Les call centers une grogne dans le silence
De nos jours, les centres d’appels communément appelés call centers, accaparent une place prépondérante dans le tissu économique marocain. Fort de leur taux d’employabilité, le secteur a généré 17% postes ouverts 2022. Outre ces indicateurs verdoyants, les conditions de travail déplorables entraveraient le quotidien de ces travailleurs.
Avec 120 000 emplois, le secteur se veut un employeur important au Maroc, surtout pour les jeunes fraichement diplômés. Depuis les années 1990, des multinationales européennes délocalisent leurs centres d’appels vers le Sud. De nombreuses entreprises francophones choisissent le Maroc comme destination « offshore ». Les programmes incitatifs du Royaume leur procurent des avantages fiscaux, et elles espèrent une main-d’œuvre bon marché et des syndicats faibles. L’État marocain, quant à lui, mise sur la création d’emplois.
Le travail en soi au sein des call center est épuisant. Déclare Nadine, 40 ans, une salariée ayant débuté sa carrière en centre d’appel il y a vingt ans. Les shifts hebdomadaires de 44 heures, la pression pour atteindre certains objectifs tels que le nombre d’appels en un temps donné, est élevée. Les salaires quant à eux, sont constitués jusqu’à 40% de primes. Lorsque ces dernières disparaissent, et dieu seul sait combien cela peut être fréquent, et surtout pour quelles raisons, les fins de moins s’avèrent alors très pénibles surtout lorsqu’on a des engagements à honorer.Bas du formulaire
De même, de nombreux agents de centres d’appels sont des jeunes, fraichement diplômés, qui souvent lors de leurs recrutements, ne cherchaient qu’un job provisoire.
Lire aussi : Essor de la richesse en Afrique : le Maroc classé 5ème
Le turnover étant important, les employés se voient fréquemment faire le tour des différents sites et employeurs. Beaucoup de migrants originaires d’Afrique subsaharienne francophone opèrent également dans ce secteur. Parfois même, des personnes sans permis de séjour, se retrouveraient dans des centres d’appels informels, où les conditions de travail laissent le plus à désirer.
A cela s’ajoutent d’autres éléments comme la menace de délocaliser la production dans d’autres pays aux conditions encore plus défavorables pour les salariés bien évidemment.
Au-delà de la baie vitrée
Pour contrer cet esprit d’embauche, des mouvements syndicaux se créent timidement. A l’instar de cela, Ayoub Saoud, salarié en centre d’appel, est élu secrétaire général de la Fédération nationale des centres d’appels et des métiers de l’offshoring (FNCAMO), qui est membre de l’Union marocaine du travail (UMT).
En décembre 2021, Ayoub Saoud et quelques un de ses camarades ont présenté un cahier de revendications à leur employeur, pour entamer des négociations. Le point principal était l’alignement des salaires sur l’inflation galopante.
L’employeur par le biais de son conseiller juridique, a proposé des indemnités aux syndicalistes s’ils présentaient leur démission.
Saoud et ses six camarades syndicalistes ont perdu leur emploi et donc leur salaire à la suite de ces tensions ayant mené à une grève à laquelle ont participé des centaines de salariés.
Face à des situations comme celles où se sont trouvés Saoud et ses camarades, les travailleurs et travailleuses ont tout simplement peur de se faire licencier s’ils se syndicalisent. À cela s’ajoute la peur de la stigmatisation comme étant des agents portant préjudice à l’entreprise qui risque de leur faire perdre leur emploi.
La plupart d’entre eux ont des enfants. Une fois connus en tant que syndicalistes, ils ont du mal à retrouver un emploi dans le secteur, les autres entreprises ne les embaucheront pas non plus.
Certes, la syndicalisation dans les centres d’appels marocains avance, mais son état d’avancement demeure tout de même assez lent.
Le travail de la Fédération nationale des centres d’appels et des métiers de l’offshoring (FNCAMO)depuis plus que dix ans, des syndicalistes ont pu s’imposer et créer un bureau.
