Par Hassan Alaoui
« La guerre est la continuité de la politique par d’autres moyens » ! Ce propos dont la paternité revient à Carl von Clausewitz, théoricien prussien de la guerre, auteur notamment du livre de référence « De la Guerre » ( Vom Kriege) , n’a jamais été aussi vrai et pertinent que de nos jours, jusqu’à ce que la tension qui sévit au Moyen Orient vienne nous jeter sur la figure sa menace directe. On vivait en effet, non sans inquiétude aggravée de jour en jour, le martyre de la Palestine.
On scrutait malaisément les bombardements intensifs de Tsahal contre Gaza et la Cisjordanie, on cédait comme par habitude et lassitude même à cette absence ahurissante de réaction, cautionnant par notre silence un désastre et une politique du pire mise en œuvre par un Netanyahu chaque jour plus intransigeant , on exprimait en parallèle – le doigt sur la bouche – nos vives craintes que le conflit opposant Israël au Hamas depuis six mois, ne déborde ses premiers contours et s’élargisse à d’autres horizons, à travers notamment le Hezbollah libanais et, bien sûr, au-delà vers l’Iran, son commanditaire habituel…
Nous y voilà donc ! Une épreuve de force est officiellement engagée entre Israël et la République islamique de l’Iran. Dire qu’elle était prévisible, relève à coup sûr d’un truisme, et la destruction par Tsahal du consulat iranien au cœur de Damas – tuant seize personnes, dont 7 membres du groupe Gardiens de la Révolution islamique, appelés Pasdarans , dont deux grands généraux – a suscité l’ire du pouvoir des Ayatollahs. Dans ce contexte, quand bien même l’armée israélienne était habituée à frapper impunément et à tout bout de champ un peu partout, au Liban et en Syrie, L’Iran ne semble guère rester les bras croisés, ni passif face à ce forfait, à cette provocation, et son indignation devait être à la mesure de la « punition » contre Israël qu’il a promise depuis le 1er avril…
Bluff ou probabilité, la décision des Gardiens de la Révolution islamique a été mise à exécution dans la nuit de samedi 13 avril, après avoir tenu en haleine le monde entier, tiré de leur sommeil des responsables et les états-majors de tous les pays, les membres du G7, les pouvoirs des grandes, moyennes et petites puissances, les opinions diverses…Une veillée d’armes comme on n’en avait jamais vu jusqu’ici, depuis la folle invasion de l’Irak en mars 2003 par les troupes de George Bush Junior. Mais ce qui a constitué des jours durant le mantra de la diplomatie mondiale, affolée, a été en fin de compte tournée en dérision la nuit même de l’offensive aérienne de l’Iran contre Israël. Pas moins de 300 drones à tuer, des missiles interceptés et repoussés par le fameux Dôme de fer érigé par l’Etat hébreu et , tout compte fait, plus de peur que de mal…Avec en prime cette mise en garde du président des Etats-Unis , Joe Biden, adressée à Netanyahu lui intimant quasiment l’ordre de ne pas lancer d’offensive contre l’Iran, autrement dit de ne pas en découdre avec lui…L’appel à plus de modération et de raison du président des Etats-Unis à Netanyahu – soumis quant à lui aux pressions des faucons au sein de sa coalition – est tout naturellement lié aux prochaines élections américaines, prévues en novembre prochain et dont quelques sondages donnent d’ores et déjà gagnant Donald Trump qui, au grand dam de ses challengers, sème et laboure le champ des performances.
Depuis l’arrivée au pouvoir en avril 1979 de l’Ayatollah Khomeiny, réfugié pendant des années à Naeufle-le-Château dans la région parisienne, protégé par Giscard d’Estaing et la victoire des Islamistes qui avaient renversé le régime du Shah Réda Pahlévi, une doctrine et une seule avait prévalu, inscrite sur le frontispice du régime des Ayatollah : la destruction de l’Etat d’Israël. Autrement dit, l’annihilation totale de son existence et de sa présence. Ce n’est pas sans nous rappeler les propos délirants d’un Choukairy qui, toute honte bue, appelait à « jeter le peuple israélien dans la mer »…Les Pasdarans détiennent le réel pouvoir, politique, idéologique, militaire et sécuritaire du régime des Ayatollah, sévissant contre le peuple iranien, étouffant toute expression de liberté, exaltant l’idéologie ch’îite , écrasant la femme iranienne, menaçant les pays voisins, agressant l’Irak de Saddam Hussein, répandant leur prosélytisme jusqu’au Maroc, violant les accords de 2015 signés avec Barak Obama sur le programme nucléaire iranien, bloquant les missions de contrôle de ce dernier par l’Agence internationale de l’énergie atomique ( AIEA), fourvoyant en effet la communauté internationale , renforçant chaque jour sa présence au Liban, en Syrie, dans la région et au Yemen, sans compter la conquête manu militari des îles Abou Moussa , Petite et Grand Tombe du Détroit que l’Iran avait arraché de facto aux Emirats arabes unis…
Pour ne pas être dans l’état actuel des événements de nature militaire et conquérant, l’expansionnisme iranien dénote, et ce depuis des décennies, une volonté de domination idéologique et politique évidente. La course menée tambour battant à la fabrication de la bombe thermonucléaire – dont on assure qu’elle dépasse les 50% dans sa mise en œuvre, violant le niveau limité et fixé par l’AIEA de 17% – suffit à elle seule de nous interpeller : La République islamique respectera-t-elle le pacte mondial de non recours à cette arme fatale, notamment contre Israël ?
Dans sa propagande contre ce pays, la banalisation inquiétante d’une telle problématique et du langage inhérent qui l’illustre est d’autant plus récurrente que rien ne semble à présent lui résister. Jusqu’ici, L’Iran ne s’est pas directement confronté ou exposé à Israël, jouant sur ses proxy comme on dit, ses milices du Hezbollah , les Houtis du Yémen, les relais en Syrie, en Irak et tous les chîites de leur obédience, menant des guerres par procuration. Le 13 octobre 2023, il a poussé le Hamas à attaquer Israël, le vouant à une aventure militaire qui a fait le bonheur de Netanyahu et de l’extrême droite israélienne qui y ont vu une occasion inouïe d’en découdre avec le mouvement palestinien, ouvrant ainsi la Boîte de Pandore au prix de 40.000 morts civils palestiniens , une sorte de Guernica des temps modernes, une extermination abominable et la perspective de l’élargissement inexorable du conflit face auquel le monde entier, prosterné, demeure à la fois figé, hanté et impassible…