Le jour où Fnideq a crié à l’aide
CE QUE JE PENSE
Fnideq saigne. Cette blessure profonde, cet appel désespéré ne peuvent plus être ignorés. Certes, la tentative d’immigration massive a été déjouée, mais cette victoire en surface ne fait que masquer un désespoir plus profond, plus sombre. Ces jeunes, prêts à risquer leur vie, ne cherchaient pas à quitter leur pays par simple envie certainement. Dans leur tête, ils fuient une terre qui leur a tourné le dos, une société qui les a abandonnés à leurs illusions. C’est une fuite vers une mer qui ne pardonne pas, un espoir qui se transforme en cercueil liquide.
Dès lors, ces jeunes, bloqués avant d’atteindre le large, n’aspiraient qu’à survivre, à fuir un avenir qui, pour eux, s’est éteint depuis longtemps. Mais ce n’est pas la mer qui les a trahis, c’est nous tous, par notre indifférence. Les belles paroles des dirigeants, vides et creuses, ne suffisent plus. Le mal est bien plus profond. Les promesses d’un lendemain meilleur n’ont jamais atteint ces régions marginalisées, oubliées par des politiques publiques ineptes, laissant les jeunes n’avoir d’autre horizon que celui de la mer. Car l’inaction des gouvernements successifs a laissé des villes comme Fnideq s’effondrer. Mais pas que, ces jeunes viennent des quatre coins du Maroc avec l’espoir de la délivrance. Nous ne pouvons plus nous permettre de détourner le regard. Cette tentative d’exode n’est pas un simple fait divers, c’est le cri d’alerte d’une jeunesse que nous avons abandonnée. Aujourd’hui, ces jeunes sont revenus sur la terre ferme, mais combien de temps encore tiendront-ils avant de retenter leur chance ?
Une jeunesse abandonnée et manipulée
Cette opération avortée dévoile le véritable visage de notre société : une société qui a laissé des régions marginalisées sombrer dans l’oubli, une société où l’absence de solutions viables pousse les jeunes à rêver d’un ailleurs, quitte à braver la mort. Ces jeunes ont été manipulés, attirés par des réseaux sociaux devenus des outils d’incitation à l’exil. De fait, cette tentative contrecarrée ne doit pas masquer la réalité sous-jacente : ces jeunes n’ont pas choisi la mer par envie, mais par désespoir. Les réseaux sociaux, jadis refuge de solidarité, sont devenus les complices de ce drame. Qui sont ceux qui manipulent ces jeunes, qui les poussent à risquer leur vie ? Il est évident que des mains invisibles tirent les ficelles, exploitant le désespoir de notre jeunesse pour atteindre des objectifs sournois. Mais force est de constater que ce qui s’est passé à Fnideq, ce n’est pas juste une question d’économie en berne ou de chômage rampant. C’est un cri de désespoir, une réaction à des années de négligence et de promesses.
Par ailleurs, des appels à la fuite, lancés au grand jour, exploitent la vulnérabilité de ces jeunes. Les acteurs invisibles qui orchestrent cette mascarade ne cherchent pas le bien de ces personnes qu’ils exposent au pire cauchemar, ils ne veulent pas seulement ternir l’image du Maroc ; ils veulent exposer au monde un pays en crise, un pays qui échoue à retenir sa jeunesse. Mais la véritable trahison, ce n’est pas seulement l’œuvre de ces manipulateurs. C’est notre propre indifférence, notre défaillance collective à offrir une perspective à cette jeunesse qui se noie, littéralement et figurativement.
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Cependant, nous ne pouvons pas simplement accuser des forces internes ou extérieures. Nous devons reconnaître que cette tragédie est aussi le résultat de nos propres échecs. Si ces enfants, si jeunes, choisissent de fuir, c’est bien parce qu’ils ne voient plus d’avenir dans leur propre pays. C’est ici que réside le cœur du problème : nous avons laissé ces enfants, cette génération, se perdre dans les failles de notre société. Leur désespoir, si palpable, est un rappel brutal de tout ce que nous n’avons pas su corriger. Et ce désespoir, exploité par ceux qui cherchent à nuire à notre pays, n’aurait jamais dû prendre racine.
