Le gouvernement Benkirane entre promesses et réalisations
DOSSIER DU MOIS
« La méthode Benkirane dans la gouvernance »
Mustapha DALIL
Docteur en droit public
Si vous entendez par « Gouvernance » la manière adéquate et appropriée de gérer le gouvernement, en toute impartialité et abstraction faite de toute considération politique, mon jugement ne sera pas en sa faveur. Ce constat négatif s’appuie sur des données vérifiables, soit dans ses rapports avec les composantes syndicales avec lesquelles le Chef de gouvernement Abdelilah Benkirane n’est pas encore arrivé à s’entendre malgré l’écoulement de 4 années sous sa responsabilité, soit dans ses relations tendues avec l’opposition au Parlement qui se compliquent encore plus à cause de ses propos, dénués parfois de tout respect. Tout simplement, on est autorisé à parler d’un prélude de blocage ou d’impasse politique. Comme conséquence à cette situation anormale, un retour avec force du ministère de l’Intérieur se profile en vue de traiter les dossiers épineux, normalement, à la charge du Chef de gouvernement Abdelilah Benkirane. A vrai dire, c’est une substitution qui est en cours pour éviter toute éventuelle dégradation.
Si l’on excepte les quelques avantages, en faveur d’une catégorie de retraités dont les pensions étaient de moins de 1.000dhs, la révision des bourses attribuées aux étudiants et les promesses qui traînent, la quasi totalité des décisions prises par l’actuel gouvernement soutenu par une majorité parlementaire hétérogène expriment un échec criant de la politique mise en œuvre. Certains dossiers ont accéléré cet échec et partant, suscité la colère des citoyens en l’occurrence, les carburants et la caisse de compensation. Ce sont deux dossiers qui ont été mal gérés par ce gouvernement et étaient à l’origine des hausses des prix des produits de première nécessité. Je me demande pourquoi le Chef de gouvernement se précipite à ouvrir des dossiers considérés même au temps du défunt le Roi Hassan II comme des tabous, en sous estimant leurs répercussions sur les couches fragiles de la population. Ce comportement donne l’impression comme s’il s’agit de quelqu’un qui cherche à redorer son blouson par tous les moyens.
Aussi, il faut souligner les écarts de langage. S’il s’agit d’un système de langage politique, il y a lieu de comprendre que le destinataire de ce nouveau style pratiqué par le Chef de gouvernement Abdelilah Benkirane n’est autre que son électorat et les électeurs encore hésitants à son égard au même titre que les partisans de l’abstention électorale. De telles pratiques linguistiques ne forgent pas un agencement d’ordre politique et ne l’ont jamais forgé. C’est un langage prononcé à tort et à travers en guise d’intimidation ou de fuite en avant.
Toutefois, j’avoue que ce qui m’a réjoui dans son comportement, c’est sa franchise qu’il ne manque pas de faire apparaître surtout avec certains organes de la presse étrangère mais qu’il s’abstient, malheureusement, d’utiliser avec la presse marocaine. Ajoutée à ceci, son honnêteté dont témoignent les observateurs de différentes tendances. Mais, ce qui me choque profondément, ce sont ses déviations démesurées, de temps en temps, et aussi la transformation de sa spontanéité en bassesse. Ce qui contredit les qualités que doit avoir la deuxième personnalité du pays.
Dans tous les cas, quelle que soit la conjoncture et à l’instar de ses prédécesseurs, il n’est pas possible de qualifier Abdelilah Benkirane d’homme d’Etat compte tenu de l’environnement dans lequel il assure sa mission de Chef de gouvernement. D’autant plus qu’il lui manque le charisme intrinsèque d’un chef de gouvernement. Certaines de ses attitudes, à l’enceinte du parlement, sont indignes d’un Chef de gouvernement. D’autant plus qu’au lieu d’avoir l’aptitude de calmer le jeu et atténuer l’intensité des contre – interventions, il jette l’huile sur le feu par ses répliques et envenime davantage la situation.
Devrait-il quitter le pouvoir et la sphère politique ou au contraire, devrait-il rempiler encore une fois ? Quel intérêt dans son départ ou dans son maintien au pouvoir ? C’est là où réside l’essence même de l’exercice du pouvoir. Benkirane, et à maintes reprises, pour justifier son incapacité de gérer convenablement la chose gouvernementale en face d’handicaps infranchissables, n’hésite pas à invoquer son refus inconditionnel de s’affronter avec l’Institution Royale ou bien ce que d’autres appellent « l’Etat profond ». Evidemment, la mise en œuvre des chantiers non encore entamés ou non achevés ne s’arrêteront pas. Néanmoins, un successeur à Benkirane sera plus enclin à tempérer avec les partenaires de l’opposition et les syndicats et à mieux négocier les dossiers sociaux qui n’ont pas encore vu le jour.