Le Niger en quête d’un modèle économique durable

Niamey. De notre envoyé spécial Soufiane Guellaf
Sous les voûtes du Centre International de Conférences Mahatma Gandhi, un parterre d’experts, d’acteurs économiques et de représentants de la société civile s’est réuni dans le cadre des Assises Nationales pour la refondation du Niger. L’objectif de cette session dédiée à l’économie et au développement durable est clair : dresser un état des lieux des défis structurels du pays et esquisser les contours d’une relance économique ambitieuse et inclusive.
Présidée par Salha Haladou, ancien ministre et figure reconnue du développement économique au Niger, cette rencontre a été l’occasion de riches débats sur la gestion des ressources naturelles, la modernisation de l’agriculture, l’amélioration de la gouvernance et la recherche de solutions énergétiques durables.
Dans un entretien accordé à Maroc Diplomatique, Salha Haladou a détaillé les secteurs prioritaires pour relancer l’économie nigérienne. « Ces secteurs ne se limitent pas à leur poids budgétaire, ils sont les piliers d’une transformation structurelle du pays, en matière d’emplois, d’infrastructures et de compétitivité », a-t-il souligné.
L’agriculture, les infrastructures de transport, l’énergie et les ressources naturelles sont ainsi perçues comme des leviers fondamentaux pour la croissance. Mais pour qu’ils jouent pleinement leur rôle, il est impératif, selon lui, de revoir en profondeur les politiques publiques et d’adopter un cadre institutionnel et juridique plus attractif. La sécurisation des investissements, tant nationaux qu’étrangers, est une nécessité absolue si le Niger veut éviter une exploitation inefficace et inégale de ses ressources.
La Sous-commission thématique en charge de l’économie et du développement durable, dirigée par Salha Haladou, a mis en lumière la nécessité d’une exploitation rationnelle des ressources naturelles. De l’énergie au pétrole en passant par la pêche et l’hydraulique industrielle, ces secteurs regorgent de potentiel, mais leur mise en valeur repose sur une gestion rigoureuse.
« Le Niger ne peut plus se permettre une exploitation aléatoire de ses richesses », a martelé Haladou. Une déclaration qui résonne dans un pays où la manne pétrolière et minière est encore loin de profiter pleinement aux populations. Pour lui, la clé réside dans une meilleure régulation et une transparence accrue, afin de transformer ces ressources en véritables moteurs de développement.
Lire aussi : Sécurité, diplomatie et développement durable : Les priorités du Niger
Des freins à l’investissement
L’un des défis soulevés lors des débats concerne l’attractivité économique du Niger. Comme de nombreux pays en développement, il fait face à des facteurs dissuasifs : instabilité politique, gouvernance défaillante, infrastructures insuffisantes et gestion inefficace des ressources. Ces éléments constituent autant d’obstacles pour les investisseurs, notamment ceux engagés dans des projets à long terme.
Toutefois, Haladou refuse de voir ces contraintes comme une fatalité. « Si nous les considérons comme des barrières insurmontables, nous bloquerons notre propre croissance. Il est urgent d’y répondre avec des solutions structurelles et durables », a-t-il plaidé. Selon lui, seules des réformes profondes et cohérentes pourront lever ces blocages et garantir un climat économique propice aux affaires.
Gouvernance et transition énergétique : des réformes indispensables
La gouvernance économique a été l’un des thèmes centraux des Assises. Salha Haladou a insisté sur la nécessité d’une gestion plus efficiente du capital humain et d’un alignement du système éducatif avec les besoins du marché du travail. Un point crucial pour un pays où le chômage, en particulier chez les jeunes diplômés, demeure une préoccupation.
L’énergie a également occupé une place de choix dans les discussions. Le Niger fait face à un déficit chronique en approvisionnement énergétique, un handicap lourd pour l’industrialisation et la compétitivité du pays. Haladou a suggéré de réévaluer les options énergétiques du pays, allant jusqu’à évoquer le potentiel du nucléaire comme alternative aux sources traditionnelles.
Une autre question clé abordée est celle du financement du développement. Haladou a défendu la création d’une banque nationale de développement, un instrument essentiel pour soutenir les initiatives locales, notamment dans les secteurs agricole et pastoral.
« Nous devons nous détacher progressivement de la dépendance aux financements extérieurs et bâtir des mécanismes autonomes pour financer notre propre croissance », a-t-il affirmé, en prônant une planification rigoureuse et intégrée.
L’agriculture et l’élevage, secteurs vitaux pour le Niger, ont fait l’objet de discussions approfondies. La baisse de la productivité, due notamment aux conditions climatiques extrêmes et au manque de technologies adaptées, constitue une problématique. Haladou a insisté sur la nécessité de réconcilier production végétale et alimentation du bétail, afin de limiter les importations coûteuses de fourrage.
Autre problème de taille : les tensions entre agriculteurs et éleveurs, souvent exacerbées par une gestion foncière inadaptée. Il a appelé à une réforme de la gouvernance des terres, avec une implication renforcée des collectivités locales pour éviter les conflits liés à l’usage des sols.
Au terme de cette session, un constat s’impose selon Haladou : le Niger ne pourra amorcer son développement sans une refonte complète de son modèle économique. Entre optimisation des ressources naturelles, réformes institutionnelles et renforcement des capacités productives, les chantiers sont vastes, mais l’ambition est affichée.
Ces Assises Nationales ont permis de poser les bases d’une transformation structurelle, mais l’enjeu réside dans la concrétisation des recommandations et la mise en œuvre effective des politiques préconisées.
Une chose est certaine selon Haladou : la refondation économique du Niger ne pourra réussir qu’avec une synergie accrue entre les acteurs publics et privés, un cadre réglementaire modernisé et une gouvernance transparente. C’est à cette condition que le pays pourra réellement exploiter son potentiel et offrir un avenir plus prospère à ses citoyens.