La transition agricole survivra-t-elle à la problématique hydrique?
Au cours des dernières années, le Maroc s’est activement inscrit dans une dynamique de renouveau fondée sur la transition agricole. L’objectif étant d’assurer une montée en puissance d’une agriculture nationale résiliente et éco-efficiente.
A cet effet, le think tank ID3 de Diana Holding a publié récemment un policy paper intitulé «Post-pandémie, stress hydrique et transition écologique: quelle transition agricole pour le Maroc?». Une étude qui incite à changer de paradigme et mise sur l’innovation.
Faire émerger une agriculture durable, résiliente et plus inclusive, telle est la vocation du Royaume. En effet, le gouvernement a mis en place, depuis une dizaine d’années, toute une série de politiques en vue de favoriser le développement du secteur de l’agriculture, pilier majeur de la croissance économique du Maroc. Mais aussi, afin de surmonter les fragilités du secteur dévoilées par les diverses crises survenues au cours des deux dernières années.
A cet égard, l’étude du think tank le ID3 de Diana Holding préconise la mise en place d’une nouvelle approche stratégique aspirant à renforcer l’innovation et l’intelligence collective afin d’accélérer la transition agricole au Maroc et partant améliorer la compétitivité du secteur.
En effet, le renforcement des innovations techniques permettra de favoriser la transition digitale de l’agriculture, ce qui constituera une réelle opportunité à même de booster la croissance économique du Royaume et d’atteindre les objectifs de la stratégie « Génération Green 2020-2030 ». Une stratégie qui vient d’ailleurs consolider les acquis du Plan Maroc Vert, lancé en 2008, tout en œuvrant à assurer la révolution digitale du secteur ainsi qu’à améliorer sa productivité à travers des actions portant notamment sur les chaînes de distribution, la qualité, le renforcement de la résilience et surtout l’innovation.
A cet égard, le ministre de l’Agriculture, Mohamed Seddiki, a rappelé que la digitalisation de l’agriculture n’est plus un choix, mais une nécessité qui s’impose dans un contexte mondial marqué par la montée en puissance des technologies adaptées à l’agriculture.
«La transformation digitale est un élément central de gestion efficiente. La technologie offre aujourd’hui une large gamme d’outils performants, tout au long de la chaîne de valeur agricole et agroalimentaire pour améliorer la productivité, la qualité et la compétitivité et par conséquent constituer un relais de croissance pour le secteur agricole», a-t-il expliqué.
La FAO a de son côté, mis l’accent sur le fort potentiel des nouvelles technologies susceptibles d’augmenter de 70% la productivité agricole à l’horizon 2050 et d’atteindre une agriculture 4.0 attractive pour l’investissement et les jeunes.
Outre, la transition digitale, le Maroc mise également sur la décarbonation de l’agriculture à moyen terme, à travers la stratégie « Bas Carbone à l’horizon 2050 » qui décline les différentes pistes envisageables pour faire émerger un écosystème agricole prospère et durable. C’est ce qu’indique d’ailleurs le document qui souligne que la stratégie repose sur trois types d’actions à savoir : la réduction des émissions à la faveur de la diminution des intrants, le respect des bonnes pratiques et la conception de systèmes alternatifs d’élevage et de cultures ainsi que la réduction des nuisances locales liées aux activités d’élevage ou d’épandage.
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Le but étant d’assurer une transition vers une agriculture et une agro-industrie marocaines respectueuses du climat.
Le Policy paper met par ailleurs l’accent sur la nécessité de valoriser l’agriculture biologique, l’un des axes majeurs de la « Génération Green 2020/2030 ».
Il convient de souligner, à cet égard, que la valorisation de la filière bio constitue un enjeu pour le Maroc puisque le pays importe 90% des produits bio disponibles en magasin.
Les produits certifiés BIO représentent, à cet effet, une valeur ajoutée tant en amont qu’en aval de la production marocaine. Sachant que cette certification favorise la reconnaissance d’une production de qualité, qui préserve l’environnement.
Pour rappel, le Royaume représente le deuxième pays d’Afrique à s’être doté d’une législation propre en la matière, à savoir la loi n°39-12 relative à la production biologique des produits agricoles et aquatiques dont l’application est entrée en vigueur en septembre 2018.
Attention à la politisation de la question de l’eau
Dans une allocution à la Chambre des représentants à l’occasion de l’ouverture de la première session de la 2ème année législative de la XIe législature, vendredi 14 octobre, S.M. le Roi Mohammed VI a rappelé que le Maroc connaît une période de sécheresse, la plus intense depuis plus de trois décennies. A ce titre, le Souverain appelle à traiter la question de l’eau avec le sérieux nécessaire et à éviter toute instrumentalisation politique de cette question.
