Le mois de mars n’a pas fini de s’inscrire comme ayant été celui d’une mini « guerre ouverte » avec l’ONU que, déjà, celui d’avril nous interpellait gravement. Deux situations se sont présentées, chacune à sa manière, pour mettre à l’épreuve la diplomatie marocaine : le rapport du secrétaire général et le vote du Conseil de sécurité de l’ONU à propos du Sahara, ensuite le recours du Conseil de l’Union européenne contre la décision, prise le 10 décembre 2015, d’annuler l’accord agricole avec le Maroc, signé en 2012. Décision qui, comme on le sait, a soulevé une vague de protestations et l’ire des autorités marocaines. Les situations auxquelles est confronté le Maroc depuis trois mois maintenant ne sont pas antinomiques, loin de là. Elles ont ceci de commun qu’elles sont liées de manière rédhibitoire et consubstantielle au conflit du Sahara. Par quelque biais qu’on les aborde, elles débouchent sur la même affaire et sur l’ahurissante haine que nourrit le pouvoir algérien contre notre intégrité territoriale.
C’est peu dire que le Sahara, et depuis le début, n’a jamais été autre chose que l’obsession du pouvoir algérien. A un officiel égyptien tenté de comprendre le dossier, Abdelkader Messahel, ministre délégué des Affaires maghrébines et chargé du problème du Sahara, a rétorqué sur un ton de menace : « L’affaire du Sahara est une question de vie ou de mort pour l’Algérie » ! Tout au début des années soixante-dix, jouant sur une ambiguïté ontologique, les dirigeants algériens affirmaient, sur un mode de « vox clamantis », « qu’ils n’étaient pas concernés, mais intéressés par l’affaire du Sahara ». A telle enseigne que, cynisme oblige, Boumediene déclarait au Sommet arabe de Rabat en 1974 que « l’Algérie combattrait aux côtés du Maroc frère pour libérer le territoire marocain de la décolonisation espagnole » !
La Cour de justice internationale (CIJ) a rendu son verdict le 15 octobre 1975, le Maroc, l’Espagne et la Mauritanie ont signé l’accord tripartite de décolonisation le 14 novembre suivant, l’ONU a entériné le même accord fin décembre suivant. En janvier 1976, le gouvernement algérien, dévoilant son vrai visage, a lancé ses troupes à Amgalla dans des agressions que les Forces Armées Royales ont repoussées, faisant des centaines de prisonniers algériens et dévoilant ainsi les véritables desseins d’Alger. La CIJ, s’adossant à l’esprit de la résolution 1514 de l’ONU relative à la décolonisation et aux territoires non-autonomes, était saisie par le Maroc sur le paragraphe 6 relatif à l’intégrité territoriale, stipulant avec pertinence que « la décolonisation du territoire peut se réaliser à travers la réintégration de la province ( objet du litige) dans le pays d’origine ( Le Maroc) dont l’a détaché le fait colonial » ( L’Espagne). »
Maurice Flory, éminent juriste, professeur de droit et de sciences politiques à l’Université de Marseille, spécialiste des pays arabes, observateur en son temps du dossier du Sahara, avait expliqué que « toute tentative à détruite partiellement ou totalement l’unité nationale ou l’intégrité territoriale d’un pays est incompatible avec les buts et les principes de la Charte des Nations unies ( Vingt ans de jurisprudence de la Cour internationale de justice . Le cas du Sahara, CIJ Rec 1975 ). L’avis de la CIJ avait, grosso modo malgré les finauderies de langage, conclu à l’existence de « liens juridiques et politiques, d’allégeance entre les tribus du Sahara et le Sultan du Maroc », en plus de l’argument que « le Sahara, au moment de sa colonisation par l’Espagne en 1884, n’était pas terra nullius », c’est-à-dire un territoire sans maître !
De mémoire d’homme, nous n’avons jamais assisté à une injustice historique aussi flagrante que celle qui a frappé le Maroc depuis la Conférence d’Algésiras, réunie en 1906, qui a vu notre pays se faire dépecer par plusieurs puissances impérialistes de l’époque, européennes notamment, la France, l’Espagne, l’Angleterre, l’Allemagne voire la Russie tsariste. Or, le Maroc a posé sa revendication sur le Sahara au lendemain de son indépendance en 1956, huit ans avant que l’Algérie ne se libère du joug colonial français, dix-huit ans avant qu’elle ne créée le groupe fantoche de polisario, dont les dirigeants sont originaires du Maroc, récupérés et instrumentalisés par les services de renseignements algériens à des fins d’expansionnisme.
