Les truffes au Maroc : une richesse encore sous exploitée
Les truffes, ces champignons souterrains mystérieux et prisés, représentent un trésor caché dans les zones rurales du Maroc. Malgré leur discrétion, elles offrent des opportunités économiques importantes, notamment pour les régions vulnérables. Trois chercheurs marocains, Soukaina Hakkou, Mohamed Sabir et Nadia Machouri, ont mené une étude approfondie sur cette filière en cartographiant les espèces de truffes présentes dans le pays. Leur travail met en lumière la richesse de cette ressource et propose des pistes pour sa valorisation durable.
Les truffes marocaines prospèrent principalement dans les régions arides et semi-arides. Ces champignons souterrains forment une relation symbiotique avec les racines des plantes hôtes, permettant à la fois la croissance des truffes et celle des végétaux. Au Maroc, il existe principalement deux types de truffes : les truffes du désert, comprenant les genres Terfezia et Tirmania, adaptées aux sols sablonneux et aux climats rigoureux, et les « vraies truffes » du genre Tuber, préférant les forêts tempérées. Ces ressources constituent des éléments fondamentaux pour l’augmentation des revenus des paysans et pour la création de l’emploi dans les zones rurales.
Dans le cadre de l’étude, les chercheurs de l’Université Mohammed V de Rabat et de l’Ecole Nationale d’Ingénierie Forestière de Salé ont dressé une carte des espèces de truffes marocaines. Les chercheurs ont également documenté leur répartition géographique et leur productivité et ont ainsi suggéré des moyens d’ajouter de la valeur de manière durable.
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Les régions de la Maâmora, de Doukkala-Abda, du Nord-Est et du Sahara sont particulièrement propices à la culture des truffes. Notamment, la Maâmora, avec ses sols sablonneux et ses plantations de chênes et de pins, favorise l’émergence de truffes comme Terfezia arenaria et Tuber oligospermum. Le Sahara, bien que marqué par des précipitations rares, reste le domaine de prédilection pour des espèces comme Tirmania nivea, capables de résister à des conditions extrêmes. Cette diversité reflète la variété des écosystèmes marocains, chaque région ayant ses propres spécificités écologiques.
Par exemple, les truffes du désert ont un fort potentiel sur le marché international. Ces truffes blanches, très prisées au Moyen-Orient, peuvent atteindre des prix allant jusqu’à 1.500 dirhams le kilo dans des pays comme l’Arabie Saoudite, le Koweït ou le Qatar.
Malgré la richesse naturelle et l’attrait économique que représente la trufficulture, la filière reste encore mal structurée et manque de réglementation. L’absence de cadres législatifs clairs freine le développement de la filière et limite sa rentabilité à long terme. Pourtant, plusieurs projets innovants ont émergé, démontrant le potentiel économique et écologique des truffes au Maroc.
Une analyse SWOT de la filière met en évidence plusieurs atouts : la diversité des espèces de truffes (près de 12 types de truffes du désert et 5 vraies truffes), la faible intervention humaine nécessaire à leur production et l’adaptation des truffes aux conditions climatiques difficiles. Ces facteurs permettent aux truffes marocaines de jouer un rôle clé dans la prévention de la désertification et la lutte contre les changements climatiques. De plus, la reconnaissance des truffes comme produit du terroir pourrait renforcer l’identité et la compétitivité des régions productrices.
En revanche, plusieurs défis subsistent. L’absence d’organisation formelle, le manque de recherche en matière de culture et de gestion durable, et la pression sur les truffes sauvages due aux changements climatiques compliquent le développement de cette filière.
De nombreux projets novateurs ont été lancés dans le secteur de la trufficulture, en particulier dans les régions de Debdou et Imouzzer. Ces deux régions se sont distinguées par leurs initiatives pionnières en matière de culture de truffes noires, adaptée aux conditions locales grâce à des recherches approfondies et des investissements stratégiques.
À Debdou, le Dr. Abdelaziz Laqbaqbi a introduit, en 2000, les premiers plants de chêne vert inoculés de spores de truffes. Située dans la vallée semi-aride de Tifezouine, cette ferme pilote de 4,2 hectares a vu ses premières récoltes de truffes noires dès 2006. Ce succès a conduit à l’expansion du projet à Imouzzer Kandar, où deux fermes truffières ont été créées, à Ain Jarrah (12 hectares) et à Ain Chifa (1.000 hectares). Ces fermes bénéficient de conditions climatiques favorables et utilisent des techniques innovantes, telles que l’irrigation ciblée et l’utilisation de « pièges à truffes » pour garantir des rendements optimaux.