Les jeunes et le devoir de la politique
Depuis que le PJD est aux commandes, on peut dire que son style populiste de gouvernance a forcé les diverses et multiples réactions antagonistes des jeunes. Chose à considérer puisqu’il les a ramenés et drainés, d’une certaine façon, vers la politique. C’est apparemment l’un des faits nouveaux dont on mesurera peut-être les effets.
Inutile de rappeler qu’après les années 70, alors que la vie estudiantine rimait systématiquement avec engagement politique, notamment au sein des universités où régnait une réelle effervescence politique marquée par les idéologies socialistes et progressistes, les jeunes marocains ont délaissé l’engagement politique et social. Tout ce qui touche de près ou de loin à ce monde les révulsait, autant par sa complexité que par les oppressions et le désenchantement qu’il suscitait. Depuis lors, cela s’est traduit tout simplement par un désintérêt quasi absolu pour la vie politique et civile.
En 2012, le Haut-Commissariat au Plan a réalisé une enquête sur la jeunesse, où il ressort que seulement 6% des jeunes sont membres d’une association de la société civile et 1,3% affiliés à un parti politique ou à une organisation syndicale. Et pour cause, le projet de société ne semble plus emporter l’adhésion des jeunes, à cause des innombrables déceptions répétitives et d’une certaine désaffection qui ont généré une dépolitisation effarante, traduite par le recul de représentativité et une perte de crédibilité des gouvernements qui se sont succédé.
Il reste que cette passivité et cette exclusion n’ont pas tardé à se dissiper, paradoxalement, sous le gouvernement de Abdelilah Benkirane, dont la stratégie et les décisions ont cette particularité de susciter polémiques et controverses. Les jeunes, se sentant de plus en plus concernés par ce qui se passe dans leur Maroc, et les réseaux sociaux aidant, les sites électroniques lancés à tour de bras, les émissions télévisées ou online, les manifestations de rue, la formation de groupes sur ces réseaux constituent autant de signes protestataires qui ressurgissent dans notre quotidien. L’observation du paysage politique qui tendait vers le voyeurisme laisse insensiblement la place au débat et aux échanges à travers lesquels les jeunes extériorisent leur énergie.
Et c’est tant mieux…
Cette conscience et cet attachement à l’appréciation voire au jugement de la chose politique est, à coup sûr, ce qui garantit au mieux l’existence politique des jeunes, quelles qu’en soient la forme et les finalités. D’ailleurs, leur participation ne dépend-elle pas de la conscience qu’ils ont et nourrissent de la chose publique ? La volonté de changer les choses se réinstalle lentement mais sûrement, sachant que le Maroc n’évoluera pas sans sa jeunesse. Il est vrai que les partis politiques traditionnels ont perdu la confiance des masses et plus particulièrement des jeunes, mais il ne faut pas se cantonner dans cette position.
Certes, nos jeunes ne disposent pas d’une culture politique qui leur permet de participer aux décisions concernant le pays. Mais l’héritage familial étriqué, les mass médias et le manque ou l’absence d’expérience personnelle façonnent les préjugés et les apriori défavorables au point que la prise de position se fait instinctivement, au gré du hasard.
Mais ces dernières années, une brise éclairante a soufflé, semble-t-il, sur les jeunes marocains qui se sont découvert des citoyens désireux d’exprimer et de transmettre leurs opinions, leurs préoccupations et leurs espoirs. Sauf qu’en cela, leurs interventions et leurs revendications ne dépassent pas le cadre de réflexions personnelles. Et pour ainsi dire, ces jeunes doivent se politiser afin d’essayer de changer les choses de l’intérieur et participer à la prise de décisions. Toujours est-il qu’il faut éclaircir le jeu politique afin de leur permettre de s’engager, avec des convictions précises, claires et partisanes pour pouvoir défendre haut et fort leurs droits et leurs revendications, non sans s’être acquittés, cependant, de leurs devoirs dont le principal est le vote et la participation à la politique. Force est de rappeler que, même en votant blanc, chacun exprime un droit et un devoir à la fois, celui de ne laisser personne d’autre décider à sa place et, bien sûr, être en mesure de demander des comptes. Cette constatation prend toute sa dimension à l’approche des prochaines échéances électorales.
En somme, il faut les encourager à s’investir dans le champ politique et lutter contre l’exclusion sociale et professionnelle en vue de leur redonner confiance en les institutions. N’oublions pas que le nouveau texte constitutionnel marocain, promulgué le 29 juillet 2011, dans son article 33 stipule que les pouvoirs publics sont invités à prendre toutes les mesures appropriées afin d’ « étendre et généraliser la participation de la jeunesse au développement social, économique, culturel et politique du pays » en plus d’ « aider les jeunes à s’insérer dans la vie active et associative et prêter assistance à ceux en difficulté d’adaptation scolaire, sociale ou professionnelle » et « faciliter l’accès des jeunes à la culture, à la science, à la technologie, à l’art, au sport et aux loisirs… »
Pour cela, il faut doter notre jeunesse de formation et lui fournir les outils qui facilitent son intégration et sa participation attendu qu’elle représente, sans conteste, un acteur majeur de développement.