Le tour de Moscou en 3 jours et quelques heures…

 Par Mohamed LAROUSSI

Ce voyage à Moscou, j’en ai rêvé alors que j’étais encore ado, disons post-ado. J’étais encore jeune étudiant en France et déjà apprenti-révolutionnaire.

Et Moscou, à l’époque, capitale de l’ex URSS, était considérée comme, un peu, la Mecque des Marxistes-Léninistes-Hu­manistes-Idéalistes dont je faisais plus ou moins ouvertement partie. Ensuite, beaucoup plus tard, adulte, vacciné, ma­rié, père de famille et presque embour­geoisé, j’ai failli y aller, encouragé en cela par une grande amie et collègue de travail, russe par sa mère. Et c’est seule­ment il y a quelques jours, que j’ai réus­si, enfin, à réaliser ce rêve que j’avais presque oublié, mais qui avait émergé très naturellement dès qu’on avait com­mencé à parler du Mondial en Russie.La réalisation de ce rêve, je la dois à mon appartenance toute récente à la FIJET – Fédération Internationale des Journalistes et Écrivains du Tourisme et à l’AMJET sa section locale, et dont votre modeste serviteur est l’actuel Se­crétaire général. En effet, c’est grâce à cette grande organisation profession­nelle que j’ai été invité par le Départe­ment des Sports et du Tourisme du gou­vernement de Moscou pour un voyage de presse, destiné à faire connaître et à promouvoir le tourisme à Moscou, au lendemain de la Coupe du Monde 2018, qui a été organisée avec le succès et le brio que l’on sait.

Moscou la rouge ou Moscou la verte ?

Le hasard a fait que mon vol était programmé dans la nuit du mardi au mercredi, et plus précisément, la veille de la fête dite du mouton. J’ai toujours considéré cette fête comme un peu notre Noël à nous, dans la mesure où elle permet les retrouvailles plus ou moins de toute la famille. Chose de­venue de plus en plus rare, y compris dans nos contrées ultra-conservatrices. C’est pour cela que j’ai toujours essayé de ne pas rater cette fête et d’éviter de voyager à ce moment de l’année. Mais le fait de savoir que j’allais me réveil­ler le lendemain à Moscou, m’avait fait accepter, sans hésiter une seconde, un vol de nuit que j’ai toujours eu en hor­reur.

L’heure de départ prévue – 00h20 – a été retardée très légèrement, en com­paraison avec ce qui est pratiqué d’ha­bitude.

Le vol a été relativement court – environ 5h et demie – mais la nuit a été plutôt longue car je n’avais réussi à fermer l’oeil qu’une petite heure, et encore, en gesticulant tout le temps sur mon siège. Et quand la voix de l’hôtesse m’a réveillé en annonçant l’atterrissage imminent et que j’ai jeté un coup d’oeil à l’extérieur, à travers le hublot, un merveilleux spectacle s’est offert à moi…

Tout était vert.

Moi qui rêvais de place et d’armée rouges, j’étais servi.

D’immenses étendues de verdure s’offraient à mon regard : des forêts, des bois, des champs ou même, par­fois, juste des parcs ou des jardins incrustés au sein de petits villages ou enrobant de petites agglomérations ru­rales ou suburbaines.

  Je savais que la Russie était réputée par  sa végétation luxuriante, notamment par sa forêt boréale, la fameuse taïga, mais je n’avais jamais pensé que  cette végétation  pouvait être aussi  envahissante,  au sens très positif  du terme.

Bien avant de venir ici, je savais que la Russie était réputée par sa vé­gétation luxuriante, notamment par sa forêt boréale, la fameuse taïga, mais je n’avais jamais pensé que cette vé­gétation pouvait être aussi envahis­sante, au sens très positif du terme. Durant tout le trajet entre l’aéroport et la ville de Moscou, je n’ai pas cessé de voir et d’admirer de grands arbres, partout, tout au long de la route. J’avais l’im­pression de traverser une forêt géante avec, de temps à autre, comme une sorte de ponctuations, des stations-services, des usines ou des hangars, entourés, la plupart du temps, d’espaces verts. Les espaces verts, on les trouve partout à Moscou. Là aussi, c’était comme si la ville avait été construite sur une grande étendue boisée, et qu’on au­rait donné comme instructions fermes de ne surtout pas toucher aux arbres et de bien les laisser à leurs places. J’ai eu l’occasion, comme je vous le raconterai plus tard, de monter sur la plus haute plateforme d’observation de Russie située sur la plus grande Tour de Moscou – 89 étages – et de là, j’ai pu voir et admirer, 360° à la ronde, Moscou la Verte dans toute sa splendeur.

