Le wali de Bank Al-Maghrib déplore un blocage « contre toute logique » du Maghreb
Le wali de Bank Al-Maghrib, M. Abdellatif Jouahri a déploré, vendredi à Tunis, un blocage « contre toute logique » du Maghreb.
« Au sud de la Méditerranée, le Maghreb reste, contre toute logique, bloqué et plusieurs pays sont aux prises avec des problèmes sécuritaires et des conflits qui se perpétuent », a dit M. Jouahri qui s’exprimait lors d’une conférence sur « Politiques économiques, intégration commerciale et création d’emplois durables: Une perspective méditerranéenne ».
Il a ajouté qu’entre les deux rives nord et sud de la Méditerranée, les craintes sécuritaires et migratoires continuent de peser sur le renforcement des relations et d’entraver l’intégration économique.
Si les partenaires de la rive nord arrivent à dépasser les problèmes du populisme et renforcer la convergence de leurs politiques, l’impact ne peut être que positif sur les pays du sud et faciliteront leur quête de création de richesse et d’emploi, « seul remède durable contre des phénomènes comme l’émigration qui, outre les drames humains qui en résultent, menacent la cohésion et la solidarité européennes », a-t-il soutenu.
M. Jouahri a indiqué que l’économie mondiale, qui sort d’une crise profonde, l’une des pires de son histoire, a certes gagné en élan, mais se retrouve sous un nuage dense d’incertitudes qui pèse sur ses perspectives et fait planer la crainte d’une nouvelle crise.
« Au total, les Banques centrales se retrouvent aujourd’hui dans une situation où elles sont appelées à poursuivre leurs missions traditionnelles et à en assumer de nouvelles non moins complexes », a-t-il insisté, estimant que leur expertise est sollicitée sur des problématiques loin de leurs champs d’intervention.
Pour réussir, ces banques sont amenées à être proactive à travers le développement de leur capital humain, un investissement dans leurs infrastructures, notamment d’information et de sécurité, ainsi qu’une adaptation de leur organisation et de leur gouvernance pour davantage d’efficience, a-t-il poursuivi.
Revenant sur le cas du Maroc, le wali de Bank Al-Maghrib a fait savoir qu’avec l’élargissement de ses missions, la Banque centrale a dû affronter de nouveaux challenges dont notamment l’accès aux services financiers de la petite et moyenne clientèle.
A cet égard, il a rappelé que cette institution s’est attelée avec le ministère des Finances à la finalisation de la mise en place de la stratégie nationale d’inclusion financière qui vise, notamment, la réduction des inégalités au profit des jeunes, des femmes et de la population rurale, le lancement et l’encadrement de l’activité de la finance participative, la promotion du financement vert et plus récemment, elle a mis en œuvre avec le ministère des finances, une réforme majeure pour une transition vers un régime de change plus flexible.
Il a dans ce sens souligné que les enseignements de la crise, la lutte contre le financement du terrorisme, le blanchiment et l’évasion fiscale ont induit une forte volonté de renforcer la réglementation des activités financières.
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Devant la complexité croissante de ces nouvelles règlementations, les Banques centrales doivent consentir un grand effort pour développer la capacité et l’expertise nécessaires pour assurer leur rôle de régulateur et de superviseur, a-t-il noté.
« Au Maroc, nous avons opté pour une démarche participative et graduelle avec des tests et des évaluations d’impacts pour ne pas remettre en cause la solidité et la viabilité du système bancaire et son rôle dans le financement de l’économie », a révélé M. Jouahri.
Pour sa part, le Gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie (BCT), Marouane El Abassi a indiqué que les défis auxquels sont confrontés les pays des deux rives de la Méditerranée peuvent constituer un moteur pour concevoir une nouvelle approche de coopération et de solidarité méditerranéenne.
Il a précisé que cette collaboration pourrait dans un premier plan être financière et technique, mettant l’accent sur le rôle que devront jouer les banques centrales en tant que régulateurs avec l’émergence spectaculaire des Fintech (start-up innovante qui utilise la technologie pour repenser les services financiers et bancaires).
Et de préciser que ce progrès technologique a un impact positif sur la qualité, l’accessibilité au service financier et l’inclusion financière.
M. Abassi a dans le même cadre rappelé que les économies méditerranéennes sont moins bien intégrées entre elles qu’il y a 15 ans, citant à cet égard les résultats d’une étude récente de la Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur qui ont révélé que « malgré le doublement du volume des exportations au sein de la région entre 2001 et 2016, leur poids relatif au total des exportations, a reculé ».
De son coté, le Président du Comité exécutif de l’Institut européen de la Méditerranée (IEMed), Senén Florensa a mis l’accent sur le rôle clé des banques centrales dans la stabilité macroéconomiques des pays des deux rives.
Il a plaidé dans ce sens pour une concertation et une coordination entre les gouverneurs des banques centrales de la région qui constitue, aujourd’hui, une nécessité dans une conjoncture économique globalisée.
Réunissant les gouverneurs de huit banques centrales de pays de la Méditerranée occidentale, des experts d’organisations internationales et des universitaires, cette conférence a porté sur le rôle des banques centrales de la région dans la stabilité macroéconomique et financière ainsi que la croissance économique.
Initiée par la Banque Centrale de Tunisie, la Banco de España et l’Institut Européen de la Méditerranée (IEMed – Barcelone), cette rencontre a été l’opportunité pour renforcer le dialogue entre les gouverneurs et les hauts représentants des banques centrales de la région, afin d’échanger les points de vue sur la manière de relever certains défis les plus pressants dans une région méditerranéenne de plus en plus interdépendante.