Le dossier du Sahara marocain a constitué la pierre d’achoppement entre le gouvernement marocain et le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon. Si tant est que l’on ait pu volontiers créditer jusqu’ici ce dernier d’une « neutralité » intrinsèque à sa fonction, les événements du début du mois de mars sont venus nous contredire, et surtout nous tirer d’une certaine apathie. Le parti-pris affiché désormais par Ban Ki-moon an faveur des thèses séparatistes marque un tournant dans la procédure de règlement à laquelle le Maroc s’est prêté de bonne foi depuis 1981, procédure marquée par des hauts et des bas, et à laquelle il demeure en revanche fort attaché. Autrement dit, sans ambiguïté aucune, il défend « mordicus » la solution politique puisque depuis 2004, et surtout 2007, de l’avis même de la majorité des membres du Conseil de sécurité, le référendum d’autodétermination – langage des années 70 – est devenu caduc et non avenu. Sans doute faudrait-il rappeler que le Maroc, contrairement à ce que la presse algérienne, en mal de haine, a coutume de débiter, n’a jamais craint le principe d’un référendum. Le Roi Hassan II l’avait même proposé au lors de l’homérique XVIIIème Sommet de l’OUA tenu en juin 1981 à Nairobi, désarmant et dépouillant une Algérie hargneuse de son sempiternel argument.
Cela dit, le plus paradoxal est que l’Algérie qui a réclamé à cors et à cris le référendum et en a fait son sinistre cheval de bataille contre le Maroc, s’est évertuée à le saboter elle-même, soufflant le chaud et le froid sur son organisation, transgressant la Charte des Nations unies dont elle n’a cessé de piétiner les sacro-saints principes. Sauf schizophrénie, comment en effet expliquer leur violation après que le Maroc eût donné finalement son accord pour un référendum, et que l’OUA en eût pris acte ? C’est dire la manière cavalière, méprisante même du pouvoir algérien de fouler au pied l’esprit de la Charte de l’organisation panafricaine et ses dirigeants. Deux plus tard, en 1982, Edem Kodjo, secrétaire général de la même organisation, dévoyé et corrompu, n’avait-il pas foulé au pied les résolutions prises au Sommet de Nairobi, commençant à faire entrer de force la fantoche rasd dans l’OUA, illustrant le jeu machiavélique algérien, provoquant ainsi le départ du Maroc lors du Sommet de l’OUA, organisé en novembre 1984 à Addis Abéba ?
Pourtant, dans un discours demeuré retentissant, prononcé le 26 juin 1981 du haut de la tribune de l’OUA, feu Hassan II – dont on dira plus tard qu’il a cédé à des appels de « pays amis » – annonça solennellement la volonté du Maroc d’organiser un « référendum contrôlé » au Sahara. Deux mois plus tard, un Comité « ad-hoc » résultant des recommandations dudit Sommet se réunit à Nairobi pour mettre en œuvre la procédure référendaire. Or, si le Maroc avait accédé aux récurrents desiderata des uns et des autres – des responsables algériens et de leurs affidés -, il n’en demeurait pas moins que le ralliement du Roi Hassan II au principe de référendum, les mettait au pied du mur, les gênait aux entournures. D’autant plus que lorsque la Commission d’identification des originaires du Sahara s’attela à la tache , notamment après l’accord de cessez-le-feu de septembre 1991, et la création de la MINURSO, elle se heurta à une série d’entraves, de manipulations et de pressions de la part du polisario et de ses commanditaires, le DRS algérien notamment. Ils ne voulaient voir figurer sur les listes des votants au référendum que les tribus et les chioukhs de leur choix ayant fait allégeance au pouvoir algérien, excluant les centaines de milliers de sahraouis des tribus Reguibat, Dlimiyine , lâaroussyine, les Tekna, les Aït Bâamrane, les Aït Tidrarine, etc….
Un scrutin de dupes quoi !
Le pouvoir algérien a saboté le principe du référendum annoncé dès 1981, relancé en 1991, il ne s’est jamais résolu à un recensement-authentification des véritables populations sahraouies, comme il n’a jamais autorisé le HCR ( Haut Commissariat aux Réfugiés des Nations unies) à se rendre dans les camps de Tindouf pour vérifier qui est sahraoui apte à voter et qui ne l’est pas ! Ce blocage est en réalité une volonté de camoufler l’incorporation de force par l’armée algérienne de milliers de touaregs, de nigériens, de maliens, de mauritaniens, de tchadiens dans les camps de Tindouf et d’en faire des « réfugiés » sahraouis, ne parlant ni hassani, ni arabe …
Championne d’une thèse dépassée de « l’autodétermination des peuples à disposer d’eux-mêmes », l’Algérie est de ce fait opposée logiquement au principe pertinent de l’ONU de « l’unité et de l’intégrité territoriale » qu’elle avait défendue becs et ongles pour son propre Sahara face à la France. Ce qui est bon pour elle, ne l’est pas pour les autres. Comment n’a-t-elle jamais défendu et reconnu l’indépendance du Kosovo face à la Serbie, la Tchétchénie, le pays basque , la Corse, Chypre ?…Pourquoi ne soutient-elle pas également le droit à l’indépendance des Lapons samis qui se considèrent victimes de la « colonisation » suédoise, norvégienne et finlandaise ?
Simples contradictions ? Perfidie ? Ban Ki-moon nous le confirmera à coup sûr dans les prochains jours.