Lupus, une maladie invalidante et encore trop souvent mortelle chez les femmes jeunes au Maroc
L’Alliance des Maladies Rares au Maroc (AMRM) et l’association marocaine des maladies auto-immunes et systémiques (AMMAIS), présidées toutes les deux par le Dr Moussayer khadija, se joignent au « World Lupus Day », organisé le 10 mai par la Fédération Mondiale du Lupus, pour sensibiliser aux aspects méconnus de cette maladie auto-immune rare qui frappe plus de 5 millions de personnes dans le monde, des femmes dans neuf cas sur 10, souvent jeunes.
Potentiellement mortelle, elle est une des toutes premières causes de mortalité des femmes jeunes dans le monde et au Maroc. Plus étonnant encore, elle est assimilée à tort par beaucoup à une affection contagieuse (du type du sida), ce qui ne peut qu’isoler un peu plus les malades. Une enquête mondiale en 2020 a montré enfin qu’elle affecte profondément la mobilité et la capacité à mener des activités normales.
Une maladie aux multiples signes
Le lupus est une maladie chronique aux manifestations très diverses d’où parfois son surnom de « maladie aux 1000 visages » : poussées de fièvre, perte de poids, fatigue, sentiment de mal-être, douleurs articulaires / musculaires, lésions cutanées, troubles de la vision, état dépressif, symptômes psychiatriques … sans oublier des rougeurs en « ailes de papillon » au visage.
Une évolution imprévisible
Sa sévérité est variable selon les patients et chez un même individu selon les périodes. Elle peut rester inactive ou peu active pendant de longues périodes puis connaître des poussées attaquant de nombreuses parties du corps (articulations, peau, reins, cœur) et susceptibles de conduire à une hémorragie cérébrale ou pulmonaire, une insuffisance rénale…en particulier lors d’une grossesse. Cette imprévisibilité complique son diagnostic, souvent tardif. Un examen clinique spécialisé, accompagné d’un bilan biologique recherchant en particulier les auto-anticorps, permettrait pourtant de la confirmer précocement.
De nombreuses jeunes femmes en meurent
Une analyse des certificats médicaux de décès, sur 15 ans aux Etats-Unis, a montré en 2018 que le lupus se classe au 10ème rang des causes du décès chez les 15-24 ans. Il est même répertorié au 5ème rang des 15-24 ans dans les populations les plus pauvres, les femmes noires et d’origine hispanique. On peut affirmer que ce dernier ratio s’applique aussi au Maroc, où la pathologie atteint environ 20 000 femmes. Le lupus, la plus fréquente des maladies rares, constitue donc un problème majeur de santé publique dans notre pays. La situation est pire en Afrique noire, la région du monde la plus touchée par cette affection.
Une maladie qu’on contrôle pourtant mieux
La prise en charge du lupus a connu de grands progrès ces dernières décennies : le taux de survie à 5 ans pour le lupus était en France inférieur à 50 % en 1955 et supérieur à 90 % maintenant. Ce sont habituellement les spécialistes en médecine interne qui traitent ce trouble comme de la majorité des maladies auto-immunes.
En l’absence de traitement curatif, la prise en charge repose sur des thérapies visant à prévenir les complications et à traiter les symptômes, principalement par l’emploi de l’hydroxychloroquine (plaquénil) et aussi, suivant les attaques, de cortisone, d’immunosuppresseurs et de traitements innovants, les biothérapies (qui n’ont qu’un seul défaut : leur coût élevé).
Il existe aussi d’autres formes de ce mal qui restent heureusement bénignes en général : « cutanée » en se limitant à la peau, médicamenteuse et réversible à l’arrêt de la molécule en cause….
Un impact considérable sur la fonction physique et la qualité de vie
Dans une enquête mondiale menée auprès des malades dans plus de 70 pays en 2020 par la Fédération mondiale du lupus (WLF), près de 7 participants sur 10 ont répondu que le lupus entrave leur mobilité physique . La majorité des répondants au sondage ont ainsi indiqué qu’ils ne pouvaient pas accomplir sans difficultés leurs activités quotidiennes, y compris monter et descendre des escaliers (67%) et faire des tâches ménagères (69%) comme passer l’aspirateur. Une personne sur 10 a besoin d’une canne ou d’un autre appareil pour ses déplacements. Toutes les personnes atteintes de lupus semblent enfin éprouver des difficultés à se lever de leur lit. Cette enquête démontre bien les effets dévastateurs que le lupus peut causer à la vie de ceux qui en souffrent
En conclusion un appel à la sensibilisation aux maladies auto-immunes chez les femmes
Cette journée est aussi l’occasion de mieux sensibiliser les femmes aux maladies auto-immunes dont elles sont la cible principale et dont le lupus est une de ses formes les plus graves. Dans ces pathologies, le système immunitaire, qui protège normalement contre les microbes ou les substances étrangères à l’organisme, se dérègle et se retourne contre les propres cellules de l’organisme. Ces maladies touchent 10 % de la population mondiale et à plus de 75 % les femmes. Une femme sur 6 est ou sera atteinte au cours de sa vie par ces troubles très variés (comme la maladie de Basedow – hyperthyroïdie-, la Sclérose en plaques, le diabète de type 1, la polyarthrite rhumatoïde, la spondylarthrite, le Gougerot-Sjögren …) !
