L’ambassadeur de Chine exprime ses « admirations pour l’art de recevoir des Marocains »
TRIBUNE EXCLUSIVE
Par LI Changlin (*)
Le Maroc est connu comme le « Jardin d’Afrique du Nord » pour la beauté de ses paysages. Les Marocains sont doux, ouverts d’esprit et hospitaliers, en particulier envers les étrangers. Grâce à mon travail, je me suis fait de nombreux amis de tous horizons au Maroc, et j’ai eu l’occasion d’être invité chez eux pour découvrir de près l’art de recevoir des Marocains.
La façon dont les Marocains accueillent leurs invités est un véritable rituel et vous fait vous sentir comme chez vous. Les Marocains sont ponctuels. Des officiels et des amis que j’ai rencontrés n’ont jamais manqué à leurs rendez-vous ; ils m’ont toujours attendu à l’entrée de leur bureau ou de leur maison et m’ont accompagné jusqu’à ma voiture à la fin de la rencontre. Les Marocains sont également généreux, et même peu de temps après notre connaissance mutuelle, vous êtes invité chez eux pour un thé ou un repas. L’hôte en costume traditionnel djellaba attend ses invités d’honneur à la porte, et leur offre des dattes et du lait. Lorsque le Président chinois Xi Jinping était en transit à Casablanca il y a un mois, il a dégusté des dattes avant d’entrer dans le salon royal de l’aéroport, avec le Prince héritier Moulay El Hassan.
Beaucoup de mes amis marocains m’ont dit qu’ils avaient vu cette image touchante à la télévision, et qu’ils étaient profondément impressionnés par l’attention que le Président Xi Jinping attachait aux coutumes traditionnelles du pays. Lorsque vous entrez par la suite dans la résidence, vous voyez souvent un serveur professionnel invité par l’hôte, vêtu d’un uniforme, portant des gants blancs, debout dans un coin du salon, prêt à servir les invités. Sur la table du salon se trouvent diverses boissons, fruits confits et pâtisseries, parmi lesquelles des cornes de gazelle aux amandes, des briouates au miel et aux amandes, des ghribas aux noix, des makrouds aux dattes, et des mhanchas aux amandes, etc. Un petit orchestre joue dans le salon et un chanteur intervient. Sur le sol, dans un coin du salon, est assis un préparateur de thé, vêtu d’habits traditionnels, avec de petits pots d’herbes devant lui, semblables aux herbes chinoises. Il met les herbes de votre choix dans le thé chaud, et il dit que chacune de ces herbes a ses vertus thérapeutiques, certaines aidant à soulager la pression artérielle, d’autres stimulant la digestion ou redonnant de l’énergie.
La consommation du thé vert chinois est au centre de mes conversations avec mes amis marocains, et ils disent que boire du thé vert chinois tous les jours est indispensable, en plaisantant que la moitié de leur corps est constituée de thé vert. Ils insistent tout particulièrement sur le fait que les ustensiles utilisés pour préparer le thé au Maroc sont appelés Siniya (ce qui signifie « objets chinois » en arabe), et je leur dis également que le Maroc est le plus grand importateur de thé vert de Chine, avec un volume annuel d’environ 70.000 tonnes, et que le thé vert a joué un rôle exceptionnel dans le rapprochement des peuples chinois et marocain.
Les maisons marocaines sont spacieuses, fonctionnelles et ont une forte composante culturelle. La ville de Rabat où j’habite, la municipalité stipule que les habitants ne doivent pas construire plus de deux étages, à savoir un sous-sol, un étage et un rez-de-chaussée. La plupart des familles auxquelles j’ai rendu visite appartiennent aux fonctionnaires ou hommes d’affaires. En entrant dans la maison, l’hôte guide ses invités à travers l’agencement de la résidence. Ce qui a attiré mon attention, c’est que la superficie de la résidence est impressionnante, mais que la porte d’entrée est petite, ce qui lui donne un air particulièrement discret. Il y a au moins deux ou trois salons de tailles différentes dans la maison, et l’un d’entre eux est forcément un salon rond de style traditionnel, avec des canapés placés contre les quatre murs.
Le propriétaire m’a expliqué que l’une des fonctions importantes du salon était que les enfants venaient à la maison pendant les vacances ou les fêtes, et qu’ils pouvaient dormir dans ce grand salon la nuit. Ce qui est aussi impressionnant, c’est que dans la plupart des maisons, on peut voir des objets portant des éléments chinois, tels que des paravents, des vases, des couverts, des guerriers miniatures en terre cuite, etc., et les hôtes vous raconteraient des histoires liées à ces ornements culturels chinois. Presque toutes les résidences de ce genre disposent d’une grande pelouse devant ou derrière la maison et aussi d’une piscine. La plupart de ces maisons appartiennent à des parents âgés qui ont acheté le terrain il y a 20 ou 30 ans, lorsque la terre était moins cher, et qui ont fini de les construire en 3 ou 4 ans. Quand je me promène dans le quartier le soir, je vois parfois une famille installer des tentes dans sa cour et, lorsque je me renseigne, j’apprends qu’elle organise un mariage pour son enfant le samedi soir, car seule la maison des parents dispose de l’espace nécessaire pour un événement de cette ampleur.
