« L’Autre côté de soi », le nouveau roman de Noureddine Bousfiha
Saluer un romancier, voilà qui est, pour ceux qui n’ont connu que sa poésie, bien plus qu’un exercice littéraire. Dans L’Autre côté de soi, il y a l’acte de s’arrêter sur le titre qui soulève la question de l’altérité. Noureddine Bousfiha montre un talent évident dans la manière de positionner sur l’échiquier ses personnages. L’histoire du roman est prenante, fluide, émouvante ; étroitement liée à une ville d’où part l’intrigue : Tassa pour ne pas la nommer. Une ville-symbole sur laquelle se greffe une poétique du dépouillement ; une cité que l’auteur ne juge pas bon de décrire. Tout ce qu’on sait d’elle, vient des personnages et de leurs insolences. Rien qui puisse mériter l’intérêt des lecteurs.
Témoin peut-être des faits qu’il raconte –au vu du titre de l’ouvrage qui n’est pas né du hasard-, l’auteur nous laisse des détails dignes d’intérêt. Une espèce de fatalité y préside dans la genèse de ce roman à tiroirs. Le récit commence dans une ville qui semble aisée à subjuguer, des inimitiés allument cependant des discordes. D’étroites liaisons d’amitiés se nouent. Le romancier nous rapproche de ses personnages, nous dévoile leur intérieur. Il les suit par toutes sortes de voies. Leur fait prendre un air contrit pour mieux résister à l’extrême dégoût qu’ils ont de leurs vies réticulaires.
Cette résistance est le point de départ d’une errance qui fait pressentir aux protagonistes une sorte d’identité momentanée avec la réalité de leur quotidien. Des idées répondent à des lois inconnues, cachées dans les profondeurs muettes des choses. Le récit fait entendre des rêves, des visions surgies d’un monde tellurique qui froisse et se tait sur les raisons de ses colères. La voix du narrateur, aussi vraie dans l’aveu de ses misères que celui de ses jubilations les plus ambiguës, s’insère dans des paysages insaisissables, parfois pleins de désolation. Une vraie épopée, une fresque délirante, mais très bien organisée, émaillée par une succession d’aventures originales et inattendues ; une sorte de sarabande qui prend le lecteur dès la première page.
Vingt-six chapitres qui se lisent comme autant de nouvelles en vases communicants. Le tout dévoile une profonde quête de soi, entreprise par des personnages aussi attachants les uns les autres. Ces êtres aux destins exceptionnels vivent leurs combats, leurs rêves et leurs drames. Les intrigues, les revers, les caractères jouent un rôle non négligeable. On arrive à se convaincre que le changement d’air est la solution aux maux. Qu’importe le pôle qu’on vise ! On tente sa chance par-delà tout ce qui grève ou entrave la marche qui du reste prend la forme d’un parcours initiatique censé apporter plus de maturité et de sérénité. On agite les problèmes existentiels au premier moment d’exaspération.
C’est sur les routes que vient la première lueur de salut. Et c’est dans la marche où l’on découvre le sens de la liberté dans une infusion des corps qui se meuvent par monts et vallées. Le lecteur suit d’étape en étape le livre errant qui déroule tantôt des pages sérieuses, tantôt d’autres plaisantes. Chaque personnage porte en lui une promesse à sa hauteur. L’auteur cherche dans leurs souvenirs, dans les scènes ce qu’il se complaît à retracer, donnant une idée tangible des lieux avec des descriptions passionnées. On agite les problèmes existentiels au premier moment d’exaspération. On se dénude. On se fait. On se refait. On se fortifie, comme on peut. Le rêve, l’aventure sont le point commun. Sans cesse il est question de délivrance, et c’est là un trait assurément curieux de ces rebelles d’un autre genre, plus disposés à secouer leur apathie qu’à engager la grande lutte, celle du combat intérieur qui permet de se connaître, de s’améliorer, de s’accomplir. Certains arrivent à faire le point avec une réelle intention de changer, d’autres restent dans le déni, incapables de renaître à la vie.
Un véritable roman à découvrir et apprécier où l’auteur conduit son travail de main sûre, s’évertue à ramener le tout à un goût plus sain. On dit avec raison que le meilleur point de vue sur le roman, c’est celui du lecteur. En tout cas, ce dernier fera tout comme moi, de très belles et surprenantes rencontres. A lire et à recommander.