Le bilan diplomatique du Président Tebboune : Une boussole géostratégique démagnétisée

Par Dr. Youssef CHIHEB*

Durant les campagnes présidentielles dans les pays qui se respectent, qui respectent les exigences de la démocratie et les fondements d’un État civil affranchi du pouvoir de la bicéphalie (chef de l’État-chef de l’État-major des armées), un président candidat à sa propre succession, sans parapluie de partis politiques, lui garantissant une majorité parlementaire, se doit de présenter un bilan de son mandat écoulé et un programme pour le prochain quinquennat pour l’avenir du pays, pour son rayonnement à l’international et sa vision stratégique dans un monde où de nouveaux paramètres, en termes de gouvernance, sont apparus tels le Soft power, l’anticipation des crises et la diversification des partenariats sur des bases pragmatiques loin des liturgies dogmatiques ou idéologiques prescrites au nom de la réelle politique et du risque d’isolement. Quel bilan politique doit justifier et convaincre les Algériens pour reconduire le président Tebboune pour un second mandat ?

Un bilan décevant sur fond de statut quo interne

Pendant toute la présidence de Tebboune et, en particulier, lors de ses meeting ou lors de ses conférences de presse lissées et policées, le président sortant n’a fait nullement allusion aux avalanches des échecs et revers en matière de politique étrangère, sauf à proposer aux Algériens d’être plus palestiniens que les Palestiniens eux-mêmes et de désigner le Maroc comme l’hydre expansionniste, à l’origine de sa paranoïa et de sa mégalomanie, le conduisant à la confusion subliminale entre un premier pays, grand par la superficie et non par la géographie qui conforte l’idée que géographiquement l’Algérie utile ne représente que 37%, laissant le reste régi par un déterminisme où le Sahara hostile ou inerte et le stress hydrique se conjuguent pour classer le pays au 25ème rang au niveau agricole en Afrique.

Un pays qui se présente comme la troisième puissance économique au monde, avant que la machine de propagande de l’État ne se rétracte, par un rétropédalage pathétique, en ramenant ce fantasme ou lapsus prémédité à l’échelle du continent africain. Dans son discours d’Oran, Tebboune a sciemment écarté l’arbre qui cache la forêt dans cette performance économique. Cette troisième place, après l’Egypte et l’Afrique du Sud, cache des vulnérabilités structurelles attestées par le dernier rapport de la Banque Mondiale de 2023, qui met l’accent sur la fragilité de l’économie algérienne. En dépit de son PIB qui avoisine les 224 milliards de dollars et de son taux de croissance annuelle de 4,2%, le taux de la dette intérieure est de 50,9%, plus de 90,1% de ses recettes en devises, proviennent des hydrocarbures depuis plus d’une quinzaine d’années, le taux de chômage dépasse les 12%, hors emplois subventionnés, près de 25% des dépenses sont fléchées vers la course effrénée à l’armement par l’augmentation de son budget militaire à 23 milliards de dollars. Le taux de chômage des jeunes (diplômés ou pas) avoisine 31% de la population active.

Depuis le Hirak, sévèrement réprimé, le nombre de migrants (Harraga) ayant quitté clandestinement l’Algérie avoisine les 65.000 personnes et 6.000 cadres supérieurs, médecins, ingénieurs et universitaires ont fait le choix forcé de l’expatriation. Quant à sa souveraineté alimentaire, le pays dépend structurellement à hauteur de 74,6% des importations. Sa politique monétaire est confrontée à une inflation endémique dépassant les 10,3%. La monnaie nationale (le Dinar) en a fait les frais. En 2023, un Euro est échangé contre 147 dinars dans les banques et peut s’échanger contre 250 dinars dans ce qu’appellent les Algériens les squares, devenus une économie parallèle à la barbe et au nez des autorités publiques.

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Enfin, le stress hydrique et les coupures systématiques de l’eau aux villes y compris Alger. Le président candidat fait la politique de l’autruche. Fidèle à ses sorties médiatiques surréalistes, le président Tebboune, devant la 78ème Assemblée générale des Nations-unies en septembre 2023 médusée annonçait que l’Algérie va produire en 2024 près de 1,3 milliard de mètres cubes d’eau potable par jour, soit 474,5 milliards de mètres cubes par an et soit onze fois la production moniale ! alors qu’en réalité, l’Algérie, avec ses 23 usines de dessalement, ne produisent que 2,6 millions de mètres cubes par jour, soit 15,3% des besoins de la population du pays. Le président Tebboune a toujours raté l’occasion pour se taire, notamment devant une telle Assemblée où 193 Etat médisés y sont présents.

