Les grandes réformes royales et leurs impacts dans l’action diplomatique du Royaume
Journée internationale de la diplomatie marocaine
Par Taoufiq Boudchiche, Economiste, Ancien Diplomate
Des réformes structurelles qui alimentent la diplomatie nationale et une diplomatie qui nourrit à son tour les réformes globales engagées par Sa Majesté le Roi. (Extrait de l’allocution du Ministre des Affaires Etrangères, Nasser Bourita)
A la date du 16 avril 1956, il y a 67 ans, fut créé le Ministère des Affaires Etrangères du Maroc post-indépendant parallèlement à la nomination de Monsieur Ahmed Balafrej, Ministre des Affaires Etrangères, qui a marqué de son empreinte la diplomatie nationale.
L’objectif était de se doter dés les premières années de l’indépendance, d’une institution souveraine et régalienne, nécessaire à l’affirmation de la souveraineté nationale et de son rayonnement sur le plan international. Le Maroc a établi dés lors des relations de coopération avec des Etats étrangers et des organisations telles que l’ONU, les Non-alignés, la Ligue des Etats Arabes, l’Organisation Arabe pour l’Education, les Sciences et la Culture (ALESCO), l’Organisation de l’Unité africaine, la Conférence des Etats Islamiques.
Une date de création qui a été célébrée ce mercredi 26 avril 2023 par le Club Diplomatique qui a convié pour l’occasion Ambassadeurs étrangers et nationaux à la salle Tayeb Benhima, du nom d’un autre illustre Ministre des Affaires Etrangères. Plusieurs intervenants se sont succédé à la tribune, dont les Ambassadeurs Taïeb Chaoudri, Président du Club Diplomatique, Driss Dahak, ancien ambassadeur à Damas, ex. Ministre et ex. Secrétaire Général du Gouvernement, Ali Mhamdi, ambassadeur ancien directeur des affaires juridiques et pour un regard académique fut convié le Professeur et juriste des relations internationales Zakaria Abou Dahab.
Ils ont tour à tour mis en lumière selon un regard croisé les principaux repères de l’évolution de la diplomatie marocaine en relation avec le contexte national et international. Il y a eu d’abord l’indispensable rappel historique. Il fut évoqué notamment, les liens intimes entre activités diplomatiques et l’histoire millénaire du Royaume. Une diplomatie qui s’est forgée au cours de l’histoire du Royaume en raison de l’effort inlassable des Sultans de préserver les intérêts nationaux face à la volonté prédatrice des puissances étrangères depuis le Moyen-âge, en passant par l’empire Ottoman suivi des multiples menaces et prétentions territoriales sur le Royaume qui ont fini par avoir raison de son indépendance en 1912, par le biais, d’un jeu d’alliances impériales entre l’Espagne, l’Allemagne et la France, au bénéfice de celle-ci.
Les Affaires étrangères relevaient depuis le départ directement des sultans. Ceux-ci étaient secondés dans ce domaine, à une certaine époque, par un vizirat dit de la Mer, puis par une Délégation établie à Tanger (Dar Niaba). Le « Naïb » (délégué), premier interlocuteur des chefs de légations (à partir du XIXème siècle), avait pratiquement rang de ministre et traitait directement avec le sultan, le grand-vizir (qui faisait également fonction de Ministre de l’Intérieur), le vizir des Réclamations (Chikayat) et, parfois aussi, avec des gouverneurs.
Par exemple, en 1783, le Sultan Mohammed III, dépêcha le Pacha de Tanger, Mohammed Ben Abdelmalik, à la Cour impériale de Vienne pour la conclusion d’un traité d’amitié pour consacrer la liberté réciproque de navigation et de commerce, la libéralisation d’importations et des exportations ainsi que la réduction des droits de douane. C’est aussi, sous le règne du Sultan Mohammed III que le Maroc, fut la première nation dans le monde, à reconnaître les États-Unis d’Amérique, en tant que pays indépendant en 1776, vis-à-vis de l’Empire britannique. Un acte diplomatique fort qui s’est traduit plus tard, en 1787, par un traité d’amitié, toujours en vigueur aujourd’hui. Lors de la guerre de sécession, le Maroc se positionnera en faveur des confédérés du Nord contre ceux du Sud (esclavagistes). Il interdira à ces derniers d’amarrer leurs bateaux dans les ports marocains en solidarité avec ceux du Nord.
Les traités historiques d’amitié, de commerce et de navigations conclus à travers les siècles avec de nombreux pays, incluaient, en sus de pays musulmans, les Etats scandinaves et la Russie « Moscovie » dans la terminologie Makhzen de l’époque. L’histoire retiendra également la réception par Louis XIV des représentants diplomatiques du Sultan Moulay Ismaël, dont respectivement le gouverneur de l’époque de Tétouan, Mohammad Temim, en 1681 et, ensuite en 1699, l’émissaire Abdellah Benaïcha. Celui-ci viendra présenter au « Roi Soleil », un projet de traité ainsi qu’une alliance avec l’une des filles légitimes de Louis XIV, Mademoiselle de Blois. Ce dernier reçu à Saint-Germain-en-Laye en janvier 1682, aurait laissé selon certains historiens, l’image d’un homme raffiné, amateur d’arts et de science, qui avait assisté à une représentation de l’opéra Atys de Lully.
Concernant l’époque contemporaine, l’accent a été mis sur l’impact des grandes réformes royales sur la diplomatie marocaine. A ce sujet, une excellente synthèse a été énoncée en quelques points par le Ministre des affaires étrangères, Nasser Bourita. Parmi ceux-ci, fut évoquée par exemple, l’option royale de faire des valeurs de paix, de stabilité et de bon voisinage, la colonne vertébrale de l’action diplomatique. A cette fin, la voie privilégiée fut celle d’engager au plan interne, des réformes à la fois globales et structurelles (stratégies sectorielles, INDH, nouveau code de la famille, instance équité et réconciliation…). Des réformes qui dynamisent la diplomatie, laquelle s’en nourrit pour promouvoir, le positionnement du Royaume au plan international.
Il a été mentionné en outre, l’importance accordée dans la vision royale de développer une approche « marocco-marocaine » aux solutions apportées aux défis du développement et enjeux nationaux et internationaux tout en s’inspirant des bonnes pratiques internationales. Ce fut le cas dans la lutte contre l’épidémie de la COVID-19 pour laquelle le Maroc s’est distingué, grâce au leadership royal, par une gestion exemplaire au plan mondial de protection de la population (vaccination gratuite, anticipation pour la mise à disposition d’équipements médicaux et paramédicaux, parfaite couverture sociale et territoriale…). Une gestion à la fois indépendante, (sans sollicitation d’une aide étrangère) et solidaire de partage avec le voisinage africain en cas de besoin. D’autres exemples ont été cités à l’instar de la lutte contre l’extrémisme et le terrorisme. La vision royale a également mis en valeur l’importance à accorder à la coopération Sud-Sud dans chacune des composantes des politiques publiques. Une coopération Sud-Sud fondée sur une approche de proximité culturelle solidaire et un partenariat gagnant-gagnant qui constitue progressivement l’ossature centrale de la diplomatie marocaine.
La question nationale fut également au menu des interventions. Celles-ci ont mis en lumière les avancées décisives du dossier au plan international. Les prochains articles à venir en détailleront les points essentiels.