Le nationalisme c’est la vie

 Dr Charles Saint-Prot *

Lors de son discours devant le Congrès, le 9 juillet 2018, puis à la réunion des ambassadeurs le 27 août, Emmanuel Macron, qui ne fait que répéter ce qu’on lui a enseigné, jadis, à Sciences Po – l’école de formatage à la pensée unique-, a déclaré que la « véritable frontière qui traverse l’Eu­rope est celle qui sépare les progres­sistes des nationalistes ».

 

Tout le système est là. C’est une idéologie qui s’installe dans une optique manichéenne faussée. Il travestit les termes, il appelle progres­sisme ce qui n’est, en réalité, qu’un eu­ropéisme maniaque. Et il désigne l’en­nemi : le nationalisme. Autoproclamé nouveau champion de l’Europe, Emma­nuel Macron oppose l’européisme et le nationalisme. L’Europe, c’est le bien, le nationalisme le mal. C’est évidemment de la mauvaise foi surtout si l’on veut bien considérer que l’européisme n’est qu’un succédané de la mondialisation dont on nous rebat les oreilles. On aura compris que Macron est le champion de la « mondialisation heureuse » contre tous les laissés pour compte de ce sys­tème qui est une machine à broyer les peuples. L’erreur ici serait de distinguer la mondialisation qui serait une notion économique désignant le marché mon­dial et unifié, et le mondialisme qui serait un terme polémique utilisé par quelques extrémistes. C’est naturellement la même chose. Tout est fait pour gommer les ré­férences nationales.

Qui sont les extrêmes ?

Selon la doxa en vigueur, le progres­sisme serait donc l’eurocratie tandis que le nationalisme serait le recours aux « extrêmes » incarnés par MM. Orban, Salvini, Kurtz et quelques autres. À vrai dire, c’est un artifice un peu grossier qui consiste à caricaturer ceux qui ont l’insolence de ne pas adhérer aveuglé­ment à une pensée unique, éradicatrice des diversités nationales. C’est ainsi qu’un nouvel «axe du mal» est pointé du doigt : les nationalismes.

Pourtant ne pourrait-on pas traiter d’extrêmes ceux qui veulent détruire les nations, ceux qui veulent imposer un nouvel empire, ceux qui ne croient qu’à la finance anonyme et vagabonde, ceux qui méprisent les peuples au point de traiter de populisme toute action vi­sant à les défendre contre les prédateurs supranationaux ? Ne sont-ils pas extré­mistes ceux qui se sont faits les cham­pions d’un dangereux laisser faire, lais­ser passer qui conduit à nier les identités nationales sacrifiées aux billevesées mondialistes et européistes ? N’est-il pas extrémiste de continuer à entrete­nir le mythe d’un prétendu couple fran­co-allemand alors que la chancelière du Reich ne dissimule pas son ambition de rendre l’Europe encore plus al­lemande et faire de Berlin la ca­pitale d’une eurocratie confiée à un président allemand de la commission européenne ? Pro­gressisme contre nationalisme ? Ce n’est pas seulement une querelle de mots. Si le terme nationaliste est marqué par une connotation dévalorisante, du fait de ses ennemis, il reste que le nationalisme représente la conception la plus achevée du combat pour la nation.

Bien entendu, le nationalisme ne peut s’assimiler à une fan­tasmagorique stratégie d’enfer­mement. Il n’a jamais entretenu la prétention de tout décider comme si le monde extérieur n’existait pas. Ce n’est pas un chauvinisme, un patriotisme exacerbé, encore moins un racisme.

la mondialisation doit être conçue comme un bouleversement des valeurs avec la prédominance sur le Politique de l’économique, c’est-à-dire du Marché, de la finance « anonyme et vagabonde ».

Un combat d’idées

De fait, la querelle entre les nationa­listes et les cosmopolites n’est qu’un combat d’idées. Or, comme l’écrit Bo­nald, ce sont les idées et les livres qui font les révolutions et doivent faire les contre-révolutions. L’éternel en­jeu consiste à réaffirmer le primat de l’homme, de la civilisation, des forces de la vie contre le nivellement matéria­liste, les nuées cosmopolites, les forces de la mort.

C’est un combat existentiel. Ce qui est en cause est le respect de la diver­sité des nations, c’est-à-dire celle des civilisations, face à la menace d’un monde globalisé qui serait celui d’une uniformisation synonyme de totalita­risme et de régression. Le dogme d’un libre-échange gagnant-gagnant prédisait l’avènement du meilleur des mondes dans lequel les pauvres deviendraient riches et les riches encore plus pros­pères. On connaît le résultat, en parti­culier la désindustrialisation due aux délocalisations massives, provoquant le malaise des classes moyennes déclas­sées. Plus encore, la mondialisation doit être conçue comme un bouleversement des valeurs avec la prédominance sur le Politique de l’économique, c’est-à-dire du Marché, de la finance «anonyme et vagabonde». Finalement, ce qui est en cause n’est pas la capacité matérielle d’agir, c’est le courage en politique. En bref, c’est le caractère, «Cette vertu des temps difficiles». C’est, hélas, cette ver­tu qui fait le plus souvent défaut, surtout lorsque les partis de l’étranger tiennent le haut du pavé. Pourtant, il ne faut ja­mais se résigner à laisser les autres être les seuls acteurs de l’Histoire, jamais cesser d’imaginer les moyens de faire entendre sa petite musique différente dans le concert des nations. C’est cette conviction qui conduit de nombreux peuples à se réveiller : un peu partout dans le monde, nous assistons au retour des identités et un réveil des peuples en Europe de l’Est (Hongrie, Autriche…), en Grande-Bretagne avec le Brexit, aux États-Unis, en Russie, dans beaucoup de pays en développement…

 L’indépendance est la seule garantie de la dignité du peuple. Sauvegardant le citoyen enraciné plutôt que l’individu sans feu ni lieu, la nation relève la valeur de l’homme

La nation donne à l’homme sa dignité

Il s’agit de concevoir les hommes comme appartenant d’abord à une na­tion. Il faut avoir la conviction d’une unité de destin pour faire quelque chose ensemble. Cela s’appelle l’Histoire.

C’est la nation qui donne à l’homme sa dignité en lui permettant d’être, non seulement, un animal social mais plus encore un animal historique. Par la na­tion, l’individu périssable et la société périssable défient la mort et le néant. Dès lors, les idéologies supranationales, celles du renoncement et celles des rêves d’empire (financier, militaire, re­ligieux ou autres), incarnent la mort et c’est bien le nationalisme qui incarne la vie et l’espérance L’indépendance est la seule garantie de la dignité du peuple. Sauvegardant le citoyen enraciné plutôt que l’individu sans feu ni lieu, la nation relève la valeur de l’homme dans la me­sure où elle constitue une communauté de destin dans l’universel. Elle est la condition de l’Histoire.

Ainsi, il faut bien en conclure que le nationalisme bien compris est un huma­nisme.

* Géopolitologue et islamologue

PDG de l’Observatoire d’études géopolitiques

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