La boussole de la diplomatie algérienne démagnétisée

Loin des turpitudes de la machine militaro-Tebbounienne et de la propagande au service de l’aliénation du peuple algérien, les élections du 07 septembre2024 demeurent, néanmoins, une affaire interne dont seul le peuple algérien décidera l’issue, le président algérien est comptable du bilan de la politique étrangère de son pays. La censure d’État et la galaxie des médias et des chaînes satellitaires qui vantent les réalisations de ce qu’ils appellent l’Algérie nouvelle ou le pays continent, il est fort de constater que beaucoup d’experts, diplomates et académiciens, opposés au régime d’Alger, sont unanimes quant à l’imprévisibilité, aux postures et aux voltes faces qui caractérisent la doctrine et les déterminants de la diplomatie algérienne post Bouteflika.

Dans cette partie, nous proposons une analyse chronologique des déboires de la diplomatie algérienne sous l’ère Tebboune. Une analyse qui conforte l’hypothèse de la vision fossilisée de l’approche géopolitique démagnétisée en quête d’un nord et d’une cohérence. Pervertie par la rente pétrolière et gazière, victime de la confusion conceptuelle entre puissance militaire politique rentière, dépourvue d’une vision stratégique à long terme et obnubilée par sa superficie au détriment de sa géographie et de son histoire. L’une fut dessinée à la règle et à l’équerre, l’autre fantasmée par une identité anthropologique broyée par près de 450 années sous tutelle successive des Turcs et des Français. L’Algérie a du mal à se soustraire à ces déterminants à double tranchant. Elle considère que la superficie (pays continent), la décolonisation négociée ou obtenue par la mort de 1,5 millions de martyrs ou 5,6 millions, voire plus selon ses historiens, les réserves en hydrocarbures et, enfin, de son armée populaire, produit hybride et vestige de l’ex Urss, lui permettent la stabilité, la prospérité et le leadership en Afrique du Nord et en Afrique tout court.

Cependant, ces trois déterminants recèlent, à moyen et à long terme, les signes précurseurs de son déclin ou de son démembrement au regard du contexte géopolitique inflammable qui ceinture ses frontières. D’un point de vue purement géostratégique, l’Algérie subit la loi de la théorie du fer à cheval (Ouest-Sud-Est) et qu’elle ne peut drainer ses richesses naturelles ou minière que par la Méditerranée verrouillée par le détroit de Gibraltar et par le canal de Suez. La barrière physique et organique par l’immensité du No man’s land du Sahara et du Sahel constitue un handicap majeur pour une hypothétique profondeur stratégique continentale en Afrique. Au nord, l’Algérie fait face à 27 États politiquement et économiquement maîtres du bassin méditerranéen. Au sud, depuis le remodelage géopolitique du Sahel, ses frontières enregistrent un pullulement, sans précédent, de groupes séparatistes (Azawad, Touarègues, Polisario), jihadistes (Daech, Ansar Dine, GIA, EIGS…) ou de nouvelles organisations travaillant pour le plus offrant sans référentiel idéologique, plus récemment incarnée par la milice Wagner, travaillant en freelance et inféodée au pays du grand frère Poutine.

Le deuxième déterminant historique repose sur l’instrumentalisation de la question mémorielle pour en faire un outil, certes de propagande, mais depuis la présidence de Tebboune, un instrument de chantage ou de pression. La question mémorielle, par sa complexité et par ses complicités, finira par se retourner contre l’Algérie. La Mémoire renvoie aux archives non déclassifiées qui recèlent des vérités sombres qu’ignore le peuple algérien (le massacre de  milliers de Harkis, la mort de près de 250.000 victimes durant la décennie noire et plus dangereusement la complicité et la bénédiction du président défunt Boumediene qui a ratifié un accord secret, en marge des accords d’Evian, entre la France et l’Algérie autorisant Paris à poursuivre aussi bien dans la région d’In Ekker que celle de Reggan après l’indépendance des essais nucléaires. Ainsi, onze essais nucléaires en atmosphère sur dix-sept ont été effectués entre 1962 et 1966. D’autres types d’expériences (dans la base secrète dite B2-Namous) d’armes chimiques et biologiques, en phase de prototype, se sont poursuivis jusqu’en 1976 estime Jean-Marie Moulin, le chargé d’affaires français au commissariat d’énergie atomique (CEA).

