Le e-commerce est-il devenu un levier potentiel de croissance ?
En décembre 2018, on assistait au lancement officiel du paiement mobile. En effet, Bank Al-Maghrib (BAM) et l’Agence Nationale de Réglementation des Télécommunications (ANRT) s’étaient associées pour mettre au point puis en service un nouveau moyen de paiement par téléphone mobile, appelé «m-wallet». Un moyen de paiement nouvelle génération qui allait permettre de réaliser, de manière électronique et dématérialisée, des opérations de paiement de commerçants, de transferts d’argent de personne à personne, ainsi que des opérations de retrait et de dépôt d’espèces…Le m-wallet ou mobile paiement, suscitait déjà beaucoup d’intérêt.
Avant de faire le point sur l’état d’avancement, voire les progrès qu’a connus ce mode de paiement qui aurait même révolutionné les habitudes du citoyen, commençons par rappeler les conditions et les circonstances dans lesquelles il est né…
Genèse d’un système révolutionnaire
En effet, du côté de Bank Al-Maghrib (BAM), le paiement mobile domestique devait être déployé sur le plan national comme un instrument qui allait faciliter certaines opérations quotidiennes du citoyen marocain. Ce moyen avait été préalablement testé, de manière individuelle, par des banques de la place, notamment le CIH via «WePay», la BP avec son wallet «B-Pay», le GCAM, avec «Beztam-E», ou encore AWB à travers sa filiale Wafa Cash et son wallet baptisé «Jibi». D’autres banques ont aussi lancé leur système de paiement telles que la BMCE, avec Dabapay…
Le lancement officiel par la banque centrale, alliée à l’ANRT, arrivait avec une nouveauté apportée à cet outil qui est «l’interopérabilité». Celle-ci devait permettre l’accès à divers services financiers, indépendamment du choix de l’opérateur ou de la banque.
Le titulaire d’un téléphone mobile, qui a déjà un compte auprès d’une banque ou auprès d’un établissement de paiement, peut transférer de l’argent à un bénéficiaire. Il peut également payer ses achats auprès d’un commerçant en utilisant le m-wallet qui se trouve au préalable dans son téléphone portable, Dans ce sens, BAM a édicté une décision réglementaire qui prescrit des mesures concernant la protection des usagers de cet instrument de paiement. Du côté de l’ANRT, on soulignait que cet outil de paiement impliquait toutes les couches sociales du Maroc. L’on insistait également sur l’importance du choix du numéro mobile en tant que vecteur de cette nouvelle solution qui s’inscrit dans la stratégie digitale du Royaume et que les utilisateurs visés par le paiement mobile ont tous été associés, lors de la conception de ce système, notamment les commerçants et ce, à travers une dizaine de focus groupes qui ont adopté une attitude positive face au paiement par téléphone mobile.
Ce nouveau moyen de paiement par téléphone mobile, lancé en coordination avec l’ensemble des acteurs concernés, notamment les banques, les établissements de paiement, les opérateurs télécoms et HPS Switch, vise à faciliter l’accès aux services financiers, au profit des populations pas ou peu desservies et à réduire le recours au cash et le coût de sa gestion, favorisant ainsi l’inclusion financière et le développement de l’économie numérique.
Pour un usage simple et intuitif
Les spécifications techniques prises en compte, afin de rendre l’usage de cet outil simple et intuitif, résident d’abord en un identifiant unique basé sur le numéro de téléphone, utilisé pour toutes les étapes de la transaction. Ceci assure une identification claire, prévient les fraudes et permet l’accès au compte bancaire ou compte de paiement déjà alimenté électroniquement (virements, salaires) ou par dépôts. L’outil donne également accès à des solutions de transferts (de particulier à particulier, virement de salaires, réception de prestations sociales…). Il permet aussi d’effectuer des opérations de paiement (commerce de détail, paiement des factures/impôts, transferts, paiement internet, recharge téléphonique, paiement des fournisseurs…), ainsi que les opérations de cash-in et cash out, à travers le réseau de GAB ou d’«agents» (commerçants).
L’interopérabilité permettra de s’affranchir des barrières entre les différentes solutions, en ce sens que l’utilisateur sera en mesure d’effectuer un paiement ou un transfert à un particulier ou commerçant, indépendamment de l’établissement de paiement/banque émetteur du wallet.
Il est à noter, enfin, qu’en dehors des règles de place, chaque acteur gardera la liberté de positionner son offre comme il le souhaite et de l’enrichir des services complémentaires de son choix.