La cuisine marocaine est riche et particulière. Les Marocains sont fiers de dire que leur cuisine est la troisième au monde après celle des Chinois et des Français. Lors de voyages de courte durée au Maroc, les Chinois vont toujours essayer la cuisine marocaine, et sont souvent impressionnés par la variété et la quantité des nourritures qui correspondent bien à leurs goûts. J’ai remarqué que les Marocains qui reçoivent des invités à dîner choisissent plus souvent la table ronde, et ils disent que tout le monde assis ensemble va créer une meilleure ambiance. Les salades marocaines seront servies en premier, et elles sont composées principalement d’aubergines, de carottes, de potiron et de tomates. Vient ensuite la pastilla, soit salée avec de crevettes, de calamars et d’autres fruits de mer, soit sucrée, farcie de pigeon ou de poulet, avec des oignons, du citron, des œufs et des amandes grillées.
Le mechoui signifie le mouton ou l’agneau entier rôti à la broche, tendre et croustillant, avec du sel et du cumin en guise de sauce. Le tajine, ressemble beaucoup à la cuisine du Nord-est de Chine. Ses variétés les plus courantes sont le tajine de bœuf aux prunes, le tajine de poulet au citron et aux olives, et le tajine de poisson. N’oublions pas le couscous, avec de l’agneau, du mechoui, ou encore purement végétarien. Il est généralement accompagné d’une sélection de sept légumes, dont le potiron, les pommes de terre et les navets. Normalement, la famille prend du couscous ensemble le vendredi après les prières.
Parmi les soupes, la harira est la plus célèbre. Il s’agit d’une soupe semblable au consommé chinois, composée de bœuf ou d’agneau, de tomates, d’oignons et de pois chiches, aromatisée à la coriandre et au safran pour un goût aigre-doux. Il n’y a pas longtemps, dix camarades de ma classe sont venus visiter le Maroc, et je les ai emmenés chez le Président du Conseil Préfecoral de Rabat, M. Abdelaziz Derouiche, et le Président de la Chambre de commerce Maroc-Chine, M. Ahmed El Makkaoui, pour leur faire goûter la délicieuse cuisine marocaine. Ces deux amis marocains ont préparé toute une gamme de plats traditionnels, et leur gentillesse et générosité ont beaucoup touché mes camarades de classe.
L’échange de cadeaux est très apprécié par les Marocains, qui y voient un moyen important de transmettre leur amitié. Selon la coutume marocaine, la première fois que vous vous rendez chez quelqu’un, vous êtes conseillés d’apporter un cadeau. Il peut être un objet artisanal traditionnel, un dessert, un bouquet de fleurs, des livres ou des revues illustrées. Si vous êtes invité à un mariage, ce sera idéal d’apporter quelque chose symbolique de votre pays. Il y a quelque temps, j’ai rencontré à Casablanca un chocolatier marocain, M. El Yacoubi. Comme l’on s’entendait très bien, nous sommes rapidement devenus de proches amis et il m’envoie régulièrement une boîte de chocolats, que je partage à chaque fois avec mes collègues. Il convient de mentionner que presque chaque année, pour mon anniversaire, mon chauffeur Mohamed m’offre un cadeau, une djellaba traditionnelle, des photos encadrées de moi participant à un événement… Et bien sûr, je lui donne des cadeaux chinois en retour en signe de reconnaissance.
En même temps, les Marocains savent bien exprimer leur gratitude en répondant toujours amicalement aux aides des autres. Il n’est pas rare que les Marocains offrent des médailles ou des certificats de mérite pour démontrer leur gratitude et y impriment des photos et le nom des participants. Dernièrement, la Fédération royale marocaine de Wushu, l’Association Grande Ismaïlia de Meknès et le Centre de chinois mandarin de Marrakech m’ont offert des médailles et des trophées pour remercier la partie chinoise d’avoir contribué à l’organisation de la Compétition de Wushu et du Forum international du tourisme et d’avoir fourni du matériel au Centre de chinois mandarin.
L’année dernière, le président chinois Xi Jinping, dans son discours adressé aux ambassadeurs chinois accrédités à l’étranger, nous a demandé de nouer des amitiés profondes avec le pays où l’on travaille, et que notre tâche devrait être effectuée à la fois au niveau officiel et populaire. Lors de sa rencontre avec le Prince héritier Moulay El Hassan à Casablanca, le Président Xi a souligné que la Chine et le Maroc devraient développer davantage les échanges culturels et renforcer sans cesse notre amitié. À mon avis, la meilleure façon de mettre en œuvre cet esprit est de se faire proactivement plus d’amis de tous horizons, de se rendre visite à plus de familles marocaines et de mieux comprendre le pays. En janvier prochain, China Eastern Airlines inaugurera la liaison Shanghai – Marseille – Casablanca et Royal Air Maroc reprendra les vols Casablanca – Beijing. On peut donc s’attendre à ce que les échanges humains entre la Chine et le Maroc entrent dans une période de croissance rapide, ce qui, je pense, jettera des bases solides pour la coopération globale entre nos deux pays.
(*) Ambassadeur de Chine au Maroc