Avec Majorel, une multinationale germano-marocaine spécialisée dans les centres d’appels, lls ont même pu négocier le premier accord d’entreprise de l’histoire du secteur offshore marocain. Mais souvent, cela ne marche pas du premier coup et plusieurs « générations » d’employés sont licenciés avant que l’entreprise cède enfin.
Les libertés syndicales et le droit de grève sont pourtant garantis par la Constitution marocaine. Une loi réglementant davantage le cadre des conflits du travail a été annoncée à maintes reprises, mais n’a jamais été adoptée.
Le rôle historique des syndicats au Maroc a considérablement changé : d’acteurs politiques d’opposition, ils sont devenus des « partenaires sociaux ». Alors que dans les années 1980 et 1990, la Confédération démocratique du travail (CDT) et l’UMT menaient encore des grèves générales contre la politique d’austérité néolibérale, elles se montrent désormais beaucoup plus modérées. Un nouveau langage a fait son apparition, relayé par des institutions internationales comme l’Organisation internationale du travail (OIT). Les syndicats se basent dans leurs revendications sur la notion de « travail décent » défini par l’OIT.
Malgré ce changement, les syndicalistes de l’UMT critiquent le dialogue social qu’ils jugent insuffisant. Pour eux, il aurait pour fonction d’apaiser les esprits plutôt que d’apporter de réelles améliorations sociales. Quant à l’Inspection du travail, elle ne dispose pas de suffisamment de personnel et de moyens pour faire respecter les droits des travailleurs.
Des multinationales profiteraient alors de ces lacunes. Le secteur des centres d’appels fait partie de la politique économique activement promue par le Maroc et revêt donc une importance stratégique.
Alors que l’entreprise en litige avec Saoud a obtenu le label « Best place to work » au Maroc, Ayoub Saoud a dû prendre les rênes pour bien s’occuper de son avenir personnel. Lui et les autres syndicalistes de l’UMT ont mené un combat ardent pour revendiquer leurs droits qui leur ont été enfin proclamés.
L’UMT et la Fédération nationale des travailleurs des centres d’appel et des métiers de l’offshoring (FNCAMO), après plusieurs rounds sont parvenues à trouver un terrain d’entente, à travers la signature d’une convention sociale régissant la période 2023-2027.
A travers cet accord qui se veut sans doute ambitieux en termes d’innovations sociales, l’objectif est aussi de veiller à préserver la position du Royaume en tant que destination offshore de référence.
L’ascension fulgurante de l’externalisation
Au cœur de l’économie marocaine, le secteur de l’externalisation se révèle être un moteur de croissance incontestable. Avec une demande en constante augmentation pour les services de Business Process Outsourcing (BPO), cette industrie s’affirme comme la plus dynamique du pays, créant chaque année quelque 10 000 emplois.
Les entreprises marocaines, qu’elles opèrent dans le secteur informatique, des ressources humaines, du support client ou de l’externalisation des processus de connaissances, se tournent massivement vers les prestataires de services BPO. Ces derniers, grâce à leur expertise, contribuent significativement à l’efficacité et à la compétitivité des sociétés clientes.
L’écosystème des BPO au Maroc est riche et varié, offrant un éventail de services spécialisés. Les BPO front-office, par exemple, sont dédiés aux services clientèle, incluant l’assistance technique et le marketing. Les BPO back-office, quant à eux, gèrent les opérations internes telles que la comptabilité et les ressources humaines. Par ailleurs, l’externalisation offshore attire de nombreuses entreprises en quête de services à moindre coût, tandis que l’externalisation onshore ou nationale privilégie les partenariats avec des prestataires locaux.
Le secteur de l’externalisation au Maroc est un pilier essentiel pour l’économie nationale, offrant des solutions adaptées aux besoins diversifiés du marché mondial et contribuant ainsi à l’essor économique du pays.