Dans l’ombre du danger : le BCIJ détaille le projet terroriste de Had Soualem
C’est sous les projecteurs de la salle de conférence du Bureau Central d’Investigations Judiciaires (BCIJ) à Salé que s’est tenue ce jeudi après-midi, une rencontre avec la presse aux allures de bilan. Au centre de l’attention : le démantèlement d’une cellule terroriste redoutable, prête à frapper des cibles civiles et sécuritaires sur le territoire national. Explications.
Sur une large table, soigneusement disposé sous les yeux des journalistes, un arsenal saisissant était exposé : couteaux de diverses tailles, substances chimiques soigneusement étiquetées, plans détaillés des cibles, croquis de voies d’accès et d’évasion, téléphones portables, disques durs remplis de vidéos de propagande, et même des équipements de fabrication artisanale d’explosifs. Chaque élément racontait une histoire glaçante, celle d’une organisation terroriste en pleine préparation, stoppée à temps par la vigilance du BCIJ.
Dans sa prise de parole, le directeur du BCIJ, Chakib Haboub, d’un ton grave, il désigna les preuves matérielles saisis et exposés dans une salle concomitante à celle où se déroulait la conférence. « Ce que vous avez vu, c’est le fruit d’une enquête minutieuse et d’une intervention chirurgicale. Nous avons déjoué une catastrophe imminente », déclara-t-il.
L’opération, expliqua-t-il, s’est déroulée en deux phases distinctes. Tout a commencé par une surveillance intensive des suspects. Pendant des semaines, des agents spécialisés ont suivi leurs moindres faits et gestes, scrutant leurs déplacements, leurs achats et leurs communications. Rapidement, les enquêteurs ont compris qu’ils avaient affaire à une cellule organisée, méthodique, aux intentions destructrices.
Puis vint le jour de l’assaut. Dimanche dernier, avant l’aube, une unité d’élite du BCIJ a encerclé discrètement une résidence à Had Soualem, une petite localité paisible de la région de Casablanca-Settat. L’opération s’est déroulée en deux temps : une première intervention a permis d’interpeller trois des quatre suspects, avant qu’un quatrième ne soit capturé quelques heures plus tard. L’efficacité et la précision des forces d’intervention ont évité tout bain de sang.
Un arsenal inquiétant et une préparation méticuleuse
Les fouilles effectuées dans la maison des suspects ont révélé une préparation des plus minutieuses. « Nous avons trouvé une quantité importante de soufre, de nitrate, de charbon en poudre et d’autres composants chimiques entrant dans la composition d’explosifs artisanaux », poursuivit le directeur du BCIJ en montrant les sachets étiquetés sur la table. « Les suspects avaient également stocké des couteaux de différentes tailles, probablement destinés à des attaques au corps à corps si nécessaire. »
Les enquêteurs ont aussi découvert une série de documents écrits à la main, exposés à la presse : des plans de plusieurs lieux publics, y compris un supermarché prisé des expatriés, des bâtiments administratifs et même des sites sécuritaires. Chaque croquis détaillait les entrées, les sorties, les itinéraires possibles, et même des stratégies de fuite après les attentats.
Mais ce qui frappa particulièrement les enquêteurs, c’était la sophistication du réseau mis en place pour l’acquisition du matériel. « Ils ont fragmenté leurs achats dans plusieurs magasins, répartissant les achats de produits chimiques et d’équipements à usage double sur plusieurs semaines afin de ne pas éveiller les soupçons », expliqua un expert en explosifs du BCIJ, détaillant le mode opératoire des terroristes.
L’affaire a également mis en lumière une tendance inquiétante : la radicalisation intra-familiale. « Le frère aîné a recruté ses cadets, les endoctrinant progressivement avec une propagande violente et pervertie », expliqua Haboub. La famille, habituellement perçue comme un sanctuaire de protection, était devenue ici un incubateur du fanatisme.
Les experts en lutte contre le terrorisme présents à la conférence ont souligné que cette tendance rendait le travail de détection plus complexe. Contrairement aux groupes terroristes classiques, qui recrutaient dans des cercles élargis, ces nouvelles cellules se formaient au sein même des foyers, rendant les interventions plus délicates.
Un lien inquiétant avec les groupes du Sahel
Une fois neutralisée, l’enquête a révélé que cette cellule n’agissait pas seule. « Les suspects prévoyaient de rejoindre les camps de Daech dans le Sahel une fois leurs attaques perpétrées », précisa Haboub. Le frère aîné, cerveau du groupe, comptait même emmener ses enfants dans la région, un fait qui souligne la brutalité de son endoctrinement.
Le BCIJ a également rappelé que depuis 2022, plus de 40 cellules liées à Daech ou Al-Qaïda ont été démantelées au Maroc. Des chiffres alarmants qui témoignent de la pression constante exercée sur le pays par ces réseaux transnationaux.
Face à ces menaces, le Maroc ne lutte pas seul. Le Département d’État américain a récemment salué les efforts du royaume, le qualifiant de « partenaire stratégique essentiel ». Interpol, de son côté, a mis en avant l’expertise marocaine lors d’un sommet international sur la sécurité.
Le patron du renseignement marocain, Abdellatif Hammouchi, a d’ailleurs rencontré récemment son homologue espagnol pour coordonner les efforts contre les cellules terroristes transfrontalières. « La coopération est un pilier essentiel de notre stratégie », souligna Haboub, insistant sur l’importance d’un partage accru d’informations entre les services de sécurité.
À l’approche des grandes compétitions, un renforcement de la vigilance
Alors que le Maroc se prépare à accueillir la Coupe d’Afrique des Nations en 2025 et la Coupe du Monde en 2030, la question sécuritaire est plus que jamais au cœur des préoccupations. Ces événements internationaux représentent des cibles potentielles pour les groupes extrémistes, et les autorités marocaines mettent en place des dispositifs renforcés.
« Nous sommes prêts », assura Haboub à la fin de la conférence. « Chaque menace sera identifiée et neutralisée avant qu’elle ne puisse nuire à la stabilité de notre pays. »
Ainsi s’acheva cette présentation, laissant une impression durable dans l’esprit des journalistes présents. Derrière l’efficacité du BCIJ, c’est toute une machine sécuritaire qui se déploie dans l’ombre, veillant à ce que le Maroc demeure un bastion de stabilité face aux périls du terrorisme international.