Toutefois, en plus de sa mission de supervision des banques et des établissements de paiement, Bank Al-Maghrib est l’autorité en charge, de par son statut, de la régulation et de la surveillance des systèmes et moyens de paiement. Elle veille, dans ce cadre, à la sécurité des moyens de paiement et à leur alignement aux normes internationales en la matière, en vue de maintenir leur crédibilité et la confiance du public.
Ainsi, au lendemain de la finalisation des travaux de mise en œuvre du switch mobile (assurant l’interopérabilité entre les différentes banques et établissements de paiement émetteurs de ce nouveau moyen de paiement), de l’homologation par ce switch de plusieurs établissements et de la conduite réussie des tests réels, ainsi que de la définition des règles de place encadrant l’offre du paiement mobile et de la publication de la réglementation y afférente, Bank Al-Maghrib et l’ANRT ont procédé au lancement du nouveau moyen de paiement par téléphone mobile, «m-wallet» interopérable.
Concrètement cette interopérabilité devait permettre à l’utilisateur d’être en mesure d’effectuer un paiement ou un transfert à un particulier ou commerçant, indépendamment de l’établissement de paiement/banque émetteur du wallet. Elle évitera également la fragmentation du marché avec autant d’offres que d’acteurs et introduira une concurrence saine au profit du client. D’autre part, elle élargira l’acceptation, puisque le m-wallet émis sera accepté par l’ensemble des commerçants et ce, quel que soit leur établissement acquéreur.
Il est à noter que le paiement mobile a été, dans plusieurs pays, un vecteur important, voire central d’inclusion financière. Il a permis d’atteindre des niveaux très élevés de pénétration du compte et a été positionné pour une part significative des populations comme le principal catalyseur de leur «financiarisation». Le succès de ce modèle s’explique par l’attractivité de la proposition de valeur pour les usagers, en particulier pour les ménages les moins aisés, notamment une forte capillarité grâce au développement de réseaux d’agents, plus souples que les agences bancaires, permettant aux usagers de réaliser leurs opérations dans un nombre important de points de contact. Il y a aussi la simplicité des services et de leur utilisation permettant un usage facile, même pour les populations ayant peu de connaissances des produits financiers.
Ceci est facilité par le fait d’utiliser le téléphone mobile comme support de ces services. Au-delà, il y a la compétitivité du prix, significativement plus faible que les prix des opérations bancaires classiques. Et enfin, les conditions moins restrictives d’accès aux comptes avec une procédure «Know Your Customer» plus allégée que pour les comptes bancaires. Au Maroc, également, le paiement mobile a été identifié en tant que levier principal de la stratégie nationale d’inclusion financière et a été identifié en tant qu’axe de déploiement des modèles alternatifs.
Des partenaires solides pour y parvenir
Les travaux ont consisté en la préparation de l’ensemble des pré-requis pour la mise en œuvre effective de ce nouveau moyen de paiement interopérable et en temps réel. Un comité stratégique regroupant, outre BAM et l’ANRT, les principales banques de la place, les trois opérateurs télécoms, l’association professionnelle des établissements de paiement, HPS Switch, le ministère des Finances et le ministère de l’Industrie, a été mis en place pour piloter ce projet. Les principales règles de place ont été définies dans le cadre de ce comité, afin de garantir l’adhésion de l’ensemble des parties prenantes et assurer un bon fonctionnement des opérations inter-opérées.
Suite à ces travaux, Bank Al-Maghrib a émis deux textes réglementaires encadrant le paiement mobile, à savoir la Décision réglementaire relative au paiement mobile domestique et la lettre circulaire paiement mobile qui, elle, détaille principalement les règles techniques et de sécurité, le processus et règles de gestion des réclamations, incidents et litiges.
Suite à la publication des circulaires relatives aux établissements de paiement au Bulletin officiel, Bank Al-Maghrib a également instruit les demandes d’agrément des établissements de paiement et un avis favorable a été formulé pour 11 établissements, y compris les filiales des 3 opérateurs télécoms.
Lors du lancement, l’évaluation de la taille du marché, ainsi que les prévisions de volumes transactionnels issues du paiement mobile résultent des différentes études réalisées par les cabinets ayant accompagné Bank Al-Maghrib et l’ANRT dans le projet de mise en œuvre du paiement mobile.
