Macron : un regard jeune sur l’Afrique
Nés de frontières artificielles, le Mali et la Centrafrique, ont, dès leur indépendance, dû faire face à des tensions ethniques violentes car ces pays rassemblent, souvent contre leurs volontés, des populations que tout oppose. Depuis les années soixante, aucune élection n’a réussi à résoudre ces conflits. Pire, l’ethno- mathématique électorale a souvent envenimé les polémiques, créant violences et affrontements continus. Jusqu’ici aucune intervention militaire, aucune initiative diplomatique, même de grande ampleur, ne s’est soldée autrement que par un déplacement du chaos.
Le conflit est millénaire au Mali entre les populations sédentaires, installées au bord du fleuve Niger et les tribus nomades du nord du pays. La virulence de ce conflit a même été ravivée par les résultats des élections, de toutes manières défavorables aux tribus les plus faibles en nombre.
Entre les lignes des communiqués officiels relatant les actions de l’Opération Barkhane, du G5 Sahel et des diplomaties bilatérales du Mali et de la France, on peut, d’ailleurs, deviner que le pouvoir de Bamako est plus préoccupé par une éventuelle sécession du (des?) Azawad que de la lutte contre les terroristes jihadistes proprement dits.
Du côté des observateurs militaires français, il est évident que les jihadistes profitent de ces luttes séculaires et intestines pour s’implanter facilement dans certaines zones du pays. L’islamisme ou le terrorisme n’étant souvent qu’une sorte de surinfection d’une plaie ethno- démographique millénaire.
Macron et la Centrafrique
La situation n’est pas meilleure en Centrafrique. Dans l’ancien Oubangui-Chari, la Séléka qui représente moins de 10% de la population, n’a évidemment pas profité des élections. Ici aussi, le conflit s’enlise, se déplace et les troupes françaises se verront, peut-être, contraintes de se réengager tant la situation et les moyens des soldats de l’ONU présents sur le sol centrafricain est calamiteuse.
Le défi pour Macron sera de trouver une position diplomatique claire pour assurer une présence et une sécurité pérennes, de trouver les ressources financières suffisantes pour assurer ces missions… alors qu’une de ses premières mesures de son gouvernement, une fois installé à l’Élysée, a été d’annoncer une réduction drastique des budgets des armées. Deux opérations extérieures de cette ampleur devraient, bien entendu, pâtir de ces mesures et si les conséquences peuvent être dramatiques pour les militaires et les populations sur place, elles peuvent aussi s’avérer ingérables diplomatiquement : tout retrait, serait immanquablement, perçu comme un abandon.
Macron, l’économiste
Vu son passé et son expertise d’ancien banquier d’affaires (Rothschild), c’est donc normalement sur le plan économique qu’on peut attendre le jeune président français.
Mais là aussi, l’heure est au bilan et les perspectives plus que sombres. Les experts sont, en effet, très perplexes sur la réalité du décollage économique de l’Afrique noire.
Comme le dit l’historien français Bernard Lugan : « Tout a déjà été tenté en ce domaine. En vain. La croissance économique (entre 1,4% et 1,6% en 2016), étant inférieure à la croissance démographique (4%), comment prétendre «développer» des Afriques qui, d’ici à 2030, verront leurs populations passer de 1,2 milliard à 1,7 milliard, avec plus de 50 millions de naissances par an ? ».
Et il ajoute : « Ce n’est donc pas de démocratie fondée sur le « one man one vote» dont l’Afrique a besoin, mais d’un système de représentation des ethnies qui ne tienne pas compte de leur nombre. Ce n’est pas non plus le « développement » qui doit être prôné, mais un strict contrôle des naissances. »
L’Afrique se suicide démographiquement
Comment, en effet, espérer la développer quand, d’ici à 2030, elle verra sa population passer de 1,2 milliard à 1,7 milliard avec plus de 50 millions de naissances par an -, et sans disposer des infrastructures ni d’une croissance suffisante pour nourrir, loger et soigner ces masses humaines qui seront immanquablement clochardisées ? Avec un taux de croissance de 4%, la population africaine double, en effet, tous les 18-20 ans. Au Niger, pays désertique où le taux de fécondité est de 7 enfants par femme, la population était de 3 millions d’habitants, en 1960, et elle sera de 40 millions, en 2040, puis de 60 millions, en 2050. En Somalie, le taux de reproduction est de 6,4 enfants par femme et en RDC, il est de 6,1.
Le phénomène ne touche pas que l’Afrique subsaharienne. Ainsi, en Algérie le programme de planification familiale avait permis de faire baisser l’indice de fécondité de 4,5 enfants par femme, en 1990, à 2,8 en 2008. Or, signe de la ré-islamisation du pays, en 2014, il a rebondi à 3. Résultat de cette démographie devenue folle, en 2100, avec entre 3,4 et 3,6 milliards d’habitants, le continent africain abritera 1/3 de la population mondiale dont les trois quarts au sud du Sahara.
« Macron, c’est un changement de style dans la continuité »
Pas de retour en arrière dans la lutte contre le terrorisme, du moins dans les déclarations, l’Afrique subsaharienne restera un théâtre d’opérations quasi permanent en y associant plus l’Union africaine, le G5 Sahel et le partenaire algérien.
Sur le plan économique, Emmanuel Macron a déclaré, lors de sa visite marocaine, qu’il entendait « mettre l’entreprise et l’Union européenne au coeur de son dispositif ». Pour l’aide au développement, le fameux 0,7 % du PIB français n’est pas démenti. C’est un objectif.
Le pragmatisme est un credo assumé. « Macron, c’est un changement de style dans la continuité » disait le journaliste Antoine Glaser qui nous explique quels sont les hommes clés de la politique africaine du Président français : « Il y a ceux qui sont connus des Français et les amitiés lointaines. Jean- Yves Le Drian, au Quai d’Orsay, l’ancien ministre de la Défense de François Hollande, architecte des opérations militaires en Afrique, est l’homme incontournable dans la lutte contre le terrorisme. L’homme de la continuité. Plus connu des africanistes et des économistes, Jean-Michel Severino, ancien vice-président de la Banque mondiale, ancien patron de l’AFD, a été à la manoeuvre pour la dévaluation du CFA en 1994. Severino est un proche du franco-béninois Lionel Zinsou, perdant de la présidentielle de 2016 au Bénin, qui déclarait au sujet de Macron : « C’est une très bonne nouvelle pour l’Afrique et les pays en développement, parce que c’est quelqu’un de très attaché au développement et à l’innovation en général. C’est un mouvement de jeunesse, l’Afrique est jeune et est tournée vers la technologie, et si la France peut accélérer la croissance africaine, en y contribuant, c’est quelque chose que Macron fera facilement ».
Cédric Lewandowski, très proche de Jean-Yves Le Drian, et qui a négocié, dans l’ombre, la libération des otages au Sahel, devrait épauler toutes les négociations d’envergure. La visite de Macron à Alger, le tête-à-tête Macron-Alpha Condé, c’est Aurélien Lechevallier, le chef d’orchestre de la politique internationale et africaine du nouveau locataire de l’Élysée. Macron, Lechevallier et Jules-Armand Aniambossou, franco-béninois comme Zinsou, ancien ambassadeur du Bénin à Paris, forment un vieux trio. L’ENA a réuni les trois hommes au sein de la promotion Senghor. Je citerais aussi Renaud Dutreil, ex-ministre de droite, auteur d’un rapport critique sur la France et l’Afrique. Et Sibeth Ndiaye, d’origine sénégalaise, la clef de voûte des relations presse d’Emmanuel Macron. »
Voilà un organigramme dont on devrait reparler prochainement.