Bien entendu, le complotisme peut sembler tentant pour expliquer une telle tragédie, mais il ne doit pas nous détourner de nos responsabilités. Les jeunes qui fuient ne fuient pas seulement un manque d’opportunités économiques, mais un manque de perspectives, de dignité, et d’espoir. Nous avons créé un vide, et ce vide est aujourd’hui rempli par des appels au désespoir. Le véritable drame n’est pas uniquement dans cette tentative d’exode, mais dans notre incapacité à offrir à ces jeunes un futur ici, sur leur propre sol.
D’emblée, le dysfonctionnement de notre société n’est pas seulement économique, il est moral. Nous avons abandonné nos jeunes à leur sort, nous avons ignoré leurs cris de détresse, et aujourd’hui, ils cherchent leur salut ailleurs. Cette crise n’est pas seulement celle de l’État, elle est celle de chaque parent, de chaque enseignant, de chaque membre de la société civile, des médias, des élus et de tous les responsables. Nous avons tous, collectivement, échoué à offrir un avenir digne à cette génération.
Le réveil indispensable
Le 15 septembre 2024 ne sera pas oublié, c’est clair. Ce jour-là, Fnideq, prise d’assaut de partout et par plusieurs nationalités, a crié à l’aide, et ce cri a résonné jusqu’au cœur de la nation. Une jeunesse délaissée, oubliée, a tenté de fuir pour échapper à une vie sans avenir. Ce n’était pas une simple fuite pour la nôtre ; c’était un acte désespéré, un adieu silencieux à un pays qui n’a pas su la protéger, ni lui offrir un futur digne de ce nom. Derrière cet acte désespéré se cache un malaise profond, un malaise qui gangrène notre société. Ce n’est pas un simple incident isolé, non, c’est le symptôme éclatant d’un échec social. Les visages, figés dans l’angoisse, sont le reflet de la détresse d’une génération perdue.
Ce même jour, à quelques centaines de kilomètres de là, sous les projecteurs éblouissants des discours politiques, d’autres jeunes célébraient une prétendue « révolution sociale » sous le regard fier de leur leader. Que dis-je? Certains fils du peuple y étaient sans comprendre vraiment ce qui se disait ou se passait. Ils étaient certainement là pour étoffer le chiffre des présents. Des mots triomphalistes résonnaient à Agadir, vantant les mérites et les réalisations du parti du chef de gouvernement, au rythme des chansons de Toto et des danses d’une jeunesse portée par des promesses d’avenir radieux ou tout simplement embobinée par des discours conventionnels. Mais quel avenir pour ceux qui, rassemblés à Fnideq, tentent de fuir ce même pays ? Quelle ironie tragique que de voir deux jeunesses évoluer dans des mondes parallèles, l’une dans l’espoir d’une prospérité promise, l’autre dans l’amertume d’un futur inexistant.
C’est dire que la fracture entre le discours des élites et la réalité du terrain est désormais un gouffre béant. Comment oser parler de succès, d’égalité de chance, de progrès, alors que des jeunes et des enfants préfèrent risquer la mort plutôt que de rester ici ? Ce gouffre entre ces deux jeunesses est un cri d’alarme que nous ne pouvons plus ignorer. L’intervention salutaire des Forces de l’ordre a évité le pire, mais le drame persiste : ce n’est pas la mer qui tue leurs rêves, c’est nous tous par notre indifférence et notre inaction.
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Ainsi le grand rassemblement de Fnideq n’est pas seulement le fruit d’un hasard malheureux, c’est le résultat d’années de négligence. Des politiques publiques inefficaces, des promesses non tenues de gouvernements qui se sont succédés, et d’un système éducatif qui a cessé de donner de l’espoir. L’école, censée être un sanctuaire de savoir et d’opportunités, est devenue une prison où l’échec est la norme, et l’avenir, un mirage inatteignable.
Mais la question qui s’impose est : Qui sont les acteurs de l’ombre qui tirent les ficelles de cette vague migratoire, exploitant sans scrupule la vulnérabilité de ces enfants ? Ce phénomène n’est pas fortuit ; il est minutieusement planifié. Des forces obscures, assurément, motivées par des intérêts cachés, semblent vouloir ternir l’image du Maroc à un moment clé de son histoire. Ces appels à l’immigration clandestine ne sont pas seulement des cris de détresse, mais bien le reflet d’une manipulation orchestrée, visant à exploiter les frustrations d’une jeunesse en perte de repères.