Enfin, la rente pétrolière et gazière est rentrée, à son tour, dans un compte à rebours. L’Union européenne, convaincue de la nécessité de sortir des énergies fossiles et résolue à réduire drastiquement sa dépendance du pétrole et des variations géopolitiques induites, se dirige progressivement vers d’autres énergies alternatives ou la relance de la filière nucléaire (EPR) pour garantir sa souveraineté énergétique à l’horizon 2035. Dans une dizaine d’années, l’UE, principale client de l’Algérie, se retournera vers la Russie et baissera, selon les experts de Bruxelles, son volume d’importations du pétrole algérien de près de 60% et le gaz naturel de près de 48%. Paradoxalement, les pays d’Afrique n’importent que 7% du pétrole algérien.  En 2035, le prix du pétrole avoisinera les 34 dollars le baril, soit une baisse drastique des devises pour les caisses de l’Algérie. Certes Tebboune ne serait plus là, mais l’horizon semble de plus en plus sombre pour ce pays qui ne peut se défaire de l’économie rentière liée aux énergies fossiles.

L’imprévisibilité diplomatique conduit l’Algérie à  un isolement durable

L’analyse matricielle de la politique étrangère algérienne et la chronologie systémique des défaites de sa diplomatie ne peuvent dispenser le président Tebboune de la réédition des comptes à son peuple, ni à revoir, de fond en comble, son logiciel diplomatique. En effet, en l’espace d’un mandat présidentielle, la politique étrangère, conduite par le locataire d’Al Mouradiya, ne cesse de renforcer l’isolement du pays sur la scène internationale et l’accumulation de défaites les unes après les autres en dépit des discours lyriques qui instrumentalisent la cause palestinienne et d’autres causes perdues. La liste est longue, mais nous rappelons les plus saillantes.

Le 21 avril 2021, le chef de la milice séparatiste du Polisario est embarqué clandestinement, en plein Covid, dans un avion immatriculé en Algérie, sous une fausse identité d’un ancien soldat algérien décédé, nommé Mohamed Ben Battouche pour se soigner en Espagne. L’opération fut chapotée par la DDSE en connivence avec des barbouzes espagnols rétribués et en dehors de l’aval des autorités espagnoles. Les services du contre-espionnage du Maroc interceptent le renseignement et fait éclater l’affaire du patient clandestin au grand jour. Madrid et Rabat s’embrouillent et une crise diplomatique met à mal les relations entre les deux pays. Au terme d’un feuilleton politico-diplomatique, la ministre des affaires étrangères, A.S Laya fut contrainte à la démission. Alger n’a pas eu le temps de savourer cette victoire étriquée que le premier ministre espagnol décide d’entamer une visité d’Etat au Maroc qui se concrétise, quelques temps plus tard, par l’affirmation explicite de l’Espagne optant pour l’option de l’autonomie comme étant la plus crédible et que l’Espagne a fini par reconnaitre implicitement la marocanité du Sahara. Prise de panique, Alger rapatrie son ambassadeur et prend une série de mesures de rétorsion mettant, ainsi, ses intérêts vitaux en danger et fermant le gazoduc qui transite par le Maroc et s’active en coulisse pour espérer la défaite de Sanchez aux les élections législatives en Espagne. Le premier ministre espagnol donne une fin de non-recevoir au chantage d’Alger, gagne les élections et signe une série d’accords stratégiques avec le Maroc allant vers l’irréversibilité de la décision de Madrid au sujet de la marocanité du Sahara. Certains journalistes espagnols parlaient de l’histoire de « l’arroseur arrosé ». Une décision confortée le 07 aout 2023. Le bulletin officiel de l’Etat espagnol a publié une reconnaissance formelle de la marocanité du Sahara. L’Espagne, ex-puissance coloniale et administrante de la zone s’aligne sur la position américaine qui, à son tour, reconnait la marocanité du Sahara, suite aux accords d’Abraham signés le 20 décembre 2020. Par crainte des foudres de l’oncle Sam, Alger ne rappelle pas son ambassadeur à Washington. Entre frustration et sidération, le président Tebboune en prend acte et s’agrippe à la veille rhétorique « C’est aux Nations-unies que revient la solution du conflit en accord avec le droit international », histoire de noyer le poisson. A son tour, le Front Polisario se voir signifier par le président Trump son acte de décès et spécule sur l’hypothèse qui consiste à ce que les États-unis de Jo Biden revient sur cette décision. Quelques mois plus tard, le président démocrate entérine la décision de son prédécesseur. La milice de Tindouf encaisse le coup et prend conscience que dans cette partie stratégique du monde The Game Is Over.

