Le football, ce levier si politique
Billet du jour N°5
L’une des images forte de la coupe du monde Qatar 2022 reste le message politique envoyé par les joueurs iraniens aux autorités de leur pays, lors du match contre l’Angleterre comptant pour le premier tour du Groupe B, match largement remporté par les Britanniques 6-2. Mais au-delà du jeu, le symbolique reste, il s’agit : les Iraniens n’ont pas entonné l’hymne national de leur pays comme le font souvent les équipes en de pareille circonstance. Ainsi le football devient un levier politique.
Iran-Angleterre, match de football très attendu par les fans des deux pays. Mais surprises, dès la présentation des équipes, les joueurs iraniens avaient soutenu les protestations dans leur propre pays l’Angleterre en restant silencieux pendant l’hymne national. La télévision d’État iranienne a même dû interrompre la transmission. En représailles, on craint que les joueurs ne subissent des conséquences une fois rentrés chez eux.
Dans son livre « Power Players – Football in Propaganda, War and Revolution », publié en septembre 2022, le journaliste sportif Ronny Blaschke décrit des exemples d’utilisation abusive du football à des fins politiques dans le monde entier. Par exemple, il y a environ 100 ans, le Shah en Iran a tenté d’introduire les valeurs occidentales dans la société extrêmement conservatrice à travers le football.
Si on plonge dans la géopolitique du football, on se rendrait évidemment comptent que le football est devenu l’opium des peuples à tel point que les politiques se sont emparés de ce sport qui au début n’était qu’un jeu. Cette mutation a fait qu’en Égypte, les nationalistes ont riposté aux occupants britanniques avec un club de football et en Algérie, les footballeurs ont combattu la puissance coloniale française dans les années 1950.
Dans son ouvrage, Ronny Blaschke dit vrai, « les termes football et politique ne sont pas opposés », ils ne font qu’un.
Le journaliste sportif estime que le football étant si populaire et touchant un si grand nombre de personnes, le sport convient comme moyen de projection – et comme plate-forme publicitaire. Cela se voit dans les quelque 200 pays dans lesquels le football est pratiqué. Il est également utilisé politiquement partout – même dans les pays démocratiques. Un exemple pour l’Allemagne : la visite de la chancelière dans le vestiaire de l’équipe nationale. La différence avec les pays autocratiques et dictatoriaux : Là, cette forme de propagande peut ne pas être dénoncée de manière critique.
Les joueurs de football sont facilement ciblés par ceux au pouvoir lorsqu’ils critiquent leurs politiques. En Irak : le fils de Saddam Hussein était même accusé de s’immiscer dans le football du pays avec des actes répréhensibles.
L’immixtion de la politique dans le football n’est pas un fait isolé. Une longue série d’exemples de terreur dans les stades de football où le pouvoir a fait massacrer des gens dans les stades a cours dans le monde depuis plusieurs années.
D’un autre côté, le football peut aussi fédérer des camps politiquement hostiles. Comme en 2007, lorsque l’équipe nationale irakienne a remporté le championnat d’Asie et, après des décennies de guerre et de terreur, a pu rallier toutes les ethnies derrière elle.
Le football peut donc aussi accompagner les changements sociaux. Par exemple, en Turquie, les manifestations de Gezi ou en Algérie, où les Ultras ont contribué au renversement de longue date du président Bouteflika. En conséquence, les fans et les jeunes utilisent également le football pour leurs intérêts non sportifs.
En Syrie, Bachar al-Assad n’a jamais été remarqué comme un fan de football en particulier, mais il utilise toujours le sport pour sa propagande. En jouant au football, Assad veut « prétendre » une normalité qui n’existe pas réellement dans le pays.
En Chine, le Parti communiste contrôle le football. La raison en est l’économie. Les entreprises chinoises soutiennent de plus en plus de clubs chinois, espérant des avantages dans le pays. D’ailleurs Pékin fait de l’organisation du Mondial 2030 est une ambition plus qu’économique ou sportive. Pour 2030, la Chine veut lancer définitivement le sport comme son nouveau soft power.
D’autre part, la Chine finance de nouveaux stades en Afrique. En retour, elle peut espérer des matières premières précieuses du continent.