Cependant dans ce chaos, il est impératif de reconnaître le professionnalisme des Forces de l’ordre. Dans cette situation explosive, où le pire semblait inévitable, elles ont réussi à désamorcer la tension sans recourir à la violence. Leur intervention, maîtrisée et mesurée, a permis d’éviter des drames supplémentaires, et il faut le dire, a montré un visage responsable et humain des autorités marocaines. Mais cela ne suffit pas. Le fait que la violence ait été évitée est un soulagement temporaire ; la véritable urgence reste cette question fondamentale : quelle est la stratégie de l’État pour prévenir la répétition de ce drame ? Comment éviter que de nouveaux jeunes, désespérés, ne se jettent à nouveau dans les bras de l’inconnu, dans une mer où l’espoir se mêle à la mort ?
Il faut donc le dire, Fnideq est devenu le miroir de notre échec collectif. Chaque visage, chaque silhouette frêle tentant de fuir ces côtes, est un rappel cruel de nos manquements. Nous avons négligé ces enfants à leur sort, et maintenant, ils cherchent ailleurs ce que nous n’avons pas su leur offrir ici. Combien de tragédies faudra-t-il encore avant que nous ne comprenions la gravité de la situation ? Tant que nous ne poserons pas les fondations solides d’une société juste, tant que nos écoles ne redeviendront pas des lieux d’épanouissement et de réussite, tant que la justice sociale ne sera pas une priorité réelle et non un slogan creux, ces tentatives de fuite continueront. Les jeunes ne cesseront de voir l’Europe comme une promesse de dignité, même si cette promesse est un piège mortel. Nous sommes responsables. Ce drame n’est pas uniquement le résultat de forces extérieures qui manipulent ces jeunes. C’est aussi le fruit de nos propres échecs. Des décennies de promesses non tenues, de politiques publiques inefficaces, d’un système éducatif qui n’a pas su offrir à ces jeunes la possibilité de rêver. Ce vide que nous avons laissé, d’autres l’exploitent aujourd’hui, semant le chaos et la confusion.
En plus, le fossé entre les riches et les pauvres est devenu un abîme. Comment espérer que ceux qui prospèrent dans le luxe comprennent la détresse de ceux qui luttent chaque jour juste pour survivre ? Ce contraste ne fait qu’accentuer le sentiment d’injustice, et si nous ne réagissons pas, ce fossé engloutira notre cohésion sociale, notre avenir collectif. Il est temps de prendre des décisions difficiles, de réformer nos institutions en profondeur, de rendre la justice sociale réelle, et d’offrir à cette jeunesse la possibilité de réussir ici, dans son propre pays. Le Maroc ne peut plus se permettre de perdre une génération. L’avenir de notre pays dépend de notre capacité à réagir maintenant, avant qu’il ne soit trop tard.
De fait, le gouvernement ne peut plus se permettre de détourner le regard. Il est urgent de mettre en place une stratégie globale qui réponde aux besoins fondamentaux de la jeunesse. Une stratégie qui passe par la réforme de l’éducation, la création d’opportunités économiques réelles, et surtout, la justice sociale. Car tant que les conditions de vie ne s’amélioreront pas pour les jeunes des régions marginalisées, tant que l’espoir restera une denrée rare, ces tragédies continueront de se produire.
Soulignons-le, l’évasion vers Sebta n’est pas un simple fait divers à gérer avec des mesures de répression. C’est un symptôme d’un mal plus profond, celui d’une société qui abandonne ses jeunes à leur sort. Cette fuite désespérée est le reflet d’un échec collectif, d’une société qui n’a pas su inclure sa jeunesse dans son projet de développement. Si nous ne corrigeons pas rapidement ce cap, si nous continuons à ignorer les appels à l’aide de cette génération, nous risquons de perdre bien plus qu’une partie de notre jeunesse. Nous risquons de perdre l’âme même de notre nation.
Il est encore temps de changer, de restaurer la foi de notre jeunesse en ce pays. Il est encore temps de montrer à ces enfants que le Maroc est leur terre, qu’ils n’ont pas besoin de chercher l’espoir ailleurs. Mais pour cela, il faut avoir le courage de prendre les décisions difficiles, d’affronter la réalité avec honnêteté, et de construire un avenir basé sur l’équité et la justice.
Et dans de telles crises, où tout semble basculer, seule une colère Royale sait remettre les pendules à l’heure et redonner espoir à un peuple qui en a tant besoin.