Le logement de fonction face à l’obstacle des textes désuets
Le logement de fonction est un avantage accordé à certains employés de l’Etat pour faciliter l’exercice de leur service public. Mais il pose aussi des problèmes de gestion, de vente et de réglementation. C’est ce qui ressort des données présentées par Nadia Fettah Alaoui, ministre de l’Economie et des Finances, en réponse à une question écrite soumise par l’Union Nationale du Travail au Maroc (UNTM).
L’UNTM demandait à la ministre de simplifier la procédure de distribution des logements appartenant à l’Etat à ses occupants en annulant l’approbation des syndics. Cette procédure, qui date de 1999, exige que 75% des demandeurs d’un même immeuble soient d’accord pour acheter leur logement de fonction.
Or, selon Nadia Fettah Alaoui, cette procédure est entravée par un obstacle majeur : le désintérêt de la plupart des secteurs ministériels à établir et mettre à jour la liste des logements fonctionnels non vendables leur appartenant. Cette liste devait être préparée dans les trois mois suivant la publication du décret de 1999 au Journal Officiel, mais elle n’a jamais été respectée.
La ministre a expliqué que le concept de logement de fonction est lié au concept et à la fonction de l’équipement public, car l’occupant de ce type de logement termine avec la période qu’il passe dans l’exécution du service public. Il est donc dans l’obligation de vider ce logement après la fin de la prestation de service, le transfert ou l’arrêt de travail.
Elle a ajouté que le logement de fonction est constitué de maisons individuelles et d’appartements dans des immeubles, dont le nombre actuel est d’environ 33 000 unités qui bénéficient à divers secteurs ministériels. Ces secteurs attribuent ces logements à leurs employés en échange d’un loyer symbolique qui serait versé au Trésor public.
Nadia Fettah Alaoui a indiqué que le décret relatif au logement de travail a été amendé en 1999 et 2002 dans le but d’accélérer le processus de vente et de fournir des revenus financiers directs et indirects au Trésor public en réduisant les frais de gestion et les travaux d’entretien des bâtiments qui pèsent sur l’Etat. Selon elle, depuis 1963, environ 13 000 logements sur 46 000 ont été vendus.
Le logement de fonction au Maroc est donc un sujet sensible qui nécessite une réforme globale et une coordination entre les différents acteurs concernés. Selon une étude réalisée par le Haut Commissariat au Plan (HCP) en 2014, le déficit en logements au Maroc était estimé à 400 000 unités, dont 60% en milieu urbain. Le secteur du logement représente également un levier important pour l’économie nationale, puisqu’il contribue à hauteur de 6% au produit intérieur brut (PIB) et génère plus de 800 000 emplois.
Quelles solutions pour sortir de l’impasse ?
Le logement de fonction est un sujet épineux au Maroc. Il concerne environ 40 000 fonctionnaires qui occupent des biens immobiliers appartenant à l’Etat, souvent dans des conditions floues et contestables. Face à cette situation, plusieurs pistes de réforme sont envisagées pour mettre fin aux abus, aux inégalités et au gaspillage des ressources publiques.
La première piste consiste à réformer le cadre réglementaire du logement de fonction, qui date de 1958 et qui est jugé obsolète et ambigu. Il s’agit de définir clairement les critères d’attribution, les modalités de cession, les obligations des occupants et les sanctions en cas de non-respect. L’objectif est de rendre le système plus transparent et plus équitable, en évitant les passe-droits, les fraudes et les conflits d’intérêts.
La deuxième piste consiste à renforcer le contrôle et le suivi des logements de fonction par les services des domaines de l’Etat, qui sont chargés de la gestion du patrimoine immobilier public. Il s’agit d’actualiser la liste des logements non vendables, de vérifier la conformité des occupants aux conditions d’éligibilité, de recouvrer les loyers impayés et de procéder aux expulsions si nécessaire. L’objectif est de rationaliser l’utilisation des logements de fonction, en évitant les occupations illégales, les sous-locations et les détournements.
La troisième piste consiste à accélérer le processus de vente des logements de fonction aux occupants qui le souhaitent, dans le respect du décret de 1999 qui a ouvert cette possibilité. Il s’agit de faciliter les démarches administratives, de réduire les délais d’expertise et de signature du contrat, de proposer des facilités de paiement et de délivrer le quitus rapidement. L’objectif est d’encourager la cession des logements de fonction, en offrant aux occupants une opportunité d’accéder à la propriété, tout en générant des recettes pour l’Etat.
La quatrième piste consiste à développer une politique publique du logement qui réponde aux besoins des fonctionnaires et des citoyens en général. Il s’agit de construire des logements sociaux, de favoriser l’accès au crédit immobilier, de réguler le marché locatif et de lutter contre l’habitat insalubre. L’objectif est de garantir le droit au logement pour tous, tout en préservant le patrimoine public et les intérêts de l’Etat.
Cependant, ces pistes ne sont pas exhaustives ni définitives. Elles nécessitent une concertation entre les différents acteurs concernés : les ministères, les syndicats, les associations, les professionnels du secteur et les bénéficiaires. Elles visent à sortir de l’impasse du logement de fonction au Maroc, qui est un problème complexe qui implique plusieurs aspects juridiques, sociaux et économiques.