Le Maroc a besoin, aujourd’hui plus que jamais, de reconnaître et de renforcer le champ du travail social (CESE)
Le 18 septembre 2020, le Conseil Economique et Social et Environnemental (CESE) a été saisi par le Président de la Chambre des Conseillers pour donner son avis sur le projet de loi 45-18, relatif à la réglementation de la profession du travailleur et travailleuse sociale. Le champ d’activité du travail social n’a pas encore été clairement délimité, le travail social n’est pas encore défini légalement et ses objectifs et missions ne font pas l’objet d’un large consensus, c’est ce qui ressort de cet avis du CESE publié récemment.
Le Maroc compte environ 35000 travailleurs sociaux, dont 57% sont des femmes, dans les secteurs public et privé, et ce nombre devrait atteindre 45000 à l’horizon 2025, selon les chiffres du Ministère de la Solidarité, du Développement social, de l’Egalité et de la Famille (MSDSEF). Toutefois, le travail social est loin de désigner un champ d’activité unifié et dûment délimité. Travail du social, travail dans le social, travail associatif, sont autant d’expressions utilisées fréquemment, de manière indifférenciée, pour exprimer une relation d’aide, un service à caractère désintéressé, altruiste, généreux.
De l’aveu même du CESE, « le social » est largement associé au travail associatif, aux bonnes œuvres, à la charité, au bénévolat et à la solidarité envers les laissés pour compte de la société, d’où la nécessité d’organiser et de professionnaliser le travail social, d’harmoniser les formations, homogénéiser les approches, et structurer les interventions. D’ailleurs, plusieurs dysfonctionnements structurels ont été relevés par le rapport de la Cour des comptes au sein des établissements de protection sociale en général. Sans oublier, la grande hétérogénéité des profils, la diversité des métiers, des statuts administratifs et des approches d’intervention et la multiplicité des programmes sociaux qui caractérisent ce secteur.
Selon le CESE, « le Maroc a besoin, aujourd’hui plus que jamais, de reconnaître et de renforcer le champ du travail social, de développer ses capacités d’actions et ses ressources humaines, de le promouvoir en tant qu’activité d’utilité sociale potentiellement créatrice d’emplois ».
Pour cette instance constitutionnelle, le projet de loi 45-18 relatif à la réglementation de la profession du travailleur et travailleuse social, objet de cet avis, vise la réglementation de la profession des travailleurs (ses) sociaux dans le secteur privé (salariés et indépendants),alors que le champ d’activité du travail social n’a pas encore été clairement délimité, le travail social n’est pas encore défini légalement, ainsi que ses objectifs et ses missions ne font pas l’objet d’un large consensus.
Ce Conseil s’est penché également sur nombre d’aspects positifs présents dans ce projet loi tels que l’initiation d’une dynamique de professionnalisation de l’intervention des travailleuses et travailleurs sociaux (à travers l’obligation d’acquérir des connaissances scientifiques et des compétences suivant un cursus académique et pratique, pour prétendre au titre de « professionnel ») et l’énonciation d’un ensemble de principes et valeurs du travail social en accord avec les droits (l’Intérêt supérieur des bénéficiaires, la non–discrimination, le respect de la dignité des personnes, la protection des droits des bénéficiaires, le respect de la confidentialité, la moralité, la probité).
Les recommandations du CESE
En revanche, le CESE estime que cette loi cadre préconisée devrait prévoir, en outre, des mesures de protection spécifiques des travailleurs sociaux dans le code du travail, le code pénal et le statut général de la fonction publique, en matière d’indépendance professionnel, de secret professionnel et de protection d’un ensemble de risques d’agressions, de diffamation et de contaminations liés à l’exercice.
De cet avis, élaboré dans le cadre d’une saisine émanant de la Chambre des conseillers, en date du 18 septembre 2020, le CESE recommande par ailleurs de réglementer le travail social en vertu d’une loi cadre qui inclurait une définition marocaine du travail social, s’appuyant sur la définition internationale du travail social, et énoncerait les grands principes du travail social. Le CESE appelle aussi à élaborer un statut particulier des travailleurs(ses) sociaux dans la fonction publique, les collectivités territoriales et autres établissements relevant de l’Etat.
A ce titre, le Conseil propose de créer une instance ad hoc multipartite consultative du travail social pour accompagner l’élaboration de la loi-cadre qui serait rattachée au ministère de la Solidarité, du développement social, de l’égalité et de la famille.
A l’issue de la lecture analytique du projet de loi, qui vise à réglementer la profession des travailleuses et travailleurs sociaux dans le secteur privé (salariés et indépendants), et au terme d’un large processus d’écoute des acteurs et parties concernés, le CESE a formulé un certain nombre d’observations susceptibles d’être rectifiées, clarifiées ou améliorées.
Ces remarques ont trait aux concepts essentiels liés au travail social, à la raison de l’exclusion des fonctionnaires, des agents de l’État et des bénévoles du champ de la loi et au modèle de représentation professionnelle proposé (et les problématiques constitutionnelles et juridiques qu’il présente). Dans ce sens, le Conseil considère que la réglementation de la profession des travailleuses et travailleurs sociaux dans notre pays nécessite de définir le champ d’activité du travail social, la profession et les différents métiers du travail social, de distinguer entre ce qui relève de la responsabilité de l’État et ce qui relève des professionnels généralement représentés par une instance et de considérer l’ensemble des personnes exerçant la profession.
Il est également question de susciter une très forte adhésion et participation des professionnels et d’élaborer une charte déontologique contraignante, en vue d’assurer le respect des principes et valeurs de la profession des travailleurs sociaux.
De même, le Conseil préconise la prise de mesures spécifiques concernant les métiers du travail social impliquant des soins et des accompagnements spécialisés et comportant des risques pour les personnes accompagnées. Par conséquent, et outre les observations soulevées qui sont de nature à l’enrichir et l’améliorer, le CESE souligne l’importance d’ »une loi ambitieuse et orientée vers l’encouragement, la reconnaissance de l’utilité sociale du travail social, le développement des compétences, la protection et le respect des libertés fondamentales des travailleurs sociaux ».