Ainsi, les premiers flux des transactions, qui pourraient être dématérialisés et représenter une valeur totale de l’ordre de 400 MMDH par an, concernent le versement des prestations sociales de faibles montants, les transferts nationaux entre particuliers de faibles montants, les achats des particuliers dans le commerce de détail, le paiement de factures de services en réseau et l’achat de recharges téléphoniques, ainsi que le paiement des fournisseurs par les commerçants de détail.
Il a été estimé que le paiement mobile va pouvoir capter, au bout de la 5e année d’exercice, environ 60 MMDH pour un total de 1,3 milliard de transactions, pour environ 6 millions d’utilisateurs.
Le nouveau système de paiement mobile s’adressait alors à tous. Il était bien établi que le citoyen avait besoin de ces moyens de paiement électronique, compte tenu de la numérisation grandissante de la société. Il était ainsi hors de question d’ignorer cet outil qu’il fallait nécessairement intégrer dans la vie quotidienne. D’autant plus que le citoyen avait besoin de ce nouveau moyen de paiement qui lui facilite la vie, notamment pour ce qui est des transferts d’argent. Cela va de soi pour le commerçant qui se fera désormais payer à travers un moyen électronique sécurisé et qui pourra même, par la suite, offrir d’autres services. L’on parie aujourd’hui sur quelque 51.000 commerçants au bout de cinq ans et ceux-là vont devenir de vraies agences des nouveaux établissements de paiement.
En somme, il s’agissait là d’un moyen moderne qui offre une multitude de facilités quant au paiement, notamment des factures, des redevances et de courses, voire même de crédit auprès de l’épicier…
Un réel relais de croissance
Au lancement du projet, les comptes de paiement allaient constituer un relais de croissance pour les opérateurs qui comptaient les proposer. Il restait à préciser les règles économiques du système, notamment, les règles de partage des commissions. Dans ce cadre, il appartenait à chaque établissement d’agir selon son propre business model, qui ciblera une catégorie précise de clientèle. Ainsi, le recrutement des clients se faisait à travers des agences propres, ainsi que des agents, dont des agents détaillants comme les épiciers, chez qui l’on pourrait ouvrir des comptes de paiement de type 1.
Il est à noter que les circulaires de BAM énuméraient les types de comptes de paiement qui pouvaient être ouverts chez les nouveaux «établissements de paiement», nouveaux opérateurs non bancaires qui ont été habilités, en complément des établissements de crédit, à ouvrir des comptes et à offrir des services de paiement pour leur clientèle. Ces comptes sont au nombre de trois. Il s’agissait des comptes de paiement «niveau 1», dont le plafond maximum ne doit pas dépasser un montant de 200 DH. L’ouverture de ces comptes nécessite que le client ait un numéro national de téléphonie mobile. Ensuite, les comptes de paiement de «niveau 2», dont le plafond ne doit pas être supérieur à 5.000 DH. L’ouverture du compte donne lieu au renseignement d’une fiche d’ouverture de compte au nom du titulaire, sur présentation d’un document d’identité officiel (en cours de validité, délivré par une autorité marocaine habilitée ou une autorité étrangère reconnue), portant la photographie du client et dont une copie est annexée à cette fiche. Enfin, les comptes de paiement de «niveau 3», dont le plafond maximum ne doit pas dépasser 20.000 DH. L’ouverture du compte se fait suite à un entretien avec le titulaire du compte, en vue de recueillir tous les renseignements nécessaires pour vérifier son identité, notamment le document d’identité officiel fourni pour l’identification, ainsi qu’un justificatif de domicile.
Contrairement aux comptes de dépôts ouverts sur les livrets des banques, ces comptes sont plafonnés et ne donnent pas droit à la délivrance d’un chéquier, ni la possibilité d’avoir un crédit (y compris le découvert).
Pour BAM, la finalité est qu’un compte de paiement constitue une première étape d’inclusion financière et un outil de familiarisation des personnes, pour la plupart non bancarisées, aux services de paiement.
Ainsi, la mise en place des établissements de paiement avait principalement pour but de permettre l’instauration d’un environnement favorisant l’innovation, la création d’un marché concurrentiel des services de paiement et la démocratisation des opérations de paiement, notamment à travers les services financiers mobiles ; de sorte à capter une population peu desservie aujourd’hui. De leur côté, les banques ont également la possibilité d’offrir le même type de service.