En secret, le président Tebboune tente de limiter les dégâts auprès de l’administration américaine insistant à ce que le Maroc ne revendique pas le Sahara oriental amputé par la France quand l’Algérie était française. La dynamique de la diplomatie marocaine s’accélère, depuis lors, par l’ouverture de trente consulats à Laâyoune et à Dakhla de pays arabes, africains et latino-américains sans qu’Alger rappelle systématiquement ses ambassadeurs. Beaucoup de pays européens emboitent le pas et retirent leur reconnaissance à la République fantoche, dirigée par Ben Battoche.

Après cette avalanche de défaites cuisantes, la diplomatie algérienne change de braquet en passant du dogmatisme à la séquence émotionnelle pour masquer sa débâcle liée à son incapacité à avoir une ligne diplomatique matricielle en phase avec les évolutions géopolitiques et géostratégiques. Le président Tebboune oriente sa boussole démagnétisée vers les États arabes frères. La diplomatie algérienne s’active de nouveau pour organiser sur son sol, les 1er et 2 novembre 2022, le sommet arabe, tout en évitant d’inscrire à l’ordre du jour la question sensible de la normalisation des sept « pays frères » avec l’État d’Israël. Le casting est mis en place par l’invitation, auparavAnt, des branches palestiniennes en froid dans un objectif d’unir les frères d’armes de Yasser Arafat, puis par une tentative pernicieuse de proposer la réintégration de la Syrie de Bachar et par « miracle » le Front Polisario comme 23ème pays arabe. Ironie de l’histoire, le président Tebboune a donné pour slogan au dit sommet, l’Unification du rang arabe Tawhid Assaf Al Arabi, alors qu’Alger a rompu unilatéralement sa relation diplomatique avec le Maroc et qu’elle est restée indifférente à la guerre civile dans le pays voisin, la Libye et à la tragédie du Soudan ou du Yémen !

Lors du sommet, les manœuvres d’Alger sont vouées à l’échec pour ce qui est de la réintégration de la Syrie et moins encore des séparatistes du Polisario. La réadmission de la Syrie, sous conditions, n’a été possible que lors du sommet de Djedda en Arabie Saoudite tenu le 19 mai 2023, après le feu vert de la Ligue arabe deux semaines plutôt. Le sommet d’Alger de novembre 2022 a refusé catégoriquement et sans équivoque d’entendre parler d’une entité séparatiste vivant dans les camps poussiéreux de Tindouf. Au bout du compte, il s’est avéré que tout ce vacarme de Tebboune ne fut qu’une montagne qui a accouché d’une souris et que la prétendue unification du rang arabe n’est qu’une posture dont Alger avait le secret pour sortir de son isolement politique et diplomatique.

La boussole diplomatique d’Alger fut complètement de nouveau démagnétisée et ne cessa de tourner à mille tours la minute pour retrouver le nord. Tebboune pensait cette fois aller prendre sa revanche sur tous ses détracteurs. D’instances négociations secrètes se sont engagées entre Alger et Moscou en vue d’avoir une place, voire un strapontin, au sein du groupe fermé qui le BRICS et qui comptait s’élargir à d’autres pays émergeants.

Le 22 août 2023, le sommet des pays membres de l’organisation transcontinentale s’est tenu à Johannesburg en Afrique du Sud, fidèle allié d’Alger, Tebboune pensait aller réaliser une victoire géostratégique sans précédent dans son histoire. Au terme de deux jours de travaux, dans le pays de Mandela, pour lequel un stade de football a été baptisé en son nom en Algérie, Tebboune s’est vu signifier froidement une fin de non-recevoir par le ministre des affaires étrangère Lavrov au motif que l’Algérie ne cochait pas toutes les cases politique, économique en termes de gouvernance prérequises. Ce fut la douche froide pour le chef de la délégation algérienne, alors que le sommet a validé l’adhésion de l’Égypte, de l’Éthiopie, des Émirats arabes unis, de l’Iran et de l’Arabie Saoudite. Ce fut également le paroxysme d’une diplomatie qui ne sait plus à quel saint se vouer et d’une humiliation personnelle pour Tebboune qui n’a cessé d’ériger l’Algérie au rang de force de frappe  Al Qowwa Addariba.

