du variant, des mesures restrictives plus sévères peuvent s’avérer nécessaires chaque fois que ce variant se propage plus amplement dans un pays, y compris la fermeture des écoles pour de courtes durées pour freiner la propagation.
15. Conséquences sur l’évolution de l’épidémie au Maroc : Là ou ce variant commence à circuler, il remplacera la lignée classique, comme c’est le cas déjà dans plusieurs pays touchés à peine il y a quelques semaines. Très probablement, ce variant deviendrait la souche dominante sur la planète selon des experts. Dans certains pays c’est déjà le cas.
16. Au Maroc, avec la détection de plus de cas de ce variant, sa dominance n’est qu’une question de quelques semaines, fonction du degré de respect des mesures barrières. Seule une campagne de vaccination accélérée et réussie dans un contexte de respect rigoureux des mesures barrières, pourrait mettre déjouer ce scenarii.
17. Les mesures barrières individuelles et collectives déjà en place pour contrôler la souche classique restent valables pour contrer ce variant. Avec un renforcement des mesures barrières et des mesures territoriales.
18. Conséquences sur les personnes déjà infectées : ce variant ne semble pas déjouer l’immunité acquise par la maladie par les personnes qui ont déjà eu la COVID avec la souche classique qui reste efficace dans les limites étudiées pour la classique.
19. Les vaccins : Les deux vaccins utilisés au Maroc à savoir le vaccin d’AstraZeneca-Oxford et celui de Sinopharm, gardent une bonne efficacité de protection contre ce variant. Les autres vaccins déployés à ce jour dans le monde également.
Contrairement au variant britannique, les deux autres variants sud-africain et brésilien portent une mutation qui ferait d’eux aussi des variants plus contagieux, mais seraient moins sensibles à l’immunité acquise par la maladie ou par la vaccination anti covid, à des degrés différents selon les vaccins étudiés.
20. Comment nous protéger ?
A. Le renforcement du contrôle virologique aux frontières et dans le pays et la suspension des vols et des liaisons avec certains pays très touchés par les nouveaux variants.
B. Le respect soutenu des mesures barrières individuelles et collectives, pour freiner la propagation des cas déjà sur place mais qui ne sont pas détectés.
C. Vacciner le plus vite possible pour freiner la propagation et réduire le risque de mutation : moins le virus circule, moins il se multiplie et moins il risque de muter.
D. Renforcement des mesures préventives :
• La distanciation de deux 2 mètres chaque fois que c’est possible.
• Le port correct et généralisé du masque
• Le respect des conditions d’utilisation du masque: nombre de cycles de lavages à ne pas dépasser pour les masques réutilisables, changer toutes les 4 heures ceux jetables, préférer les masques médicaux ou industriels à ceux faits maison chaque fois que c’est possible.
• L’hygiène des mains
• Eviter les rassemblements et aérer les espaces clos.
• L’isolement rigoureux des personnes contaminées
• Renforcement de la surveillance génomique à travers un séquençage intensifié pour disposer d’une carte réelle de la propagation du ou des variants.
• Le recours dans les mois à venir à des rappels avec des versions de vaccins mises à jour.