En redescendant sur terre, en me baladant le long de certains grands boulevards ou juste de petites ruelles de Moscou, et en m’approchant de certains arbres, certainement plus centenaires, j’ai pu en déduire que ce patrimoine si bien conservé, car sû­rement bien entretenu, n’est pas le reflet d’une quelconque mode pseu­do-écologique passagère ou élec­torale. Mais que c’est une preuve tangible et réelle du profond respect et de la grande admiration que les Russes, en général, et les Moscovites, en particulier, ont pour Dame Nature. Cette conviction a été renforcée chez moi lors de la visite du grand complexe sportif de Moscou – et sur laquelle je reviendrai. C’est ici que j’ai compris ce que « vert » veut dire. Notre bus était à peine arrivé dans la zone du complexe que nous avions plein d’arbres et de verdure plein dans les yeux. Et quand nous avions pénétré dans l’enceinte du complexe, nous n’étions pas dans un espace destiné aux sports, mais dans un gigantesque jardin d’une beauté resplendissante. Et bien sûr, le bouquet c’était le fameux terrain de foot qui est le fief des plus grandes équipes de Moscou, et qui avait accueilli les plus beaux matchs du Mondial 2018. Là, le gazon est quasi-sacralisé. D’ailleurs, notre guide d’abord, ensuite, les res­ponsables du complexe, nous avaient courtoisement mais fermement pré­venus de ne pas y mettre les pieds, ni même de le toucher avec les mains. Il se trouve que ce jour-là, les ouvriers étaient en train de procéder à la ton­daison du gazon et à son arrosage, et je puis vous assurer que cela ressem­blait plus à une séance d’esthétique qu’à une simple opération d’entretien.

La Russie, un pays à découvrir.

 Le dernier jour, l’occasion m’a été donnée de me promener dans le plus grand parc de Moscou, situé en plein coeur de la ville, étendu sur plus de 10 ha, avec son propre micro-climat, et avec des centaines d’arbres, de plantes et autres espèces de fleurs.

Excusez-moi de vous le dire mais moi qui venais d’un pays qui ne porte presque aucune estime à la terre et à la nature, et d’une ville dont on a dé­cidé de déraciner, en toute impunité, et régulièrement, des arbres parfois séculaires, après cette visite, j’ai rougi de honte.

Moscou est une ville très belle parce que c’est une ville très verte.

Moscou entre l’ancien et le renouveau

J’ai été très tenté, au début, de titrer ce passage sur ma visite à Moscou : « Moscou entre Authenticité et Mo­dernité », mais j’ai eu peur que cela fasse confusion et diversion. Cela dit, juste entre nous, vous vous rappelez sûrement que le premier mouvement qui avait été créé et qui avait donné lieu au fameux Parti « Authentique et moderne » était composé de nom­breux ex-militants marxistes-léni­nistes. Comme quoi, cela n’aurait pas été tout à fait une aberration.Trêve de plaisanterie et revenons à Moscou.

Si dans le premier passage, je vous ai fait part de mon admiration pour le côté vert présent et imposant de la ville de Moscou, maintenant, je vais vous parler de l’Histoire, avec un grand H. L’Histoire passée que l’on trouve par­tout, à tous les coins de rue, mais aussi l’histoire que les Russes sont en train d’écrire, c’est-à-dire celle de la Russie d’aujourd’hui, et bien entendu, la Rus­sie de demain.

Notre visite a été program­mée sur seulement 3 jours, or il faut, sans doute, trois mois voire plus pour pouvoir prétendre visiter cette grande ville qu’est Moscou. C’est pour cela que nous n’avons pu visiter qu’un nombre très limité de monuments et sites historiques.Je vais commencer par les cathédrales, d’abord, parce qu’elles sont toutes très belles, très colorées et très imposantes, ensuite parce qu’après l’ère du tsa­risme, la Russie avait connu la révolu­tion bolchévique, c’est-à-dire une révo­lution communiste qui est connue pour être anti-religieuse. Donc, on aurait pu parfaitement imaginer l’élimination et la disparition de tout édifice religieux. Il n’en fut rien puisque Moscou regorge de cathédrales et d’églises qui n’ont plus peur de se montrer.

  La Russie avait connu  la révolution bolchévique, c’est-à-dire  une révolution commu­niste qui est connue pour être anti-religieuse.  Donc, on aurait pu  parfaitement imaginer l’élimination  et la disparition de tout édifice religieux. Il n’en fut rien puisque Moscou regorge de cathédrales  et d’églises qui n’ont plus peur de se montrer.

La plus connue car peut-être la plus visible grâce à son allure provocante, ses dômes multicolores et surtout à sa proximité avec la célèbre Place rouge, c’est la Cathédrale de Saint Basile le Bienheureux.

