Les ménages et les entreprises face au dilemme de l’endettement

Face à un dilemme économique majeur : l’ambition de prospérité des ménages et des entreprises marocains se heurte à la réalité de l’endettement et de l’inflation. Alors que l’accès au crédit se généralise, les familles et les petites entreprises se retrouvent piégées entre la quête de mieux-être et les contraintes financières.

Le Maroc se distingue par l’un des niveaux d’endettement des ménages et des entreprises les plus élevés en Afrique, selon un rapport de la Banque européenne d’investissement (BEI). Avec un taux d’endettement des ménages avoisinant 30 % du produit intérieur brut (PIB), le royaume occupe la deuxième place sur le continent, derrière l’Afrique du Sud. Si cette situation reflète une certaine maturité du marché du crédit, elle soulève également des préoccupations majeures, tant pour le secteur privé que pour les banques, exacerbant une réalité économique complexe pour les ménages marocains.

Les ménages marocains se trouvent aujourd’hui coincés entre leur aspiration légitime à une prospérité économique et la dure réalité d’une lutte incessante contre l’endettement et l’inflation. L’accès accru au crédit, bien qu’il permette de soutenir la consommation et certains investissements individuels, les expose à un risque accru de surendettement. Ce dernier limite leur capacité d’épargne et renforce leur vulnérabilité face à une conjoncture économique marquée par une inflation persistante et des hausses de prix affectant les biens de première nécessité.

Ainsi, le crédit, qui devrait en théorie représenter un levier d’émancipation économique, devient souvent un piège financier pour de nombreuses familles. Ces dernières peinent à concilier la gestion de leurs emprunts avec leurs dépenses courantes, accentuant un sentiment d’instabilité économique. Cette situation entrave également leur accès à une meilleure qualité de vie, notamment en matière de logement, d’éducation ou encore de santé.

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La situation des entreprises marocaines n’est guère plus enviable. Deuxième derrière la Tunisie en termes d’endettement, le monde des affaires au Maroc subit une pression financière considérable. Bien que le niveau d’endettement reste inférieur à celui des marchés émergents, l’intensification de l’activité de crédit, couplée à un écosystème économique peu diversifié, limite la capacité des entreprises à innover et à s’étendre.

Les petites et moyennes entreprises (PME), qui représentent pourtant le moteur de l’économie nationale, sont particulièrement affectées. Les banques marocaines, tout comme leurs homologues africaines, tendent à privilégier le financement des grandes entreprises, laissant les PME face à des obstacles quasi insurmontables pour accéder au crédit. Cette inégalité d’accès freine leur croissance et réduit leur contribution à la création d’emplois et à l’industrialisation.

Une dépendance aux financements extérieurs

Dans un contexte où les prêts au secteur privé à l’échelle continentale ont chuté de 56 % du PIB en 2007 à seulement 36 % en 2022, la baisse des investissements productifs constitue une menace supplémentaire pour le développement économique du Maroc. Ce recul, couplé à une inflation galopante et à des taux d’intérêt élevés, limite les capacités d’expansion des entreprises et réduit la marge de manœuvre des banques pour diversifier leurs portefeuilles.

Face à ce problématiques, le rapport de la BEI insiste sur l’importance de diversifier les sources de financement. Cela inclut une meilleure mobilisation des ressources nationales, mais aussi un recours stratégique aux financements internationaux, notamment ceux des banques de développement. Ces dernières, telles que la BEI, sont appelées à jouer un rôle crucial en soutenant des projets durables, inclusifs et alignés sur les objectifs de transition climatique et numérique.

L’impact de ce fléau est particulièrement ressenti par les ménages marocains, qui oscillent entre l’ambition de s’inscrire dans une dynamique de prospérité et les réalités d’un endettement grandissant. En multipliant les recours au crédit, ils s’exposent à des cycles d’endettement chroniques, souvent amplifiés par des frais financiers élevés et des conditions de remboursement rigides. Cette spirale de dépendance au crédit ne fait qu’aggraver les inégalités sociales et creuser davantage le fossé entre les différentes classes économiques du pays.

Pour alléger le fardeau des ménages et améliorer l’accès des PME au financement, une réforme en profondeur du système bancaire s’impose. Cette réforme devrait viser à renforcer l’inclusion financière, à encourager des conditions de crédit plus équitables et à stimuler des initiatives favorisant l’épargne et l’investissement productif.

L’endettement, bien qu’il puisse être un levier de croissance économique lorsqu’il est maîtrisé, devient un facteur de vulnérabilité dès lors qu’il est mal encadré.

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