Les parents d’autistes à l’épreuve du confinement, une situation difficile à gérer 

Le quotidien des parents d’enfants ou adultes atteints d’autisme est souvent difficile en temps normal et une période de confinement de deux mois les met encore plus dans une situation très délicate. Les éducateurs spécialisés ne peuvent pas forcément se déplacer pour les aider et le changement des habitudes de ces enfants peut, des fois, devenir source de stress.

Le prolongement de la période du confinement est un nouveau défi qui s’annonce pour les parents et les proches des personnes atteintes d’autisme, accentuant les difficultés rencontrées par ces derniers. Au cours de cette période, les parents pourraient observer de nombreux changements de comportement chez les enfants autistes, qui s’expliquent par plusieurs facteurs, selon la pédopsychiatre Imane Oukhir, « l’atmosphère d’incertitude et d’inquiétude dans les foyers marocains pourrait augmenter le stress de ces enfants », en plus du « changement de rituel de vie à la maison », ainsi que « la promiscuité familiale ».

« Ces facteurs peuvent être le moteur de changement et d’installation de certains troubles chez l’enfant, qui pourraient se manifester principalement par des troubles de comportement », explique cette spécialiste.

Parmi les troubles de comportement que peut connaître l’enfant, docteur Oukhir évoque des « crises d’agitation, auto-agressivité, aggravation de stéréotypies motrices et apparition de troubles anxieux et de dépression », ce qui engendre, par conséquent, « une régression de certaines acquisitions, ainsi que des troubles de sommeil, de conduite alimentaire, ou bien  une hyperactivité motrice, en plus de l’accentuation de l’isolement social ».

De son côté, le Collectif Autisme Maroc (CAM) a préparé une série de capsules retraçant le quotidien des enfants et jeunes autistes, dans les différentes régions du Maroc. Parmi les témoignages recueillis, La maman d’Abdessamad raconte les difficultés qu’elle rencontre avec son enfant autiste. « Les personnes atteintes d’autisme n’étaient pas préparées à ce changement. Elles avaient besoin de temps pour accepter cette situation, selon les capacités cognitives de chacun. Les enfants autistes ne comprennent pas  pourquoi  ils ne peuvent plus sortir de chez eux et c’est difficile de leur expliquer les choses »,  souligne-t-elle.

Elle poursuit : « J’ai remarqué que les troubles de comportement qu’on avait traités auparavant auprès des spécialistes, resurgissent en cette période de confinement ».

Par ailleurs, ce collectif avait exhorté les pouvoirs publics, dans un communiqué publié le 2 avril, à « accélérer la mise en place du registre social, tout en veillant à ce que les personnes handicapées en général et celles atteintes d’autisme en particulier, soient incluses dans les catégories ciblées par le système d’appui social quel que soit le revenu de leurs familles ».

Une situation inédite pour les parents des personnes atteintes des troubles du spectre de l’autisme (TSA), qui n’ont d’autre choix que de s’adapter en devenant à la fois professeur, éducateur et père ou mère d’un enfant autiste confiné.

Soumia Amrani est la présidente du Collectif Autisme Maroc et maman de Aya, une fille atteinte des TSA, qui a vu son monde chambouler complètement du jour au lendemain. «elle passe la nuit en faisant des allers-retour d’une pièce à une autre, pour s’assurer que ses parents sont toujours auprès d’elle et émet beaucoup plus de cris qu’auparavant ». Aya ne comprend pas ce qui se passe autour, son seul et unique moyen d’expression est son cri, c’est le cas de nombreux enfants autistes, dont le quotidien a été bousculé depuis le début du confinement.

Pour surmonter cette période, voici quelques conseils qui peuvent être utiles aux parents, « il faudrait expliquer les circonstances par lesquelles on passe à l’aide d’outils, qui respectent le niveau d’intelligence de l’enfant, sous forme d’image, de vidéo ou bien en utilisant la parole », explique docteur Oukhir, qui préconise ainsi d’instaurer des rituels quotidiens pour l’enfant autiste, ce qui lui permettrait d’avoir « des repères » au cours de la journée, notamment, à travers « l’organisation des heures de sommeil, de réveil, ainsi que les heures de repas et d’apprentissage ».

Sur ce point, la pédopsychiatre appelle à « protéger l’enfant de la surconsommation d’informations sur le covid-19 » et à « rester souple par rapport aux apprentissages, sans pour autant  forcer l’enfant, tout en continuant à entretenir les choses déjà acquises ».

Pour docteur Oukheir, « Il est essentiel de rester en contact avec l’équipe soignante et l’éducateur de l’enfant pour être mieux orienté et plus efficace dans son comportement avec l’enfant ».

Après le prolongement du confinement, plusieurs enfants autistes se sont déjà adaptés à la situation et à la modification de leur environnement, tandis que d’autres connaissent une aggravation des troubles de comportement. Comment gérer alors cette situation ?

« On n’a pas besoin de se fixer sur ces troubles de comportement s’ils ne sont pas dangereux ou gênants pour la famille. C’est en quelque sorte la manière de l’enfant de faire le vide des émotions négatives », rétorque la pédopsychiatre, qui recommande de se référer à l’équipe soignante, au cas où les troubles de comportement persisteraient ou s’aggraveraient avec le temps, sans pour autant les alimenter par des attitudes erronées de la part des parents.

En outre, l’autisme est un handicap qui touche 1 personne sur 150 dans le monde. Le Maroc compte environ 340.000 personnes atteintes d’autisme à des degrés divers.

Rappelons qu’à  l’occasion de la Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme, célébrée le 2 avril de chaque année, le Chef de l’ONU a rappelé qu’en ce moment, ces personnes doivent disposer des systèmes de soutien nécessaires pour rester dans leurs foyers et leurs communautés en temps de crise, “plutôt que de faire face à la possibilité d’une institutionnalisation forcée”.