Cette cathédrale a failli être dynami­tée par les Français avant leur départ, mais ils n’auraient pas eu le temps de le faire. Le pouvoir bolchévique avait, lui aussi, eu l’idée de la détruire mais il ne l’a pas fait. Ouf !

 

Oui, pourtant il a fini par le faire mais pour une autre cathédrale qui, elle aussi, était très belle, et qui l’est tou­jours. Oui, parce qu’elle a ressuscité. C’est la Cathédrale du Christ-Sauveur. Son histoire est touchante et presque amusante. En effet, cette cathédrale a été construite au 19è siècle, en hom­mage à la victoire russe sur l’armée de Napoléon. Beaucoup plus tard, sous Staline, on a décidé de la démolir et de construire, à sa place, la plus grande piscine à ciel ouvert du monde, la Pis­cine Moskva, pour l’offrir au peuple moscovite qui en avait probablement besoin car, je peux en témoigner, il fait très chaud, à Moscou, en été.

Et puis, presque 60 ans après, en 1995, sous la présidence, je suppose, d’Elt­sine, il a été décidé de la reconstruire, à l’identique. Ce qui fait qu’aujourd’hui, nous avons une magnifique cathédrale, avec des dômes magnifiquement dorés qu’on peut admirer de plusieurs coins de Moscou et que des milliers de touristes viennent visiter, chaque jour.

Toute cette étonnante et sympa­thique histoire nous a été racontée par notre charmante guide, Julia, dans un anglais parfait avec, toutefois, ce petit « r » rugueux, cher aux belles espionnes russes des films de James Bond.

Si j’ai beaucoup insisté sur ce point c’est pour vous dire que les Mosco­vites sont très fiers de leur histoire, ancienne et récente et de ses princi­paux témoins qui sont, justement, les bâtiments et les monuments.

Les sites historiques, il y en a par­tout. Des théâtres, de nombreux beaux et grands théâtres – dont le célébris­sime Bolchoï -; des musées de tout genre, dont Bunker 42, que nous avons pu visiter et qui, du haut de ses 60 m sous sol, nous rappelle la longue guerre froide; des statues, des dizaines de statues de toutes dimensions, dont celle de Lénine qui trône, fièrement et hautement, à l’entrée principale du Grand Complexe des Sports de Mos­cou, un des plus beaux espaces spor­tifs que j’ai vu dans ma vie, et qui a abrité les grands matchs du dernier Mondial de Foot de Moscou.

Et il y a aussi les hôtels. De grands palaces, grandioses, construits aux siècles derniers. Des bâtiments d’une beauté arrogante qui continuent d’of­frir aux richissimes du pays et du monde entier tout le confort exigé, ou d’autres établissements, plus récents, plus modernes, et tout aussi impo­sants, qui appartiennent aux chaînes les plus prestigieuses de la planète.

Et enfin, il y a les Tours dont je vous ai un peu parlé précédemment, et qui sont très hautes, très belles, très mo­dernes et n’ont rien à envier à celles de New York, de Londres ou de Sidney.

Tout cela pour vous dire que les Moscovites, et sûrement aussi tous les Russes, tout en ne voulant pas oublier leur histoire, toute leur histoire, font tout pour l’entretenir et la garder inté­ressante à raconter. Ils nous montrent, en même temps, qu’ils ne sont pas prisonniers de cette histoire, aussi glorieuse ou tragique soit-elle, et re­gardent vers l’avenir, un avenir qu’ils souhaitent aussi grand et aussi haut que leur passé.

Lénine, réveille-toi, ils sont devenus forts

Je dois vous avouer que je ne suis pas très fier du titre que j’ai donné à ce 3ème et dernier passage sur ma récente visite à Moscou. D’autant plus que l’appel à Lénine, à titre posthume, qui avait été écrit sur les murs de Prague, et son contexte tragique n’ont plus rien à avoir ni avec ce que les Russes ont réalisé comme performances économiques et sociales, ni avec ce qu’est devenue Moscou, l’ex-capitale de l’ex-URSS. Je pense que si Lénine revenait à la vie, aujourd’hui, et visi­tait Moscou, il serait sûrement content de voir comment elle est devenue ca­pable de rivaliser avec ses consoeurs européennes ou américaines, dans presque tous les domaines. Il est vrai qu’on est un peu loin des objectifs qui avaient été tracés par le père de la ré­volution bolchévique et par ses com­pères communistes, notamment en termes d’égalité et de justice sociale, mais peut-être qu’eux aussi, tout gé­néreux et humanistes qu’ils étaient, avaient surestimé leurs capacités ou bien pas assez rationalisé leurs sou­haits pour le peuple russe et les autres peuples de la région et du monde. J’ai déjà visité de nombreuses villes à travers le monde. Pas autant que j’au­rais souhaité, mais assez pour consta­ter et déduire que Moscou est vrai­ment une cité à part.

