M. Aujjar expose à Vienne l’expérience marocaine en matière de déradicalisation
La lutte contre les idées de radicalisation, de violence et de haine reste le moyen le plus efficient à même d’éradiquer les actes terroristes et de mettre en échec les projets des organisations terroristes, a affirmé jeudi à Vienne, le ministre de la justice, Mohamed Aujjar.
Intervenant aux côtés de son homologue autrichien et vice-chancelier Wolfgang Brandstetter lors d’une atelier de réflexion sur »la prévention contre la radicalisation des personnes en détention » en présence d’experts Autrichiens, Marocains, Jordaniens, Égyptiens et Néerlandais, il a souligné, à ce propos, l’urgence d’intensifier et de mutualiser les efforts internationaux face à la radicalisation et ce, à l’appui de bonnes pratiques pouvant contribuer à contrer ce phénomène.
Évoquant l’expérience marocaine sur ce registre, il a fait savoir que le Maroc a mobilisé toutes les ressources nécessaires pour relever les défis posés par la radicalisation et le terrorisme et ce, en adoptant une approche proactive visant à les éradiquer tout en veillant à consolider les valeurs de dialogue et de la tolérance.
»Outre la promulgation de lois pénales visant à contrecarrer les activités des organisations terroristes, le Royaume a aussi entrepris une réforme globale et un encadrement du champ religieux ainsi qu’une autre batterie de mesures d’ordre socio-économique et culturel », a-t-il indiqué, avant d’ajouter que la stratégie marocaine dans toutes ses manifestations vise à neutraliser le terrorisme et ce, à l’appui d’une approche qui repose à la fois sur la dissuasion et la réhabilitation.
Et de noter que ‘‘les prisons jouent un rôle crucial quant à la concrétisation du rôle correctionnel et éducatif de la peine ». Il a évoqué, sur ce registre, la bonne pratique no 19 du Mémorandum de La Haye-Marrakech appelant à la mise en place de programmes globaux y compris au sein des prisons pour la réinsertion des combattants terroristes étrangers, étant donné que ces programmes représentent une parade efficiente pour répondre à la menace potentielle des combattants rapatriés.
Dans ce cadre, M. Aujjar a rappelé que le Maroc a lancé, depuis deux années à travers la délégation générale à l’administration pénitentiaire et à la réinsertion, le programme ‘‘Moussalaha’‘ (Réconciliation), lequel programme impliquant de nombreuses institutions et des acteurs pluridisciplinaires a permis la libération l’année dernière de nombreux détenus pour des affaires liées au terrorisme. L’objectif étant de promouvoir les valeurs de tolérance et de favoriser la réhabilitation religieuse et sociale.
Une démarche qu’il explique par le fait que ‘‘le Maroc est convaincu que la guerre contre le terrorisme ne doit pas être seulement livrée contre les terroristes mais également contre les idées destructrices qu’ils portent ».
Tout en exposant les dimensions religieuse, juridique, psychologique et socio-économique du programme ‘‘Moussalaha », il a relevé que les détenus bénéficiaires ont manifesté leur pleine et entière adhésion à cette démarche de réconciliation et de réhabilitation qui suscite de plus en plus l’intérêt d’autres pensionnaires des établissements pénitentiaires.
Et d’ajouter que le Maroc ne s’est pas limité à ce programme de réconciliation, mettant en œuvre d’autres mécanismes comme celui de la grâce qui a permis la réinsertion de nombreux salafistes, engagés depuis leur libération à promouvoir le dialogue avec d’autres détenus dans la perspective de réussir leur déradicalisation.
Sur ce même volet de la déradicalisation, M. Brandstetter a indiqué que l’Autriche a mis en œuvre, depuis juin dernier, un programme de déradicalisation dans les prisons autrichiennes avec une unité spéciale regroupant, entre autres, des psychiatres et des imams, notant que la prison peut, à défaut d’un encadrement efficient, se transformer en un terreau propice à la radicalisation et la propagation des idéologies extrémistes.
Un intérêt particulier est aussi accordé à la formation des agents de l’administration pénitentiaire, a-t-il dit, avant d’ajouter que le suivi des personnes en détention pour appartenance à une entreprise terroriste commence dès leur garde à vue avec des programmes adaptées.
Il s’est félicité, par ailleurs, lors d’une entrevue avec M. Aujjar, de l’étroite coordination et coopération entre son pays et le Maroc en matière de lutte contre le terrorisme et la mise en œuvre de programmes de déradicalisation. Les deux ministres de la justice ont ainsi convenu de resserrer davantage la coopération bilatérale dans tous les domaines de la justice.
Tout en relevant que les derniers attentats dans certaines capitales européennes montrent l’urgence de lutter sans répit contre le terrorisme et toutes les formes de radicalisation, le ministre autrichien de la justice a plaidé pour la mutualisation des efforts internationaux pour contrer et neutraliser les terroristes.
Pour rappel, M. Brandstetter avait effectué une visite de travail en octobre dernier au Maroc, saisissant l’occasion pour souligner que l’Autriche et le Maroc font face aux mêmes menaces, à savoir la radicalisation et le terrorisme. Il avait aussi affirmé que les deux pays sont tenus de travailler conjointement et de conjuguer leurs efforts pour y faire face, exprimant le désir de bénéficier des programmes de déradicalisation adoptés par le Maroc au sein des établissements pénitentiaires, et ce, en vue d’échanger les meilleurs pratiques et de s’enquérir de l’expérience marocaine en la matière.
Le ministre autrichien n’avait pas manqué de saluer l’apport et la portée des réformes engagées par le Maroc, faisant savoir que sa visite à un établissement pénitentiaire lui a permis de constater le respect total des normes de la convention européenne des droits de l’Homme.
A noter que cet atelier de réflexion consacré à l’échange des bonnes pratiques en matière de déradicalisation, s’est déroulé en présence notamment du secrétaire général du ministère autrichien de l’Europe, de l’intégration et des Affaires étrangères, Michael Linhart, l’ambassadeur du Maroc en Autriche, Lotfi Bouchaara et son second à l’ambassade, Mohamed Slaoui.