L’Algérie, ce petit « Etat » voyou
Officiellement, la liste des Etats dits « voyous », qualificatif célèbre instauré pour la première fois par le conseiller du président Bill Clinton pour la Sécurité nationale Antony Lake, comprend aujourd’hui des pays comme le Cuba, la Corée du Nord, l’Iran et le Venezuela. L’Algérie, une république militarisée et lourdement armée grâce aux vannes du pétrole, entretenait et entretient toujours de très bonnes relations avec la plupart de ces pays blacklistés par les Etats-Unis et la communauté internationale. Les récents tripotages du régime algérien avec certaines de ces dictatures dénotent de la volonté de ses dirigeants de franchir le rubicon et rejoindre le cercle fermé des voyous.
Septembre dernier, l’Algérie et l’Iran, qui tissent depuis des décennies des liens de partenariat « profonds », ont « abordé les possibilités de développer des programmes et des projets énergétiques communs ». Un mois et quelques jours après, il s’est ensuivi la signature d’un mémorandum d’entente entre Alger et La Havane (Cuba) dans le domaine de la santé, après « le renforcement » des relations bilatérales en décembre 2020 dans celui du tourisme. En septembre 2017, le président vénézuélien Nicolas Maduro s’est même rendu en Algérie pour, disait-on, « échanger avec les responsables algériens sur la question du pétrole ». En somme, le régime algérien est en flagrant délit de bromance avec des régimes criminels, mais avec lesquels il ne discute pas que de santé, de tourisme ou de pétrole mais, aussi et surtout, d’armement, une obsession devenue consubstantielle à son existence et à celle de son appendice, le polisario.
Partant, l’Algérie, en trifouillant avec les « grands » voyous de la planète, peut se contenter, à l’heure actuelle, de n’être qu’un petit voyou. Ce que le président Tebboune et son conseil de ministres, composé essentiellement de généraux, entreprennent sur l’arène régionale, en particulier contre le Royaume du Maroc, le place confortablement dans la catégorie des Etats « racketteurs ».
Le racket, symptôme de la maladie du « voyou »
Charles Tilly, sociologue américain de renommée internationale, avait écrit en 2000 « La guerre et la construction de l’Etat en tant que crime organisé », un texte rédigé initialement en anglais où il expliquait la tendance monomaniaque de certains Etats à racketter d’autres pour exister ou s’affirmer sur l’arène internationale. Les moyens utilisés par ceux-ci et que le professeur Tilly détaille dans son analyse concordent parfaitement avec ceux du régime algérien, ce qui le place aujourd’hui sur l’échiquier mondial au plus haut point des Etats recketteurs.
M. Tilly explique qu’un Etat racketteur « est celui qui crée une menace et fait ensuite payer pour s’en protéger. Selon cette définition, la fourniture de protection par les gouvernements apparaît comme du racket ». Dans ce cas de figure, l’Algérie, en accusant au début du mois le Maroc d’avoir tué trois camionneurs algériens, a créé une menace de toutes pièces contre sa sécurité pour brandir, ensuite, celle de « représailles ». Quelques jours après, la version algérienne des faits s’est dégonflée après les révélations des membres de la MINURSO qui se sont rendus sur place.
Charles Tilly poursuit que « dans la mesure où les menaces contre lesquelles un gouvernement donné protège ses citoyens sont imaginaires ou sont la conséquence de ses propres activités, ce gouvernement a organisé un racket en échange de protection ». Sur l’affaire des camionneurs, la messe est donc dite par M. Tilly.
Restent les relations maroco-israéliennes qui sont au beau fixe, puisqu’elles sont basées sur une coopération protéiforme qui couvre de nombreux partenariats tout en se basant sur le respect mutuel. Tebboune et consorts y voient plutôt une menace pour l’Algérie.
La dernière lubie vient donc cette fois du président du sénat algérien Salah Goudjil, qui porte l’hystérie au pinacle en estimant publiquement que l’Algérie était « visée » par la visite au Maroc du ministre israélien de la Défense, Benny Gantz. Pour lui, « les ennemis (le Maroc et Israël, NDLR) se mobilisent de plus en plus pour porter atteinte à l’Algérie ». Sur ce cas précis, M. Tilly fut aussi un grand prémoniteur. Il écrivit que « Puisque les gouvernements eux-mêmes simulent, stimulent ou même fabriquent des menaces de guerre extérieures (…), de nombreux gouvernements opèrent exactement comme des racketteurs. »
Entre Alger et Pyongyang, des relations « cordiales »
En 2017, l’Algérie avait réaffirmé, fièrement et à qui veut l’entendre, son entente « cordiale » avec la Corée du.. Nord ! Le vice-ministre nord-coréen des Affaires étrangères s’était même rendu à Alger pour l’annoncer solennellement. C’était sans surprise, puisque les deux pays ont des relations diplomatiques hissées au plus haut degré. En février 2020, les médias algériens avaient relayé, en boucle, une rencontre entre l’ambassadeur nord-coréen et le président de la commission algérienne des affaires étrangères à l’assemblée populaire nationale (APN).
Quel message veut donc passer l’Algérie au monde à travers ses liens avec la championne des dictatures au monde ? Officiellement, c’est l’histoire à dormir debout de neutralité dans ses relations avec « tous » les pays du monde. Officieusement et réellement, l’Algérie, en mal de repères politiques, malade économiquement, dirigée par des grabataires (en uniforme pour la plupart) est prise dans l’étau de l’agonie étatique, car de deux choses l’une : ou elle devient une vraie république en se réformant de l’intérieur, en freinant sa course effrénée à l’armement, en mettant les généraux dans les casernes et non pas dans des conseils de ministres et, in fine, en rompant avec les Etats voyous et en revenant à la raison à travers le rétablissement de relations de bon voisinage et de respect avec les autres Etats, ou elle devient un Etat défaillant, failli et effondré. Le vieux vœu pieux de grand Etat « voyou » n’est que chimère.