Banques et opérateurs télécoms s’y mettent
Près d’un an après le lancement du paiement mobile et avec la révolution du numérique qui commençait alors à toucher tous les secteurs : administrations publiques, dématérialisation des démarches entre l’administration et les citoyens…
La transformation digitale économique est devenue un levier pour améliorer la compétitivité des entreprises. Au Maroc, inwi a été le premier opérateur de télécommunications à lancer un service de Mobile Money. Baptisé «inwi money», ce service permet aux usagers d’accéder, par un simple clic, à toute une palette de services financiers. Ils peuvent ainsi transférer de l’argent, recharger leur ligne téléphonique, payer leurs factures, ou réaliser des achats auprès des marchands partenaires.
Les banques commençaient déjà à apprécier leurs premiers coups d’essai. Ainsi, près de six mois après le lancement de sa solution m-Wallet, «We Pay», CIH voyait se confirmer l’appétence des clients pour des solutions d’instance paiement. La banque avait alors conquis environ 25.000 clients qui l’utilisent essentiellement pour des transferts «P2P» (particulier à particulier) de faible montant et aussi pour la recharge téléphonique. L’interopérabilité apportait un argument complémentaire pour promouvoir l’utilisation des m-wallet et ouvrait la possibilité du paiement des commerçants.
Du côté du GCAM, la réflexion suite au lancement du projet national de paiement mobile, a été de proposer une solution qui réponde aux différents besoins de sa clientèle, notamment sa cible prioritaire que sont les agriculteurs. Le groupe a ainsi opté pour une solution où la particularité réside dans sa simplicité et l’innovation dans ses fonctionnalités. A cet effet, la solution offre la possibilité de s’authentifier sur l’application par empreinte digitale assurant un accès facile et rapide aux services proposés. La solution Beztam-E se voumlait une réponse aux besoins de tous les Marocains quelle que soit leur catégorie socioprofessionnelle. Bien entendu, elle a été conçue de façon agile pour adresser les besoins de façon différenciée et personnalisée. La solution a aussi été déclinée sous son angle Commerçant. Ainsi, les clients commerçants pouvaient se faire payer via la solution avec la même simplicité, instantanéité et sécurité. Le Groupe aurait même personnalisé la solution pour adresser les besoins de certains de ses clients «Gros distributeurs».
Comptant parmi les banques qui avaient alors lancé une application paiement mobil, Société Générale Maroc, soulignait que les premiers utilisateurs de son portefeuille électronique lui faisaient des retours d’expérience très positifs quant à l’usage : parcours simple et facile, navigation intuitive, satisfaction liée à l’immédiateté de la réalisation des transactions…
Surtout que SGM visait la clientèle des Particuliers et des Professionnels, technophiles (mais pas seulement), souhaitant vivre de nouvelles expériences et consommer les services financiers différemment.
De son côté, Wafacash, 1er établissement de paiement à avoir obtenu un agrément de Bank Al-Maghrib pour se lancer dans le paiement mobile, avait déjà séduit, en moins de 5 moins, plusieurs dizaines de milliers de clients par son compte de paiement mobile, «Jibi». Et cedu fait que ces clients trouvaient surtout cette solution intuitive et simple d’utilisation. Son évolution était ainsi, selon les responsables de Wafacash, filiale du groupe Attijariwafa Bank, en adéquation avec les prévisions.
Al Barid Bank est aussitôt entré en jeu via le lancement «Barid Bank Mobile», un produit novateur et unique sur le marché national qui est le fruit d’un partenariat entre Al Barid Bank et l’Institut mondial des Caisses d’épargne (IMCE), «Barid Bank Mobile» était alors, une innovation «voulue ouverte à tous», C’est ainsi que le non-client de la banque peut détenir un compte mobile auquel est associé son numéro de téléphone GSM et utiliser l’ensemble des services offerts par «Barid Bank Mobile». De même, le client d’Al Barid Bank, ayant un compte chèque ou une carte prépayée, peut disposer d’une option de mobilité afin de les gérer à distance. Et ce, quel que soit l’opérateur téléphonique, quelle que soit la génération du téléphone. «Barid Bank Mobile» vient ainsi simplifier le quotidien et permettre d’accéder, via son téléphone mobile, à une panoplie de services, notamment les virements, les transferts d’argent, le suivi et la gestion du compte (chèque ou mobile), les paiements de factures et les recharges téléphoniques.
Aujourd’hui, le paiement mobile connait un saut qualitatif et quantitatif remarquable. Le e-commerce au Maroc, commence même à prendre une place de choix dans les habitudes des Marocains. Un marché qui pèse déjà assez lourd, boosté par la crise sanitaire qui sévit et par une période de confinement qui n’a pas été sans effets négatifs sur l’économie en général mais qui aurait épargné ce secteur comme il est démontré dans notre dossier spécial de ce mois.