Libre-échange avec l’Égypte : Un accord d’Agadir en sursis face aux manœuvres du Caire

Alors que les tensions commerciales s’intensifient entre Rabat et Le Caire, une délégation égyptienne s’apprête à se rendre au Maroc pour tenter de sauver ce qui reste de l’accord de libre-échange d’Agadir, un pacte censé stimuler les échanges entre les deux pays mais qui, dans les faits, s’avère largement favorable à l’Égypte.

Depuis plusieurs années, l’Égypte, en proie à une grave crise des devises, a multiplié les entraves aux importations marocaines, détournant ainsi l’esprit même de l’accord. Les blocages douaniers imposés unilatéralement par Le Caire sont venus compliquer l’accès des produits marocains au marché égyptien, et ce, en dépit des engagements pris lors des nombreuses réunions bilatérales. En 2021 déjà, l’ancien ministre marocain de l’Industrie, Moulay Hafid Elalamy, dénonçait ouvertement les pratiques égyptiennes visant à entraver les exportations automobiles marocaines, un secteur stratégique pour Rabat.

Signé en 2004, l’accord d’Agadir devait initialement favoriser l’intégration économique entre le Maroc, l’Égypte, la Tunisie et la Jordanie, en facilitant la circulation des marchandises et en éliminant les droits de douane. Pourtant, dans les faits, l’Égypte a largement détourné le mécanisme à son avantage.

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Outre ses blocages sur les exportations marocaines, le Caire s’est également servi de cet accord comme d’un tremplin pour acheminer des produits chinois bon marché vers le Maroc. En usant du principe de la règle d’origine, certains industriels égyptiens ont transbordé des marchandises manufacturées en Chine avant de les réexporter vers le Royaume, bénéficiant ainsi des exonérations douanières prévues par l’accord. Cette manœuvre a créé une distorsion de concurrence flagrante, mettant sous pression l’industrie marocaine, notamment dans les secteurs textiles et manufacturiers.

Face à ces pratiques déloyales, des voix se sont élevées au Maroc pour réclamer une sortie pure et simple de l’accord d’Agadir. Pour nombre d’observateurs, ce partenariat ne remplit plus son objectif initial et contribue, au contraire, à creuser le déficit commercial du Maroc, qui s’élevait à 872 millions de dollars en 2023 en faveur de l’Égypte.

Un secteur automobile dans la tourmente

L’un des points les plus sensibles de cette tension commerciale reste l’industrie automobile. Avec l’essor des usines de Renault et Stellantis au Maroc, le Royaume s’est imposé comme une plateforme incontournable pour la production et l’exportation de véhicules vers l’Afrique et l’Europe. Une montée en puissance qui a attisé l’intérêt de l’Égypte, au point d’inciter le Caire à développer précipitamment sa propre industrie automobile.

Dans ce contexte, l’Égypte a progressivement mis en place des barrières non tarifaires pour freiner l’entrée des voitures marocaines sur son territoire, une situation similaire à celle observée en Algérie et dans d’autres pays de la région, qui rechignent à voir le Maroc s’imposer comme hub industriel régional.

Selon des industriels, cette politique restrictive découle d’une volonté tacite d’empêcher le Maroc de servir de plateforme d’exportation vers leurs marchés. L’idée sous-jacente étant que les usines de montage et d’assemblage automobile devraient être implantées localement et non au Maroc, une vision protectionniste qui va à l’encontre des principes des accords commerciaux signés.

Confronté à ces pratiques, le Maroc a réagi en durcissant ses contrôles sur les importations en provenance d’Égypte. L’objectif affiché est d’endiguer les réexportations illégales de produits chinois transitant par l’Égypte pour contourner les règles douanières. Rabat entend ainsi rétablir un équilibre commercial plus juste et protéger son industrie nationale d’une concurrence jugée déloyale.

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