Toutes les portes ou presque étant fermées suite à l’incapacité de la diplomatie algérienne à gagner en maturité et à se soustraire aux militaires, une task force fut concoctée hâtivement pour arrêter l’hémorragie et sauver la face au président et à un régime hors sol qui sont devenus la risée du monde arabe et de l’Afrique.

La diplomatie réaffirme sa rigidité et, subliminalement, reprend ses vieux réflexes reptiliens, en l’occurrence, la diplomatie des valises (l’Algériafrique). Une doctrine où excellait le défunt Bouteflika quand il était ministre des Affaires étrangères de son pays pour acheter des voix des pays pauvres membres de l’ex-OUA pour reconnaître le Front Polisario. Cette fois-ci, il a fallu attirer les petits pays en grandes difficultés économiques ou politiques frontaliers de l’Algérie pour sortir de son isolement.

Face au rétrécissement du champ de manœuvre de la politique étrangère de l’Algérie, la nouvelle ligne de mire diplomatique du ministre Ahmed Attaf s’est focalisée sur ce qui reste de l’Union du Maghreb Uni, sans le Maroc, pour former une organisation régionale dont l’Algérie serait la locomotive et la puissance hégémonique. La cible fut la Tunisie qui passe par une période politique et financière très difficile face au refus du FMI de lui octroyer un crédit de deux milliards de dollars et la Libye qui a perdu, en partie sa souveraineté. En coulisse, le président Tebboune pousse vers la création d’un Maghreb hybride sans le Maroc ni la Mauritanie et promet pour ce mariage forcé à trois mondes et merveilles. Les premières manœuvres commencent, lors de l’accueil de Tunis, le 27 et 28 août 2022 du forum Afro-japonais (Ticad).

Le président Kaïs Saeïd, reçoit personnellement, en grande pompe, le chef de la milice du Polisario pour y participer. En échange, Alger alloue immédiatement une aide de 200 millions de dollars à Tunis, du gaz, du pétrole et de l’électricité à un prix dérisoire. Le Japon a émis des réserves et fait part de sa désapprobation de telles pratiques. Le Maroc rappelle son ambassadeur et proteste contre cette manœuvre qui est contraire à la position de la neutralité historique de la Tunisie depuis Bourguiba, passant par Ben Ali et les autres. La mise de la Tunisie sous tutelle politique et sous perfusion financière algérienne n’est plus un secret de polichinelle. La Libye de Tripoli comme celle de Benghazi ne se reconnaissent pas dans cette entité. La Tunisie, qui s’est vue embarquée dans une aventure, tente  alors de trouver une porte de sortie en gardant El Bekkouch comme secrétaire de l’UMA, installé à Rabat. Son remplaçant fait consensus pour tenter de soustraire Tunis de ces sables mouvants dans lesquels Alger veut engloutir le régime de Cartage. Quant à la Mauritanie, elle a donné une fin de non-recevoir et reste à équidistance des deux puissances d’Afrique du Nord. La Tunisie se trouve, de facto, prise entre deux feux : La Libye du Maréchal Haftar et l’Algérie du chef des armées Saïd Changhriha, tous les deux favorisent l’escalade militaire à leurs frontières et indirectement l’afflux de milliers de migrants du Sahel vers la Tunisie pour atteindre l’île de Lampedusa, porte de l’Italie et de l’espace Schengen.

En dépit de toutes les manœuvres légales ou illégales pour nuire à l’intégrité territoriale du Maroc, la diplomatie algérienne, conduite par Tebboune, a fini par faire son deuil et de se résigner quant à son accès hypothétique un jour aux rivages d’eau turquoise et poissonneuse du Sahara marocain. Elle tente de nouveau de réanimer le Polisario qui n’en peut plus des coups qui sont portés par les drones de l’armée marocaine dans la zone tampon prêt du mur de défense. Une deuxième fois, lors du Forum du Ticad, tenu  cette fois-ci au Japon en août 2024, la délégation algérienne fait rentrer clandestinement, sous une fausse identité, un de ses supplétif du Polisario pour prendre place au forum avec une plaque ridiculement fausse. Les services du contre-espionnage et les membres de la délégation marocaine ont avorté cette tentative de mauvais goût. La mise en scène a été filmée et a suscité moquerie et colère froide des Japonais. Dans leur délire, les diplomates algériens ont oublié que « le Japon ne mage pas de ce pain et qu’ils n’aiment pas les intrus ».

