Le BCIJ lève le voile sur les préparatifs d’une cellule islamiste
Le Bureau central d’investigations judiciaires a organisé une conférence de presse, ce jeudi 30 janvier 2025, à son siège situé à Salé, pour fournir des informations détaillées sur la cellule terroriste de « Had Soualem », aussi connue sous le nom médiatique de « la cellule des trois frères ». Cette cellule avait pour objectif de mener des attaques terroristes de grande ampleur sur le territoire marocain, visant des cibles stratégiques.
Lors de cette conférence, le directeur du Bureau central d’investigations judiciaires (BCIJ), Habboub Cherkaoui, a dévoilé que les investigations menées par ses services ont permis de découvrir les lieux où allaient se dérouler les attentats, à savoir des sites sécuritaires sensibles, des supermarchés ainsi que des lieux publics très fréquentés, tant par les citoyens marocains que par les étrangers. Ces projets étaient destinés à semer la terreur au sein de la population, et à s’attaquer à des infrastructures jugées symboliques par les autorités marocaines.
Cherkaoui a également précisé que le chef de cette cellule, l’aîné des trois frères impliqués, avait élaboré un plan pour transférer ses cinq enfants vers la région du Sahel, un environnement considéré comme propice pour l’accueil de familles de terroristes. Ce déplacement était perçu comme une menace sécuritaire grave, car il visait à renforcer les liens avec des groupes terroristes opérant dans cette zone.
Le directeur du BCIJ a insisté sur le fait que les membres de la cellule étaient en contact direct avec des responsables de l’organisation terroriste « Daech », opérant dans la région du Sahel. Ces derniers leur prodiguaient des directives précises et un encadrement pour l’exécution de leurs projets terroristes. Cette connexion avec des groupes jihadistes internationaux montre l’ampleur de la menace et la portée des ambitions de cette cellule locale, qui s’inscrivait dans un cadre plus vaste de radicalisation et d’attaque internationale.
En outre, Cherkaoui a révélé que les membres de la cellule avaient effectué plusieurs repérages clandestins des sites qu’ils comptaient attaquer. Ils avaient photographié ces endroits sous différents angles, scruté les accès et établi des schémas approximatifs des itinéraires menant aux lieux ciblés. Pour préparer leurs attaques, ils avaient acquis des produits chimiques, du matériel de soudure et des substances à double usage, pouvant être utilisés dans la fabrication d’explosifs. Afin de ne pas éveiller les soupçons des autorités, ils diversifiaient leurs sources d’approvisionnement pour rendre plus difficile la détection de leurs activités.
Sur le plan social, Cherkaoui a mentionné que les membres de la cellule partageaient des profils similaires. En effet, leur niveau d’éducation ne dépassait pas la sixième année du primaire pour les trois frères, tandis que le quatrième membre de la cellule avait atteint le niveau du baccalauréat. Cette faible éducation, associée à leur situation professionnelle précaire et informelle, indique un profil de personnes vulnérables, facilement manipulables par des idéologies extrémistes. L’un des membres de la cellule ne pratiquait même aucune activité génératrice de revenus, ce qui souligne un manque d’intégration sociale et économique, facilitant ainsi leur radicalisation.
Cherkaoui a également abordé un problème croissant, celui de l’enrôlement des mineurs marocains dans des zones de conflit, en particulier en Syrie. Il a souligné que 380 enfants avaient quitté le Maroc pour rejoindre des groupes jihadistes dans le nord de la Syrie entre 2013 et 2015, souvent accompagnés de leurs familles. Cette tendance représente une menace croissante, car les jeunes sont particulièrement vulnérables à l’exploitation en raison de leur naïveté et de leur désir d’aventure, ce qui les amène à être utilisés comme instruments dans des attentats terroristes.
Le responsable du BCIJ a également évoqué les efforts de son équipe depuis 2016 pour contrer les menaces terroristes internes. Il a révélé que 600 extrémistes, particulièrement actifs sur les réseaux sociaux, avaient été interpellés pour avoir projeté des attaques en solitaire, une tactique de terrorisme isolé encouragée par Daech dans le cadre de sa stratégie de guerre d’usure. Cette méthode, qui repose sur des actions menées par des individus isolés, est particulièrement difficile à contrer, car elle implique des actes violents indépendants, souvent motivés par des appels à la violence diffusés en ligne.
Enfin, Cherkaoui a rappelé qu’à partir de fin 2022, environ 130 extrémistes marocains ont quitté le pays pour rejoindre des groupes jihadistes en Afrique, notamment en Somalie et dans la région du Sahel. Certains de ces individus étaient des anciens détenus pour des affaires de terrorisme, d’autres avaient combattu dans la zone syro-irakienne.
Pour clore la conférence, Cherkaoui a réaffirmé l’importance de la collaboration entre les forces de sécurité dans la lutte contre le terrorisme. Il a insisté sur le fait que toutes les interventions sont menées en s’appuyant sur des renseignements précis et sont précédées de réunions avec les forces spéciales afin d’assurer la sécurité des citoyens, des biens, ainsi que la protection des agents impliqués dans ces opérations.