Intégration régionale en Afrique « Le Maghreb entre guerre impossible et paix introuvable »
Le coût du non-Maghreb
En février 1989 – à la faveur d’un timide réchauffement des relations algéro-marocaines – le Roi Hassan II convoqua, à Marrakech, un sommet de chefs d’État qui fonda l’Union du Maghreb arabe (UMA). C’était la concrétisation d’un vieux projet porté par le Maroc, depuis le règne de Mohammed V.
On sait que cette union économique et politique des cinq pays du Maghreb (Mauritanie, Maroc, Algérie, Tunisie, Libye), réunissant, aujourd’hui, plus de 100 millions d’habitants n’a eu qu’une influence très limitée. Cela est dû à la mauvaise volonté du régime algérien qui, d’une part, a créé de toutes pièces le conflit au Sahara marocain contre Rabat, et d’autre part, n’a jamais voulu d’une intégration économique qui aurait, inévitablement, conduit à mettre fin au système de corruption et d’inefficacité qui caractérise un mode de gouvernement tout droit issu des pires conceptions socialo-communistes.
Depuis le début des années 1990, l’Union du Maghreb arabe est donc au point mort. De nos jours, cette inertie est d’autant plus déplorable que tout devrait conduire à une large coopération entre des pays très complémentaires. Le coût du non-Maghreb est donc exorbitant tant du point de vue économique et social que du point de vue politique au sens le plus large du terme.
L’absence d’une union économique maghrébine empêche le développement des échanges de biens et services et de capitaux, ainsi que de la circulation des ressources humaines. Le Maghreb est l’une des seules régions du monde qui ne connaît pas de construction régionale. Le commerce intra maghrébin y est insignifiant avec moins de 3% des échanges selon une étude réalisée par la Banque mondiale.
Le Maghreb arabe perd 2,5 point du PIB chaque année. Il perd 220.000 emplois occasionnés par les déficits budgétaires. Il perd aussi 350 millions de dollars sans compter la fuite des capitaux estimée à 150 milliards d’épargne nationale, stockée dans des banques étrangères (dont plus de 50% pour l’Algérie).
Créée en 2017, la Banque maghrébine pour l’investissement et le commerce extérieur ayant pour mission d’aider à développer le commerce entre les pays du Maghreb, de créer des projets régionaux viables, d’attirer et faciliter la circulation des capitaux entre les pays de l’UMA, n’a, en fait, jamais pu accomplir sa mission. Et le taux des échanges entre les cinq pays ne dépasse toujours pas 3 à 4 %.
Par surcroît, il convient de déplorer la dispersion des compétences et de l’intelligentsia maghrébine : chercheurs, professeurs, hommes d’affaire, entrepreneurs…
Le coût politique du non-Maghreb est encore plus grave
L’absence de cohésion régionale conduit aussi à avoir moins de poids pour dialoguer avec les États-Unis, les pays européens ou les autres puissances mondiales pour la défense des intérêts des pays du Maghreb. Les relations de cet ensemble potentiel avec l’Union européenne qui lui fait face de l’autre côté de la Méditerranée, restent bancales. Dans ces conditions, chaque pays va à la bataille en ordre dispersé et chacun tente de tirer plus ou moins bien son épingle du jeu. En Afrique, au lieu d’unir leurs efforts les pays du Maghreb s’affrontent.
Le Maroc est le seul pays arabe qui a une politique africaine claire, mais, là encore, on peut regretter l’absence d’une coopération maghrébine qui dynamiserait toute l’Afrique. Cela n’empêche pas le Royaume de prendre les initiatives qui s’imposent.
Constatant que le continent a bien besoin d’union et de réformes hardies, constatant aussi l’évolution politique du plus grand nombre des États africains, le Roi Mohammed VI a décidé, en 2017, de réintégrer l’Union africaine. Selon Sa Majesté le Roi, relancer l’Union africaine consiste à mettre fin à des anomalies flagrantes. Il s’agit de donner une impulsion nouvelle à l’Afrique, dynamiser la coopération interafricaine par une ambitieuse vision de la coopération Sud-Sud basée sur des partenariats gagnant-gagnant et une croissance partagée…