Les arsenaux nucléaires en augmentation : 90 % des armes nucléaires mondiales entre les mains de la Russie et des États-Unis
Une augmentation significative des arsenaux nucléaires a été observée dans plusieurs pays, notamment en Chine, mettant ainsi fin à une période de déclin. Cependant, il est difficile d’établir des chiffres précis en raison du manque de transparence des autres puissances nucléaires. Cette tendance à la hausse des arsenaux nucléaires se poursuit dans un contexte de tensions géopolitiques croissantes, telles que celles en Ukraine et à Taïwan.
Les États-Unis et la Russie sont les principaux détenteurs de ces armes dévastatrices, tandis que la Chine cherche à surpasser les États-Unis en termes de nombre de têtes nucléaires, devenant ainsi une puissance nucléaire mondiale. La région asiatique devient un enjeu majeur, la Chine jouant un rôle prépondérant dans les conflits, comme celui en Ukraine. La période de désescalade nucléaire est désormais révolue, et les armes nucléaires jouent un rôle croissant dans la compétition stratégique. Bien que la possession de ces armes soit principalement motivée par la dissuasion, les conséquences humanitaires de leur utilisation soulèvent des préoccupations majeures.
Force est de constater que l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022 a eu un impact dévastateur sur la diplomatie nucléaire et le contrôle des armements, entraînant la suspension des pourparlers sur un traité de suivi du New START.
Les négociations sur le Plan d’Action Global Commun (PAGC) avec l’Iran ont également été entravées par la situation en Ukraine, rendant sa renaissance peu probable. Les États-Unis et le Royaume-Uni ont cessé de rendre publiques les informations sur leurs forces nucléaires, suscitant ainsi de vives inquiétudes quant à l’avenir du monde.
En tout cas, c’est ce que vient de souligner le prestigieux Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI) qui a récemment publié un rapport mettant en lumière l’état actuel des armements, du désarmement et de la sécurité internationale tout en soulignant l’importance de restaurer la diplomatie nucléaire et de renforcer les contrôles internationaux sur les armes nucléaires pour éviter les risques élevés d’erreur, de malentendu ou d’accident. Selon cet institut de recherche renommé, le nombre d’armes nucléaires opérationnelles connaît une augmentation significative, de même que la modernisation et l’expansion des forces armées.
Puissances nucléaires
Les neuf puissances nucléaires mondiales à savoir États-Unis, Russie, Royaume-Uni, France, Chine, Inde, Pakistan, Corée du Nord et Israël, continuent de moderniser leurs arsenaux nucléaires. Certaines d’entre elles ont même déployé de nouveaux systèmes d’armes nucléaires ou à capacité nucléaire en 2022. Selon le rapport du SIPRI, ces neuf pays ont consacré un montant total de 82,9 milliards de dollars à ces armements et possédaient environ 12 512 ogives nucléaires en début d’année 2023, contre 12 710 en début d’année 2022. Les États-Unis à eux seuls représentent plus de la moitié de ces dépenses, selon un rapport de la Campagne Internationale pour l’Abolition des Armes Nucléaires (ICAN). La Russie et les États-Unis détiennent près de 90% des armes nucléaires mondiales.
Certes, Israël ne reconnaît pas publiquement posséder des armes nucléaires, mais des soupçons pèsent sur sa modernisation de l’arsenal nucléaire, estimé à 90 ogives. De son côté, la Chine pourrait bientôt posséder autant de missiles balistiques intercontinentaux que les États-Unis ou la Russie, en fonction de la manière dont elle décidera de structurer ses forces, selon le SPIRI.
Quant à la France, elle poursuit ses programmes de développement d’un sous-marin nucléaire lanceur d’engins de troisième génération et d’un nouveau missile de croisière aéroporté. Par ailleurs, des travaux de rénovation et de modernisation des systèmes existants sont également en cours.
De leur côté, L’Inde et le Pakistan semblent également étendre leurs arsenaux nucléaires en développant de nouveaux systèmes de vecteurs nucléaires. L’Inde se concentre davantage sur des armes à longue portée, tandis que le Pakistan reste la principale motivation de la dissuasion nucléaire indienne. La Corée du Nord, quant à elle, continue de privilégier son programme nucléaire militaire, procédant à plus de 90 essais de missiles en 2022.
Les entreprises impliquées dans la production d’armes nucléaires ont remporté de nouveaux contrats d’une valeur d’environ 16 milliards de dollars en 2022. Elles ont également consacré environ 113 millions de dollars au lobbying auprès des gouvernements américain et français, selon l’ICAN. À l’échelle mondiale, les puissances nucléaires ont conclu des contrats d’une valeur d’au moins 278,6 milliards de dollars avec des sociétés pour produire ces armes, certains contrats s’étendant jusqu’en 2040.
La course vers la destruction massive ?
Par ailleurs, les chercheurs du SIPRI ont noté que la diplomatie en matière de contrôle et de désarmement des armes nucléaires a subi un revers suite à l’invasion russe de l’Ukraine en février 2022. La Russie a suspendu sa participation au traité New START, signé avec les États-Unis, qui limite le nombre d’ogives et permet des vérifications mutuelles.
Les cinq États reconnus comme puissances nucléaires par le Traité sur la non-prolifération nucléaire semblent s’éloigner de leur engagement en faveur du désarmement, ce qui accroît le risque d’utilisation des armes nucléaires. La compétition nucléaire intensifiée représente un risque considérable d’utilisation de ces armes par colère, une menace qui n’avait pas été observée depuis la Seconde Guerre mondiale.
Allant dans ce sens, Dan Smith, directeur de l’Institut international de Recherche sur la Paix à Stockholm (SIPRI), résume la situation en déclarant : « Nous nous rapprochons, voire peut-être avons déjà atteint, la fin d’une longue période de déclin du nombre d’armes nucléaires dans le monde. »
En somme, le SIPRI Yearbook 2023 souligne la détérioration continue de la sécurité mondiale, exacerbée par le conflit en Ukraine, mais également due à d’autres tensions géopolitiques. La coopération internationale est indispensable pour apaiser les tensions, ralentir la course aux armements et faire face aux conséquences environnementales et humanitaires. Sur un autre volet, le rapport aborde également des sujets tels que les dépenses militaires mondiales, les transferts d’armes, les opérations de paix, les conflits armés, les entreprises militaires privées et les nouvelles technologies, telles que les systèmes d’armes autonomes.
Face à cette situation préoccupante, une question se pose : pourquoi ces pays ne font-ils aucun effort réel pour éliminer le danger que représentent les armes nucléaires pour l’humanité, qu’elles soient utilisées involontairement ou délibérément ? Cependant, il existe un espoir avec le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN), auquel près de la moitié des États membres de l’ONU ont adhéré ou signé pour promouvoir la sécurité mondiale. En attendant, la deuxième réunion du TIAN se tiendra à l’ONU en novembre prochain. Quant à la France, le chercheur Matt Korda dénonce l’augmentation massive des dépenses nucléaires au cours des dernières années, qualifiant cela de gaspillage financier important pour un système d’armes présentant de nombreuses failles.