La ZLECAF, atouts et opportunités stratégiques pour le continent
La ZLECAF représente une opportunité significative pour les 24 pays africains signataires de cet accord dont fait partie le Royaume. En effet, cet accord fut lancé en 2021 par les pays africains signataires afin que l’accord puisse réduire les tarifs entre les pays membres et couvrira des domaines tels que la facilitation du commerce, les services et l’investissement, ainsi que des mesures réglementaires telles que les normes sanitaires et les obstacles techniques, les droits de propriété intellectuelle. Cela représente une transformation structurelle de l’échiquier des échanges économiques intra-africains.
Le protectionnisme est une politique économique visant à protéger son économie de la concurrence internationale. Par le passé, la concurrence mondiale offrait des emplois dans les pays pauvres tout en permettant aux pays riches d’obtenir des biens moins chers. C’était la fameuse mondialisation heureuse vantée par les pays riches. Par ailleurs, aucun pays en développement ne pouvait appliquer une politique protectionniste, sous peine de ne plus recevoir de financements, notamment du FMI. Il faut savoir que la plupart des pays riches se sont développés grâce au protectionnisme.
Prenons l’exemple de l’Angleterre qui n’a cédé au libre-échange que lorsqu’elle a été suffisamment puissante pour le faire. Elle s’est d’abord développée à l’ombre du protectionnisme et notamment de l’Acte de navigation voté en 1651, qui réservait exclusivement aux marins britanniques le monopole du commerce entre les colonies et la métropole.
Aujourd’hui, les Américains sont toujours plus protectionnistes que les Européens. Par exemple, le Buy American Act, qui oblige que ce soit une entreprise américaine qui soit choisie en cas d’appel d’offre public, est une pratique interdite en Europe car perçue comme une entrave à la concurrence.
D’autres pays comme la Chine ou la Corée du Sud ont réussi à décoller économiquement grâce à un certain protectionnisme. La Chine n’a ouvert son économie que très progressivement en commençant par les zones de l’Est. De son côté, la Corée du Sud a permis à des groupes comme LG, Hyundai ou Samsung de devenir les plus puissants au monde en menant une politique industrielle mélangeant subventions et protections douanières contre les importations. Jamais ces industries n’auraient pu prospérer si elles avaient été mises directement en concurrence avec le reste du monde. La majorité des pays riches ont protégé leurs économies au départ, et les nouveaux pays émergents ont fait de même. L’OMC empêche les pays africains de le faire, parce que les pays riches y perdraient trop.
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Quant au libre-échange, il est l’aboutissement de l’évolution économique d’un pays, il est fructueux pour les pays ayant atteint une situation stable d’identité de développement avec leurs concurrents. Mais, en cas d’inégalité de développement, il favorise le groupe de pays en avance sur le plan technologique et étouffe les autres, les condamnant à la stagnation. Le protectionnisme que défend List se définit comme un protectionnisme éducateur et doit être pratiqué par les pays en cours de décollage économique. List s’oppose au protectionnisme défensif des pays riches, qu’on pourrait appeler aujourd’hui le « redressement productif ».
La supériorité du libre-échange repose sur la spécialisation de chaque pays. Chaque pays se spécialise dans l’activité où, selon Ricardo, il a un avantage comparatif. Les réticences que le libre-échange suscite viennent soit des producteurs condamnés à disparaitre du fait que leur activité ne rentre pas dans les avantages comparatifs du pays
En économie, le libre-échange ne signifie que l’interdiction de protection : interdiction pour un Etat de protéger sa production, ses emplois, ses habitants, ses normes de consommation, sa sécurité, sa culture.
Pour les économistes classiques, le libre-échange entre pays est mutuellement avantageux à partir du moment où chacun se spécialise dans les productions où il a un avantage à l’export (c’est-à-dire, un coût de production moins cher). Le commerce international permettrait donc aux pays de se développer puisqu’ils pourraient bénéficier des productions d’autres pays tout en exportant les leurs. Cependant, les défenseurs du libre-échange omettent de dire que l’échange est inégal entre pays riches et pays pauvres car toutes les spécialisations ne se valent pas. Se spécialiser dans des industries à haute technologie n’équivaut pas à se spécialiser dans la production de cacao.
La mondialisation enferme les pays en développement dans les exportations de matières premières (c’est leur avantage à l’export), matières premières souvent produites par des multinationales et dont les prix sont très volatils car déterminés sur les marchés financiers.
L’ouverture de leurs économies les condamne à importer des biens et freine le développement de leur industrie (pourquoi un pays chercherait à produire un bien s’il peut l’acheter moins cher à un autre ?).
En résume, le libre-échange n’a rien d’une formule magique qui profiterait à tout le monde, c’est avant tout un échange déséquilibré qui profite à celui qui est en position de force (en l’occurrence les pays riches au 20ème siècle). Il entraîne aussi des conséquences désastreuses sur tous les secteurs subissant les importations des pays étrangers. Le libre-échange se fonde sur la promotion autant des exportations que des importations, il fait donc des gagnants et des perdants également à l’intérieur même de chaque pays.
Atouts stratégiques de la ZLECAF
En mars 2018, les pays membres de l’Union africaine (UA) ont signé l’accord de Zone de libre-échange continentale (ZLECAF), lequel vise à atteindre les objectifs généraux suivants (Union Africaine (2018)), approfondir l’intégration économique en Afrique conformément à l’Agenda 2063, créer une union douanière continentale, libéraliser le commerce intra-africain. Par ailleurs l’accord de la ZLECAF a 7 objectifs spécifiques notamment éliminer progressivement les barrières tarifaires et non tarifaires au commerce des marchandises ; libéraliser progressivement le commerce des services ; coopérer en matière d’investissement, de droits de propriété intellectuelle et de politique de la concurrence ; coopérer dans tous les domaines liés au commerce ; coopérer sur les questions douanières et la mise en œuvre des mesures de facilitation des échanges ; mettre en place un mécanisme de règlement des différends concernant les droits et obligations des membres ; établir et maintenir un cadre institutionnel pour la mise en œuvre et l’administration de la ZLECAF.
Une fois opérationnelle, la ZLECAF établira un marché de 1,2 milliards de personnes avec un PIB combiné de plus de 2,5 trillions de dollars américains. Lorsque l’accord sera pleinement opérationnel, les pays seront obligés d’introduire des mesures de libéralisation tarifaire et non tarifaire et les conséquences de l’accord de libre-échange sur les économies des pays concernés sont considérables.
L’accord de la ZLECAF exige des pays membres qu’ils suppriment progressivement les droits de douane sur au moins 97% des lignes tarifaires qui représentent 90% des importations intra-africaines.
Pour conclure, la ZLECAF fut lancée le 1er janvier 2021 par les pays africains afin que l’accord puisse réduire les tarifs entre les pays membres et couvrira des domaines tels que la facilitation du commerce, les services et l’investissement, ainsi que des mesures réglementaires telles que les normes sanitaires et les obstacles techniques, les droits de propriété intellectuelle.
Ainsi la ZLECAF articule sa démarche autour des lacunes du commerce intra-africain à combattre telles que le faible niveau des échanges entre les pays, le faible niveau d’industrialisation ou de création de valeur régionale. En effet, la ZLECAF est une opportunité significative pour l’Afrique, à part la baisse des tarifs douaniers, n’oublions pas qu’il faudrait éliminer progressivement les barrières non-tarifaires, défi majeur que les pays africains doivent relever avec vigueur pour stimuler l’impact de la ZLECAF sur le développement. A long terme, les décideurs politiques devront entamer des politiques de soutien pour encourager la transformation structurelle.