LE JOUR D’APRÈS
Par Gabriel BANON
La crise sanitaire est une pandémie qui a attaqué la plupart des pays du Globe. Plus de deux milliards de personnes se sont trouvées confinées dans leur logement pour une trentaine de jours. De longues journées interminables où chacun, comme au premier de l’an, a pris bon nombre de résolutions.
Mais qu’en est-il de ces « jours d’après » pour l’économie, les relations sociales, l’exercice du pouvoir, de la mondialisation si décriée ?
Nous sommes entrés dans une crise économique indéniable, qui va nécessiter, rapidement, des interventions lourdes et coordonnées, d’abord entre les pays de l’Union européenne et au niveau mondial, entre tous les organismes internationaux comme le FMI, l’OMC, la Banque Mondiale, etc.
Va-t-on vers une nouvelle ère, une répétition générale pour un nouvel ordre économique mondial ? Ou va-t-on reprendre le cours normal de notre vie antes, avec le printemps, si l’épidémie est endiguée ?
Lors de l’arrêt des usines en Chine, et de la suspension des vols, une carte satellite de la NASA a montré un ciel dégagé des émissions de gaz à effet de serre. Les écologistes se mettent à rêver devant le tableau déclenché par la crise du coronavirus. Ils attendent, avec impatience, la fin de la frénésie qui a frappé les échanges et qui a cours depuis l’accélération de la mondialisation dans les années 1980.
La transition écologique des entreprises et la relocalisation ont commencé bien avant cette crise sanitaire, mais le coronavirus aura forcément un impact sur « l’accélération » de ce changement.
Par rapport à l’épidémie de SRAS, il y a dix ans, le poids de la Chine dans l’économie mondiale a doublé. À l’époque, les usines en Chine étaient surtout des activités de textile ou d’assemblement à faible valeur ajoutée. Aujourd’hui, ce sont des segments de la chaîne à très haute valeur ajoutée. La crise sanitaire due au coronavirus aura un impact important sur la première puissance commerciale, comme sur les Etats-Unis d’Amérique.
Beaucoup d’entreprises internationales ont leurs plus grosses entreprises en Chine. Les secteurs les plus touchés par les conséquences du coronavirus sont la chimie, le secteur pharmaceutique et l’agroalimentaire. Par le confinement, les plus touchés sont le tourisme, les transports, l’hôtellerie, la restauration et la presse-papier qui était déjà fragilisée. Mais il est encore trop tôt pour tirer un bilan.
Le risque de faillite pour les entreprises va forcément être revu à la hausse.
Le ralentissement de l’économie mondiale va peut-être nous conduire vers un nouveau système économique. Ce nouvel ordre prendra en compte l’organisation de la sécurité sanitaire des citoyens et réglementera plus sévèrement certaines industries, particulièrement, l’industrie pharmaceutique. Peut-être devra-t-on considérer la nationalisation de certaines sociétés pharmaceutiques. On ne peut plus accepter qu’elle soit gérée uniquement en fonction du profit.
Il y avait déjà la crise du protectionnisme ou guerre commerciale, et la transition écologique, maintenant il y a l’après coronavirus. Mais la crise sanitaire du coronavirus ne va pas, à elle seule, changer le modèle de production des entreprises, ou les critères de la finance internationale. Ils nécessitent une prise de conscience des gouvernants, des élites et des citoyens.
Beaucoup d’entreprises se disent qu’il faut qu’elles se diversifient, qu’elles ne peuvent plus tout miser sur une seule usine principale en Chine, il leur faut des usines au plus près du consommateur final. On voyait déjà ce phénomène qui commençait à percer dans le secteur textile afin de répondre, plus rapidement, aux besoins du consommateur. D’autres secteurs s’interrogeront, notamment, le pharmaceutique qui produit énormément en Chine. Mais le dernier mot reviendra au prix de revient et au pouvoir d’achat du consommateur.
La crise, le confinement et ses nouvelles habitudes, vont provoquer des changements dans le monde du travail par la généralisation du télétravail à domicile. Un avantage à ne pas sous-estimer, la réduction des déplacements qui en découlera. Le téléachat va faire un bond durable. Les achats directs du producteur agricole vont se développer dans les petites villes. Et on n’échappera pas à un impôt de solidarité que chaque pays habillera à sa façon.
En France, le leitmotiv « il faut faire payer les riches » va revenir en force.
La crise actuelle sera un aiguillon pour les réformes. Il restera à choisir entre un monde qui sombre dans le fiscalisme et celui qui initiera des mesures de relances originales pour sauver ses entreprises.
On devra revoir l’endettement des pays en voie de développement. Le FMI, pour aider à la relance, aura à émettre massivement les DTS, les droits de tirage spéciaux.
D’énormes montants d’euros et de dollars vont être injectés dans les économies occidentales, particulièrement en Europe. Il faudra veiller à ce que cette masse fiduciaire aille vraiment à l’économie réelle et non dans les Bourses, un peu partout dans le monde. Ce fut le cas lors de la dernière crise dite des subprimes.
L’intervention des Banques centrales devra être massive et coordonnée. On ne pourra pas éviter une réduction drastique des dépenses publiques. Mais tout ne pourra pas être solutionné par la seule fiscalité.
La relance des économies occultera, dans un premier temps, la remise en question de la gouvernance et des infrastructures sociales.
L’Union européenne aura l’occasion de justifier son utilité et pourrait sortir de cette crise renforcée. Pour cela certains membres devront mettre une sourdine à leur égoïsme et prioriser l’Union.
On assistera vraisemblablement à un retour partiel, de la nature hobbesienne, violente et égoïste, qu’il faudra gérer. Mais la sortie de la crise, n’en déplaise à certains, se fera par le multilatéralisme libéral fortement marqué par du néo-keynésianisme. Ce sera le triomphe des penseurs réalistes, des étatistes et du pragmatisme. Ceux qui ont cru pouvoir remplacer la réalité par la communication devront revoir leur copie.
Le jour d’après va voir le retour en force de l’Etat-providence. De la gestion de cette crise, va s’imposer un débat sur les limites de la démocratie et les leçons à tirer des Etats autoritaires.
Il est vraisemblable que la Chine sorte de cette crise, la grande gagnante, au détriment des Etats-Unis. Le Monde, bon gré mal gré, va vivre ou subir, l’ère chinoise.