«Pour remédier à cet état, nous avons adopté, depuis février dernier, dans le cadre du Plan de lutte contre les effets de la sécheresse, des mesures préventives visant à garantir la disponibilité de l’eau potable, à soutenir les agriculteurs, à préserver le cheptel », a ajouté le Souverain.
Ainsi, plusieurs groupes de travail se sont consacrés à l’examen de cette question, et ont abouti à l’élaboration du Programme National Prioritaire Eau 2022-2027, ainsi que la politique de construction de barrages, qui s’est poursuivie avec persévérance et détermination permettant l’installation de 50 nouvelles grandes ou moyennes structures, tandis que 20 autres sont en cours.
« Le Maroc n’est pas le seul pays touché par la sécheresse et la rareté des ressources en eau : sous l’effet du changement climatique, ces deux problèmes s’étendent désormais à l’échelle de la planète entière », a déclaré le Roi qui, à cet égard, a appelé à des mesures concrètes pour lutter contre le gaspillage et préserver les nappes phréatiques.
Il s’agit, a-t-il soutenu, d’un traitement assidu du problème de l’eau, dans toutes ses dimensions, et notamment la rupture avec toute forme de gaspillage ou d’exploitation anarchique et irresponsable de cette ressource vitale.
En outre, a poursuivi le Souverain, « le problème de l’eau ne doit pas servir de prétexte à des efforts politiques, ni d’argument pour alimenter les tensions sociales ».
« Il appartient à tous les Marocains de redoubler d’efforts pour faire un usage responsable et rationnel de l’eau, ce qui passe par un réel changement de comportement dans notre rapport à l’eau. Et en ce sens, les administrations et les services publics doivent montrer l’exemple », a ajouté Sa Majesté le Roi.
Face à cette situation de stress hydrique, le devoir de responsabilité impose désormais des options durables et intégrées, mais aussi plus solidaires et efficaces.
Dans ce contexte, Sa Majesté le Roi a prôné l’application diligente du nouveau Plan Hydrologique National, mettant en exergue quatre grandes orientations :
– La nécessité de lancer des initiatives et des projets plus ambitieux, grâce à l’utilisation de nouvelles innovations et technologies, dans le domaine de l’économie d’eau et de la réutilisation des eaux usées.
– L’impératif d’accorder une attention particulière à l’exploitation rationnelle des nappes phréatiques et à la préservation des eaux souterraines, mettant un terme au phénomène de pompage illégal et au creusement de puits anarchiques.
– L’importance de garder à l’esprit que la question de l’eau n’est pas l’affaire exclusive d’une politique sectorielle isolée, mais constitue plutôt une préoccupation commune à de nombreux secteurs.
– L’obligation de prendre en compte le coût réel de l’eau à chaque étape de la mobilisation de cette ressource, de réfléchir à ce que cela implique en termes de transparence et de connaissance des différents aspects de ce coût.
Sécurité alimentaire, un défi de taille à relever
La pandémie de Covid-19 constitue un révélateur des défaillances du système des chaînes d’approvisionnement logistique. En effet, les mesures restrictives imposées par la pandémie, en l’occurrence, l’instauration du confinement, ont fortement impacté l’approvisionnement du royaume en matières premières, en raison de la perturbation de chaînes d’approvisionnement logistique.
Ainsi, le royaume devra impérativement se doter d’une stratégie proactive politique lui permettant d’anticiper les crises à venir et d’améliorer la résilience de ses chaînes d’approvisionnement logistique nationales et internationales.
De surcroit, le déclenchement de la guerre russo-ukrainienne a exacerbé la hausse des prix internationaux des produits de base. Les coûts de l’énergie ont, par conséquent, atteint des niveaux record entraînant ainsi la flambée des prix du transport, du fret et de la production. Une situation qui impose au Maroc d’importer des volumes plus importants de céréales à des prix sensiblement plus élevés pour assurer sa sécurité alimentaire. D’où la nécessité et l’urgence de mettre en œuvre un modèle de production davantage résilient, intégré et inclusif, susceptible de pérenniser les systèmes de production pour rendre le secteur plus compétitif.
De nouvelles pistes pour sécuriser une production agricole durable devront être envisagées tout en associant tous les acteurs du secteur dans des processus de concertations afin d’apporter des solutions pragmatiques et innovantes.