Le port Tanger Med profite de la crise de la mer Rouge
La mer Rouge est devenue un théâtre de conflit qui perturbe le commerce mondial. Les rebelles Houthis, soutenus par l’Iran, mènent des opérations armées contre des navires marchands qui transitent par le canal de Suez ou le détroit de Bab el Mandeb. Ces attaques ont provoqué une chute de 45 % du trafic sur le canal de Suez, l’une des principales voies de navigation entre l’Asie et l’Europe, et une hausse des coûts et des prix du fret. Selon une étude de la Banque mondiale, la crise de la mer Rouge pourrait coûter jusqu’à 8 milliards de dollars par an à l’économie mondiale.
Face à cette situation, de nombreuses compagnies maritimes, pétrolières et gazières ont opté pour des solutions alternatives. Certaines ont choisi de contourner l’Afrique par le cap de Bonne-Espérance, ce qui rallonge le trajet de plusieurs jours. D’autres ont cherché des nouveaux ports plus sûrs, moins chers et mieux situés pour servir de base logistique.
C’est dans ce contexte que le Maroc tire son épingle du jeu. Le Royaume dispose de deux ports stratégiques sur la façade méditerranéenne : Casablanca et Tanger Med. Ce dernier, inauguré en 2007, est devenu le premier port méditerranéen en trafic de conteneurs, dépassant ses concurrents espagnols et italiens. Selon les données du port, Tanger Med a traité plus de 5,8 millions de conteneurs en 2023, soit une croissance de 38 % par rapport à 2022.
Tanger Med bénéficie de plusieurs atouts : sa proximité avec le détroit de Gibraltar, qui lui permet de relier l’Atlantique et la Méditerranée, son emplacement entre l’Afrique et l’Europe, ses installations modernes et de grande capacité, ses coûts salariaux et environnementaux plus faibles, et ses tarifs plus compétitifs que ceux des ports voisins, notamment celui d’Algésiras.
Tanger Med est un port de transbordement, c’est-à-dire qu’il sert à répartir les marchandises vers d’autres destinations. Il est en plein essor vers le nord de l’Europe et vers les ports de la Méditerranée centrale et orientale. Il est aussi un hub, c’est-à-dire qu’il accueille des activités industrielles et logistiques liées au transport maritime. Il abrite notamment une zone franche, une zone industrielle, une zone logistique et une zone de services. Plus de 1 000 entreprises sont implantées dans le complexe portuaire, générant plus de 80 000 emplois directs et indirects.
Ce succès renforce le poids économique et politique du Maroc dans la région. Il a aussi incité le pays à lancer la construction d’un autre grand port commercial à Nador, à l’est de Tanger. La stratégie du Maroc est claire : il veut créer deux pôles de développement sur sa façade méditerranéenne, en profitant de la crise de la mer Rouge, dont l’issue est incertaine.
La montée en puissance de Tanger Med se fait au détriment des ports de la Méditerranée centrale et orientale, qui voient leur part de marché diminuer. Les ports italiens de Gênes, Trieste et Gioia Tauro, le port maltais de La Valette et le port grec du Pirée, connecté au réseau ferroviaire de l’Europe de l’Est, sont les principaux perdants de cette redistribution des cartes.