 La Russie compte plusieurs siècles d’histoire, parfois glorieuse, parfois tragique, parfois rayonnante et par­fois pas très reluisante. Toujours est-il que la Russie est un grand pays qui a marqué l’histoire. En tout cas, les Russes revendiquent leur histoire et veulent nous la raconter.

Comme je l’avais précisé avant, ma visite à Moscou entre dans le cadre d’un voyage de presse, orga­nisé par le gouvernement de Moscou et plus précisément par le Départe­ment des Sports et du Tourisme. Oui, vous avez bien lu : Sports et Tourisme. Étrange, non ? Et bien non. Quand nous avons été reçus par M. Nikolai Gulyaev, le Chef de ce Département, j’en avais profité pour lui faire part de mon étonne­ment. Et c’est ainsi que nous avons appris que cette alliance quelque peu anachronique, est, effective­ment, unique au sein de la Fédéra­tion de Russie, et qu’elle ne date que de 2016. De là, nous pouvons en déduire que cette juxtaposition est d’ordre stratégique et que les res­ponsables de Moscou avaient bien compris que le succès escompté par l’organisation du Mondial du foot, un événement à l’impact planétaire, pouvait et devrait devenir le trem­plin pour un nouveau tournant pour l’histoire de cette grande métropole, et partant pour l’ensemble du pays. D’ailleurs, M. Nikolai Gulyaev, un homme au charme et au sourire dé­vastateurs, n’avait pas manqué de souligner l’importance de l’histoire de son pays. Et il avait souhaité que nos guides et nos accompagnateurs sachent comment nous la raconter.

Des histoires, on nous en a racon­té plusieurs, que ce soit par les res­ponsables dédiés dans les nombreux sites que nous avons visités, ou bien par notre guide Julia, dans le bus, lors des longs trajets que nous avons effectués durant ces 3 jours.

  La Russie compte  plusieurs siècles  d’histoire,  parfois glorieuse,  parfois tragique,  parfois rayonnante  et parfois pas très  reluisante.

Toutes ces histoires concernaient aussi bien l’histoire ancienne, celle de l’ère du tsarisme et qui sont teintées d’héroïsme et d’extrava­gance, celle du bolchévisme et du stalinisme, avec ses héritages et ses dérapages, que l’histoire du régime actuel, encore fraîche, mais qui ne manque ni de gloire ni de piquant.

On m’a toujours rapporté que les Russes prennent un peu de temps avant de s’ouvrir aux autres. Vu, justement, le peu de temps qui m’a été imparti lors de cette visite, je ne pourrais pas apporter plus d’éclair­cissement à ce propos. Cependant, je pense que leur volonté de s’ouvrir est encore à ses balbutiements.

J’en donne pour preuve le pro­gramme très chargé et très concentré de notre visite, et la manière trop encadrée et trop rigide de cette visite. Nous avions l’impres­sion que nos hôtes vou­laient nous en mettre plein la vue, et très vite. Ce qui a agacé pas mal de mes confrères et consoeurs qui ont béné­ficié de ce voyage.

Nous n’avions presque pas le temps de souffler, sauf deux fois.

La première, c’était lors du magnifique Fes­tival International de la Musique Militaire auquel nous avons été conviés le premier soir. Deux heures et demie d’un spectacle grandiose de lumière, de musique, de sons et d’effets spé­ciaux, animé par des groupes venus de plusieurs pays, sur la grande et mythique Place Rouge.

Et la deuxième, c’était durant la mini-croisière sur la rivière Moskova, sur un magnifique ba­teau où nous avons pu déguster un délicieux déjeuner tout en ad­mirant les très beaux sites touris­tiques et monuments historiques qui se trouvaient sur les rives, de part et d’autre, de la rivière. Pour finir, j’ai le sentiment profond que, tôt ou tard, Moscou va devenir une grande destination touristique. D’ailleurs, cela a déjà bien com­mencé : durant cette seule année, la ville a reçu pas moins de 20 mil­lions de touristes. C’est vrai que 2018 a été une année spéciale, mais je suis certain que Moscou est bien partie pour concurrencer les villes-stars du tourisme mondial comme Paris, Londres ou Barcelone.D’ailleurs, depuis que je suis rentré de cette visite-éclair à Moscou, je n’ai qu’une seule envie : y retour­ner, mais pour beaucoup plus de temps.

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