L’industrie pharmaceutique : Un impératif pour la souveraineté sanitaire
Par Fatine El Fatini
Assurer la souveraineté sanitaire du Maroc reste un objectif majeur placé au centre des priorités du Royaume. Il s’agit désormais d’un impératif qui s’impose dans un contexte marqué par des pénuries de médicaments importés de plus en plus récurrentes. D’où l’importance de consolider l’offre de soins nationale en investissant davantage dans les infrastructures sanitaires. Mais pas que, la promotion de la fabrication nationale des produits pharmaceutiques est également cruciale. Elle représente désormais le garant de l’autonomie pharmaceutique du Royaume et de son indépendance vis-à-vis des marchés étrangers, lui permettant ainsi de s’ériger en hub africain dans le secteur de l’industrie médicale et pharmaceutique.
La santé est un secteur vital qui revêt une importance stratégique. Au fil des ans, le Royaume s’est engagé en faveur du développement du secteur. L’objectif étant de garantir aux citoyens un accès équitable aux soins de santé de qualité. Mais aussi et surtout de garantir la souveraineté sanitaire du pays.
Dans ce sens, le Maroc ambitionne de mettre en place un système de santé solide conformément aux Hautes instructions Royales.
En effet, S.M. le Roi Mohammed VI a toujours fait de la promotion du secteur son cheval de bataille, l’inscrivant ainsi parmi les grands chantiers essentiels du pays et l’érigeant en l’un des piliers majeurs du développement durable, comme en témoigne clairement le discours Royal adressé au Parlement, le 8 octobre 2021.
«(…) La crise pandémique a révélé le retour en force du thème de la souveraineté. Qu’elle soit sanitaire, énergétique, industrielle, alimentaire ou autre, sa préservation est devenue l’enjeu d’une véritable compétition qui suscite des réactions fébriles chez certains», a-t-il soutenu.
Toutefois, la promotion du secteur ne peut se concrétiser qu’en investissant massivement dans les infrastructures sanitaires de base. Mais aussi en développant davantage la fabrication nationale des produits pharmaceutiques, d’autant plus que le Royaume regorge de ressources humaines compétentes et qualifiées et dispose des technologies nécessaires. Autant d›atouts susceptibles de lui permettre d’alimenter son marché intérieur en médicaments et produits de santé et partant de se positionner en tant que hub africain dans le secteur de l’industrie pharmaceutique.
Une volonté Royale
Le Royaume s’inscrit, depuis quelques années, dans une trajectoire qui prône la conclusion des partenariats public-privé. Une stratégie à même d’apporter une véritable valeur ajoutée au secteur pharmaceutique dans la mesure où elle permet une collaboration efficace entre le gouvernement et le secteur privé et génère des ressources supplémentaires.
En effet, lesdits partenariats contribuent fortement à mobiliser des fonds privés pour financer des projets de santé, tels que la construction et la gestion d’infrastructures de santé modernes, l’achat de technologies médicales avancées et la formation du personnel de santé. Chose qui contribue fortement à l’augmentation de la capacité des établissements de santé et promeut la recherche médicale au Maroc, permettant ainsi d’améliorer l’efficacité et la qualité des soins dispensés aux citoyens marocains.
Sans oublier les partenariats établis entre la Fondation Mohammed V pour la Solidarité, le ministère de la Santé et les Conseils régionaux et provinciaux qui, de leurs côtés, jouent un rôle crucial dans le renforcement de l’offre médicale existante.
En effet, ces derniers ont abouti à la mise en place d’une filière de soins de proximité accessibles aux populations, notamment les plus vulnérables. Signalons, à cet égard, que ladite filière devrait compter douze Centres médicaux de proximité (CMP) inaugurés dans différentes villes du Royaume et répartis comme suit : Trois à Casablanca, deux à Fès et à Tanger, et un centre pour chacune des villes d’Agadir, Marrakech, Rabat, Salé et Témara.
Le plus récent est le Centre médical de proximité inauguré, le 10 avril, par le souverain à la ville nouvelle d’Errahma dans la Commune de Dar Bouaaza (Casablanca).
Réalisé pour un investissement global de 73 millions de dirhams, le projet bénéficiera à près de 60.000 personnes par an et permettra d’atténuer la pression exercée sur les établissements hospitaliers existants dans la région. En outre, il évitera à certains patients démunis de longs déplacements qui pèsent lourdement sur leur budget.
Il convient de préciser, à cet égard, que ce projet, vient s’ajouter aux multiples initiatives médico-sociales, menées par la Fondation, qui dénotent l’engagement indéfectible de S.M. le Roi Mohammed VI à améliorer les prestations médicales au profit des citoyens, à consolider l’offre de soins en faveur des populations vulnérables ainsi qu’à assurer un développement humain global, durable et intégré.
1 Milliard DH par an pour la réhabilitation des hôpitaux
La mobilisation des secteurs privés et publics commence déjà à donner ses fruits. Les chiffres avancés par le ministère de la Santé en attestent clairement.
En effet, le taux d’investissement dans le secteur de la santé a enregistré, depuis 2022, une nette augmentation d’environ 64%. Un taux important qui devrait encore s’améliorer à l’avenir, selon le ministre de la Santé et de la Protection sociale, Khalid Ait Taleb.
