Le gouvernement face à une vague de contestations sociales
Depuis plusieurs mois, le Maroc sous la gouvernance de Aziz Akhannouch connaît une montée des tensions sociales dans différents secteurs d’activité. Les professionnels de l’éducation, de la Santé, de l’Eau-électricité et des collectivités locales se mobilisent pour dénoncer leurs conditions de travail, revendiquer des hausses de salaires et participer aux réformes engagées par le gouvernement. Celui-ci peine à apaiser les mécontentements et à trouver des solutions satisfaisantes pour les populations.
Le secteur de l’éducation est le premier à entrer en conflit avec le gouvernement. Le 5 octobre 2023, les enseignants du primaire lancent une grève illimitée pour protester contre la mise en place d’un nouveau système éducatif qui, selon eux, accentue les disparités entre les écoles, fragilise la sécurité des élèves et des enseignants, et remet en cause leur statut professionnel. Malgré la signature d’un accord le 10 décembre entre le gouvernement et quatre syndicats représentatifs, qui prévoit une augmentation de salaire de 1.500 dirhams par mois, une partie des grévistes refuse de reprendre le travail et maintient la pression. Le gouvernement réagit en menaçant de sanctions disciplinaires, allant de la suspension à la révocation, en opérant des retenues sur salaire.
Le secteur de la Santé rejoint le mouvement de contestation le 7 décembre, en organisant une grève nationale à l’appel des étudiants en médecine et des infirmières. Ces derniers expriment leur colère face à la décision du ministère de la Santé de réduire la durée des études médicales de sept à six ans, sans clarifier leur situation juridique, leur rémunération et leurs attributions pendant la période de formation hospitalière. Ils s’inquiètent également des conséquences de cette réforme sur la qualité et la capacité de la formation médicale. Les infirmières dénoncent par ailleurs la politique contractuelle du ministère, qui ne leur garantit pas de salaire pour leur travail dans les hôpitaux publics. Le ministère de la Santé, qui cherche à réformer le secteur espère conclure un nouvel accord avec les syndicats avant la fin du mois de janvier.
Le secteur de l’eau-électricité se soulève en janvier, suite à l’adoption d’un projet de loi visant à créer des entreprises régionales multiservices, chargées de la distribution de l’eau et de l’électricité. Les employés de l’Office national de l’électricité et de l’eau potable (ONEE) rejettent ce texte, qu’ils considèrent comme une privatisation déguisée du secteur, au détriment des intérêts des citoyens et des travailleurs. Ils exigent le retrait ou la révision du projet de loi, et annoncent des grèves nationales en janvier, accompagnées de manifestations régionales et d’une marche nationale à Rabat. Ils craignent également que la réforme entraîne une augmentation des tarifs de l’eau, qui restreindrait l’accès à cette ressource vitale pour de nombreux Marocains.
Les agents des collectivités locales se mobilisent également pour améliorer leurs conditions d’emploi et obtenir des augmentations de salaire. Ils intensifient leurs actions après que les gouverneurs ont décidé de sanctionner les fonctionnaires en grève en réduisant leurs salaires. Ils organisent des grèves et des sit-in à l’échelle nationale dans les régions, ainsi qu’une marche nationale à Rabat. Ils reprochent au ministère de l’Intérieur de ne pas prendre en considération leurs revendications légitimes et de ne pas réguler la situation du personnel sous-classé.
Face à cette vague de contestations sociales, le gouvernement se trouve dans une situation délicate. Il doit à la fois répondre aux attentes des travailleurs, qui réclament plus de justice sociale et de démocratie participative, et poursuivre les réformes structurelles qu’il a engagées dans les différents secteurs, afin de moderniser le pays et de renforcer son attractivité. Il doit également veiller à préserver la stabilité politique et sociale du Royaume, qui a connu en 2011 le mouvement du 20 février, inspiré par le printemps arabe. Le dialogue social s’impose comme une nécessité pour sortir de la crise et apaiser les tensions.
Akhannouch/ Alj, le malaise
La crise entre le Chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, et le président de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), Chakib Alj, est une conséquence de la divergence de vues sur la loi de Finances 2024. Chakib Alj a exprimé son insatisfaction à l’égard du projet de budget, qu’il a jugé insuffisant pour répondre aux aspirations du secteur privé et stimuler la relance économique. Il a également critiqué la lenteur des réformes structurelles promises par le gouvernement, notamment sur le code du travail, la loi sur la grève et la simplification des procédures administratives.
Aziz Akhannouch a répliqué en rappelant les efforts du gouvernement pour soutenir les entreprises marocaines, notamment en débloquant 20 milliards de dirhams pour régler les arriérés de crédits TVA, en subventionnant les prix des matières premières, en adoptant la charte de l’investissement, en révisant le décret des marchés publics et en atténuant l’impact de la crise sanitaire sur le secteur touristique. Il a également défendu le projet de loi de Finances 2024, qui prévoit une hausse de 11,5% du budget de l’investissement public, une baisse de l’impôt sur les sociétés, une réduction du déficit budgétaire et une croissance de 5,5%.
La crise entre Akhannouch et Alj a provoqué des remous au sein de la CGEM. Certains membres du patronat ont également exprimé leur étonnement face aux propos de Chakib Alj, qu’ils ont trouvés maladroits et inopportuns, et ont appelé à un dialogue constructif avec le gouvernement.
La crise entre le gouvernement et le patronat intervient dans un contexte de tension sociale, marqué par des grèves et des manifestations dans plusieurs secteurs d’activité, tels que l’éducation, la santé, l’eau-électricité et les collectivités locales. Les salariés réclament de meilleures conditions de travail, des augmentations de salaires et davantage de participation aux réformes engagées par le gouvernement. Celui-ci tente de trouver un compromis entre les revendications sociales et les impératifs économiques, tout en préservant la stabilité politique et sociale du pays.