Luc Gérard Nyafe et la CMT dans la tourmente
Luc Gérard Nyafe ferait-il l’objet de poursuites pour malversations financières dans l’affaire opposant CMT (Compagnie Minière de Touissit) et l’Office des changes en plus les services de la douane ? D’ores et déjà, la saisie du fonds de commerce de CMT par le service des douanes a été ordonnée. Pour rappel, l’affaire a pris une tournure en novembre 2023 où la CMT devait faire face amende de 376 MDH requise par l’Administration des douanes à la suite d’un contrôle de l’Office des changes (OC), le groupe a subi une saisi à titre conservatoire de 2,3 MMDH sur son fonds de commerce, rappelle Médias 24 dans une interview avec le PDG du groupe. D’ailleurs, une négociation était déjà entamée cours et le montant définitif à payer n’a pas été arrêté pour le moment, créant un attentisme et une tension sur le titre, ajoute la source.
L’affaire avait posé une potentielle sanction pécuniaire sur des opérations dont la plupart ont été réalisées il y a une dizaine d’années par l’ancien management. Conséquence, en deux séances, CMT a perdu près le 20% de sa valeur en bourse, soit une fonte de sa capitalisation boursière d’un peu plus d’un demi-milliard de DH, note Médias 24.
Selon les informations, l’enquête de l’inspection de l’Office des changes a couvert la période de 2012 à 2022. Les transactions qui s’étalent sur cette période en particulier sont remises en question. Toutes avaient fait l’objet en leur temps d’une communication formelle avec l’OC et à travers des communiqués de presse, soutient le PDG lors de l’interview. Mais « le management actuel n’a pris la gestion de CMT qu’en août 2022 et que nous avons fourni les explications demandées et tous les justificatifs à l’OC. », se défend Luc Gérard.
Dans le détail, il explique que l’affaire concerne deux opérations qui représentent 90% des griefs en valeur : « La première est une opération de cession d’actifs, du 30 avril 2015, qui a été annulée conformément aux termes du contrat, mais l’OC estime que la modalité de vente à tempérament, bien qu’annulée, est une infraction à la réglementation des changes. »
La seconde opération, selon le PDG s’inscrit dans le cadre du plan d’internationalisation de CMT, qui a effectué un virement en vue d’un investissement en Afrique.
« L’ordre de virement a été exécuté sans difficulté par la banque en sa qualité d’intermédiaire agréé. Ainsi, du point de vue de la banque comme du point de vue de CMT, ce virement ne nécessitait pas l’autorisation préalable de l’OC, mais cette dernière a considéré que l’autorisation préalable devait être sollicitée. », précise t-il.
Cependant l’affaire prend d’autres tournures. Selon les éléments recueillis auprès de nos sources, il a été marqué par la démission soudaine du Directeur Général Délégué (DGD) du Conseil d’Administration. Cette démission a été suivie d’une lettre adressée au comité d’audit qui établissait une liste de fraudes financières au sein de l’entreprise.
L’incapacité du comité d’audit à apporter des réponses concrètes aux interrogations soulevées dans cette lettre a renforcé le climat de suspicion au sein de la société.
L’Office des Changes aurait fait une entrée remarquée dans les locaux de la CMT au début de janvier 2024, et aurait procédé pendant pratiquement une semaine à des investigations approfondies pour documenter ces fraudes. Une action complétée par l’intervention de la Police Judiciaire qui aurait adressé une convocation à un responsable qui aurait effectué un voyage de deux jours au Maroc pour y déférer.
Par ailleurs, la tension sociale s’est accrue avec l’éclatement de plusieurs grèves au sein des installations minières, grèves soutenues par les communautés environnantes. Des négociations avec les syndicats de la CMT auraient été orchestrées dans le but de calmer les tensions, tandis que des communiqués de presse émis par un des syndicats révèlent une fracture interne.
La gravité de la situation actuelle laisse présager une possible décision pénale à l’encontre de certains dirigeants. D’ailleurs ce dernier déclare à Médias24 que « dans le cas où le tribunal, par une décision définitive, conclut à l’existence d’une infraction, cela aura nécessairement des implications sérieuses pour les dirigeants qui étaient en poste à ce moment-là. Leur responsabilité pourrait être engagée, ce qui signifie qu’ils pourraient être tenus personnellement responsables des actions qui ont mené à l’infraction. »
Cette tourmente au sein de la CMT s’inscrit dans un contexte plus large de destruction de valeur au sein du groupe AMG. Pour rappel, lors de la création d’AMG suite à la fusion entre Auplata et BGPP, la capitalisation boursière d’AMG était de l’ordre de 200 M€ alors qu’aujourd’hui elle avoisine les 4 M€.
La CMT, autrefois fleuron de l’industrie minière, se retrouve ainsi confrontée à une crise de confiance majeure qui pourrait avoir des répercussions durables sur sa gestion future et sur la confiance des acteurs économiques et des communautés locales. Les prochaines semaines seront certainement décisives pour l’avenir de la compagnie et de ses dirigeants avec certainement des répercussions sur le groupe AMG dans sa globalité.