Casablanca , le 08/05/2023
Dr MOUSSAYER KHADIJA
Spécialiste en médecine interne et en Gériatrie, Présidente de l’association marocaine des maladies auto-immunes et systémiques (AMMAIS), Présidente de l’Alliance Maladies Rares au Maroc (AMRM)
EN ANNEXE, QUELQUES PRECISIONS UTILES A CONNAÎTRE
Sommaire : Des préjugés stigmatisant les malades / Une maladie fortement médiatisée / World Lupus Day / Qu’est ce qu’une maladie auto-immune
I/ Des préjugés stigmatisant les malades
Une enquête menée dans 16 pays auprès de 35 506 personnes en 2018 par la World Lupus Federation (une alliance d’environ 250 organisations de patients atteints de lupus du monde entier) le prouve, s’il en était besoin.
Elle révèle ainsi que plus de 51 % des personnes interrogées ne savaient pas même pas que le lupus est une maladie. Ce sondage montrait également qu’il faisait l’objet d’idées fausses et de préjugés en l’assimilant à une maladie contagieuse, à l’instar du SIDA par exemple. Ainsi, parmi les personnes interrogées qui savaient que le lupus est une maladie :
– seulement 57 % étaient à l’aise ou très à l’aise à l’idée d’avoir un contact physique (un « câlin ») avec une personne atteinte ;
– 49 % étaient à l’aise ou très à l’aise à l’idée de partager un repas avec une personne atteinte ;
– 11 % pensait que des rapports sexuels non protégés pouvaient contribuer au développement de la maladie
II/ Une maladie fortement médiatisée
Cette pathologie n’est pas inconnue de très nombreux téléspectateurs, partout dans le monde, de la série médicale «Dr House». Hugh Laurie, son interprète, y faisait les diagnostics les plus inattendus, en ayant toujours une pensée pour le lupus – «Et si c’était un lupus ?» – lorsqu’il examinait ses patients. Il était également constamment envisagé par l’équipe de médecins qui assistait le Dr House dans ses « enquêtes » médicales, même si, finalement, il n’était jamais la cause des maux qui frappaient les malades de la série, à une ou deux exceptions près. Le mot « lupus » était devenu à la fin comme un stratagème répété et rassurant puisque « ce n’était jamais le lupus ».
Selena Gomez, une des artistes les plus suivies sur les réseaux sociaux (plus de 120 millions d’abonnés sur Instagram !), ne peut pas en dire autant : elle a révélé son lupus, ce qui a donné une dimension mondiale à la maladie. Elle a due ensuite interrompre sa carrière pendant deux ans pour se soigner (elle a dû subir une greffe du rein) et se remettre d’une dépression et de crises d’angoisses consécutives à cette affection. Si le nom de la maladie est mieux connu grâce à ces deux « vedettes », il n’en reste pas moins que sa réalité et ses conséquences potentiellement graves restent encore largement ignorées.
D’autres célébrités sont atteintes du lupus et l’ont médiatisé comme Lady Gaga ou Sharon Stone.
III/ World lupus day
La Journée mondiale du lupus est initiée et organisée depuis 20 ans par la Fédération mondiale du lupus, un regroupement de plus de 250 organisations de patients atteints du lupus du monde entier, réunies pour améliorer la qualité de vie des personnes touchées. Grâce aux efforts coordonnés de ses affiliés mondiaux, la Fédération mondiale du lupus s’efforce de faire mieux connaître et comprendre le lupus, de dispenser une éducation et des services aux personnes vivant avec la maladie et de défendre leurs intérêts.
IV/ Les Maladies Auto-Immunes
Une maladie auto-immune comme le lupus est une pathologie provoquée par un dysfonctionnement du système immunitaire : des cellules spécialisées et des substances, les anticorps, sont censées normalement protéger nos organes, tissus et cellules des agressions extérieures provenant de différents virus, bactéries, champignons… Pour des raisons encore non élucidées, ces éléments se trompent d’ennemi et se mettent à attaquer nos propres organes et cellules. Ces anticorps devenus nos ennemis s’appellent alors « auto-anticorps ».
Parmi les maladies auto-immunes, on peut citer des maladies connues : la maladie de Basedow (hyperthyroïdie), la thyroïdite chronique de Hashimoto (hypothyroïdie), le lupus érythémateux disséminé (LED), la myasthénie, la Sclérose en plaques (SEP), le diabète de type 1, la polyarthrite rhumatoïde, la spondylarthrite, la maladie cœliaque (intolérance au gluten), la maladie de Crohn…
Et des maladies plus rares et peu connues : le syndrome de Goodpasture, le pemphigus, l’anémie hémolytique auto-immune, le purpura thrombocytopénique auto-immun, la polymyosite et dermatomyosite, la sclérodermie, l’anémie de Biermer, la maladie de Gougerot-Sjögren, la glomérulonéphrite…