Ce dernier a, d’ailleurs, annoncé lors d’une séance plénière consacrée aux questions orales, tenue le 9 janvier 2023, qu’un montant de près d’un milliard de dirhams sera investi annuellement dans les volets de la réhabilitation et de la rénovation des hôpitaux. Et ce, dans le cadre de la réforme du secteur. Signalons que les investissements seront menés de manière rationnelle.
Son département a, par ailleurs, alloué un budget annuel de 800 millions de dirhams en vue de rénover les centres de soins de santé primaires et 500 millions de dirhams par an pour la réhabilitation du système d’information. Ces actions et mesures entreprises devront, selon le ministre, révolutionner le secteur de la santé.
Industrie pharmaceutique : Un secteur générateur de 16 milliards DH par an
L’industrie pharmaceutique et médicale constitue une filière stratégique à laquelle S.M. le Roi Mohammed VI porte une attention particulière en raison de son fort potentiel aussi bien sur le marché national qu’international.
En effet, la filière emploie près de 55.000 personnes et génère un chiffre d’affaires annuel d’environ 16 milliards de dirhams. Chose qui fait d’elle l’une des filières les plus dynamiques de l’économie marocaine. C’est d’ailleurs ce qu’a indiqué Mohamed El Bouhmadi, président de la Fédération marocaine de l’industrie et de l’innovation pharmaceutiques (FMIIP).
« Il s’agit d’un secteur clé qui représente plus de 5,2% du PIB industriel, mais pas seulement: c’est aussi la deuxième activité chimique après les phosphates». Soulignons que le secteur s’apprête désormais à jouer un rôle majeur dans les chantiers lancés récemment par le Souverain.
Ainsi, l’industrie pharmaceutique et médicale se révèle être une forte locomotive de la croissance économique du Maroc. Mais pas que, elle constitue également un levier incontournable à même de faire du Royaume un hub africain en matière de fabrication des produits pharmaceutiques.
Signalons, à cet égard, que la filière occupe effectivement le deuxième rang en Afrique. Et ce, en raison de sa qualité qui se hisse aux normes internationales, comme l’a souligné Najim Ba Smail, chef de division de la pharmacie au sein de la Direction du médicament et de la pharmacie au ministère de la Santé.
«Les produits pharmaceutiques nationaux s’exportent vers un grand nombre de pays. Ce positionnement à l’international fait que le secteur pharmaceutique national occupe aujourd’hui la seconde place en Afrique».
Le potentiel de l’industrie pharmaceutique et médicale du Maroc n’est donc plus à démontrer. Toutefois, ce dernier reste mal exploité. Preuve à l’appui. Le Maroc, en dépit de son industrie performante, demeure toujours dépendant des autres pays afin de s’approvisionner en médicaments et produits pharmaceutiques.
Une question qui a été d’ailleurs soulevée par Hakima Himmich, membre de la Commission spéciale sur le modèle de développement (CSMD), lors de la première conférence des «Rencontres du Livre blanc», organisées, le 26 janvier 2022, à Casablanca, par la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM).
«Nous disposons d’une industrie pharmaceutique des plus performantes en Afrique. Cependant, la fabrication locale a baissé ces dernières années. Elle est passée de 80 à 50%. Il faut être capable de produire localement des médicaments, des tests, des équipements et d›autres dispositifs et consommables médicaux critiques, y compris des vaccins à court terme ».
La promotion de la production nationale des produits pharmaceutiques s’avère donc primordiale, d’autant plus qu’elle permettra au Maroc d’assurer un approvisionnement continu en produits médicaux essentiels. Et partant de garantir sa souveraineté sanitaire.
Une révision du cadre juridique s’impose
Certes, la volonté de promouvoir la fabrication nationale des produits pharmaceutiques est bel et bien manifeste. Toutefois, la concrétisation de cette ambition nécessite absolument un passage effectif à l’action.
La fabrication nationale des médicaments ne pourra se renforcer tant que le cadre juridique actuel du système pharmaceutique est peu incitatif à la production nationale.
Le rapport de la Cour des comptes a souligné, dans ce sens, que le cadre juridique encourage davantage les importations au détriment de la production locale. Et ce, en accordant une marge bénéficiaire supplémentaire de 10% du prix fabricant hors taxe (PFHT) sur chaque médicament importé. Voici donc ce qui entrave considérablement le développement du marché national des médicaments génériques.
Il est temps donc de changer de paradigme. Ainsi, la révision du cadre juridique s’avère nécessaire, voire urgente.
La sécurisation du stock stratégique national de médicaments et produits de santé n’est plus un choix mais un impératif qui s’impose dans un contexte marqué par des pénuries de médicaments, de plus en plus récurrentes, qui touchent principalement les produits importés.
Dans ce sens, les acteurs du secteur de la santé sont tous appelés à redoubler d’efforts. Mais aussi à unir leurs forces afin de mettre en place une politique pharmaceutique nationale axée sur le développement de la production nationale. Seul moyen à même de limiter notre dépendance vis-à-vis des marchés étrangers et partant d’assurer l’autonomie pharmaceutique du Maroc tout en faisant du «Made in Morocco» un marqueur de qualité, de compétitivité et de durabilité.