La bataille que se livrent à distance le Maroc et l’Algérie pour remporter le tracé du gazoduc acheminant le gaz naturel du Nigéria à l’Europe, pourrait être le coup de grâce que portera le Maroc à la diplomatie algérienne dépassée par le chamboulement géopolitique qu’enregistrent les pays du Sahara et du Sahel. Le Niger, pays par lequel doit passer le gazoduc transsaharien vers l’Algérie, fut le théâtre d’un coup d’État militaire qui a abouti à l’expulsion des Français et des Américains. Ses voisins Maliens et Burkinabés sont dans la même situation sécuritaire. Les trois pays sont hostiles à l’Algérie. Le Tchad vient d’ouvrir son consulat à Dakhla. Enfin, depuis le départ des Français, la région foisonne de groupes séparatistes, jihadistes, mercenaires en freelance, groupe paramilitaire (Wagner), crimes organisés, traite humaine et épuration ethnique le long du tracé du gazoduc Transsaharien. La viabilité du projet est sérieusement compromise. Le projet marocain séduit les onze pays de l’Afrique de l’Ouest, la Cedeao et le Nigéria. Le gazoduc Nigéria-Maroc-Europe, appelé gazoduc Afrique-Atlantique est sécuritairement viable, financièrement mutualisable et économiquement  profitable à une partie de l’Afrique qui a besoin d’énergie pour se développer. L’option algérienne semble s’éloigner. La diplomatie algérienne a jeté toutes ses forces dans cette bataille géostratégique décisive qui s’annonce à priori perdue d’avance.

La dernière rencontre en Italie, en marge du G7, tenu en Italie en juillet 2024, entre Macron et Tebboune semble être l’épilogue d’un conflit qui n’a qu’assez duré. Le président français a remis officiellement aux autorités algériennes un communiqué très explicite informant le président Tebboune que la France reconnaît le plan d’autonomie octroyé par le Maros aux provinces du sud comme étant le seul processus politique conduisant à terme au règlement de ce conflit artificiel et que la France va reconnaître la marocanité et la souveraineté du Royaume sur son Sahara. Lors de la fête du trône au Maroc, le président Macron a envoyé un communiqué officiel signifiant au Souverain du Maroc la position irréversible de Paris et que la France va inciter fortement les entreprises et les investisseurs français à s’y installer.

Pris de panique et en plein campagne électorale, le président Tebboune refait son numéro habituel de rappeler son ambassadeur et de laisser sous-entendre que des mesures fortes de rétorsions allaient être prise contre la France. Par ces déclarations irresponsables vis-à-vis d’un pays membre permanent du Conseil de sécurité et un poids lourd de l’Union européenne, la diplomatie algérienne est en train de se tirer une balle de gros calibre dans le pied et va ouvrir des portes des démons dont elle ne mesure pas les conséquences.

Ces deux principaux alliés chinois et russes prennent, de plus en plus leurs distances vis-à-vis d’Alger, notamment sur les grands enjeux géostratégiques. Le Forum sino-africain de septembre 2024 (Focac) va-t-il révéler d’autres surprises par des intrusions d’autres diplomates clandestins ?

En somme, la diplomatie algérienne souffre d’une blessure narcissique. Le président Tebboune va entamer un deuxième mandat ou sa boussole est totalement démagnétisée. Tout récemment, il a demandé à l’Egypte de lui ouvrir le passage de Rafah pour que son armée puisse venir au secours de Gaza, alors qu’il a interdit toutes manifestations de soutien au peuple de Gaza depuis le 07 octobre.

Que de postures pour pervertir le peuple algérien qui mérite mieux qu’un tel président pour conduire sa destinée !

 

*Professeur à l’université Sorbonne Paris Nord

Spécialiste en Géopolitique et en Développement international

Auteur de plusieurs ouvrages dont « le Conflit du Sahara » publié en 2022, V.A Éditions Versailles

 

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