Mali: le legs très lourd du président IBK
Par Mouhamet NDIONGUE
L’ex-président malien Ibrahim Boubacar Keïta est mort. L’ancien chef de l’État est décédé à l’âge de 76 ans dans sa maison de Bamako. Perdu dans ses errements sur la politique sécuritaire du pays, la corruption et le tripatouillage des élections, la présidence de IBK n’a pas été un long fleuve tranquille. IBK a dirigé le Mali à partir de 2013 avant d’être évincé lors d’un coup d’État en août 2020.
Ibrahim Boubacar Keïta est décédé à son domicile de Bamako à l’âge de 76 ans, a rapporté l’agence de presse AFP, citant la famille. Elle n’a donc donné aucune information sur la cause du décès. Le gouvernement de transition du Mali a déclaré que Keïta était décédé des suites d’une « longue maladie ». Il a également été dit que des informations sur les funérailles de l’ex-président seraient annoncées à une date ultérieure. Le ministre des Affaires étrangères du Mali, Abdoulaye Diop, a exprimé sa tristesse à la mort de Keita. « Je m’incline devant sa mémoire avec une grande tristesse », a-t-il déclaré. Le président sénégalais Macky Sall et l’ex-président nigérien Mahamadou Issoufou ont également exprimé leurs condoléances. L’ex-chef d’État français, François Hollande, a salué « un Africain fier de son continent, qui travaillait en bonne intelligence avec ses collègues de l’ouest de l’Afrique ».
Le coup d’État perpétré contre l’ancien président Ibrahima Boubacar Keita, c’est aussi le point de départ de ce qui est considéré jusqu’ici au-delà des brouilles entre Bamako et la CEDEAO, mais une vraie crise géopolitique entre différentes puissances étrangères aux intérêts divergents dans la sous-région.
Une entrée fracassante
Keïta a été Premier ministre du Mali entre 1994 et 2000 sous le premier président démocratiquement élu Alpha Oumar Konaré (1992-2002). « Alpha Oumar Konaré a été l’instigateur de la carrière d’IBK. Il fut son compagnon et lui a donné la chance de toucher l’État au plus haut sommet en tant que secrétaire politique. Il lui a presque mis le pied à l’étrier et IBK ne s’est jamais remis de sa séparation avec ce dernier », explique Tiambel Guimbayara, journaliste et directeur de publication de La Voix du Mali.
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En 2013, IBK a remporté l’élection présidentielle historique appelée à restaurer la démocratie après un coup d’État de 2012. Il a dirigé le pays jusqu’en 2020. Lors d’un autre coup d’État en 2020, il a été évincé après des mois de manifestations contre sa présidence, et renversé par l’armée, qui a pris le pouvoir. Arrêté par des soldats à son domicile en août 2020, quelques heures plus tard, dans un discours télévisé, il déclare qu’il démissionnerait immédiatement. « Je ne souhaite qu’aucun sang ne soit versé pour mon maintien aux affaires », avait-il déclaré à la télévision publique dans un ultime discours nocturne annonçant sa démission forcée.
Sa santé n’a cessé de se détériorer depuis qu’il a été contraint de démissionner. Peu de temps après avoir été libéré de la garde à vue par les militaires, il s’est fait soigner aux Émirats arabes unis.
Perdu dans ses errements
Pendant son mandat, le président Keïta a été critiqué car, entre autres, il n’avait pas été en mesure de maîtriser les attaques terroristes qui se poursuivaient depuis 2012, notamment dans le nord du pays. Il a également retardé les réformes politiques ; une économie en berne et des allégations de corruption avaient poussé des dizaines de milliers de personnes dans la rue.
On se rappellera de l’image de son fils qui lors d’une cérémonie jetait des billets de banque au sol en guise de cadeau à ses fans.
Le 5 juin, la première grande manifestation contre le président malien IBK a eu lieu à Bamako. Cette première manifestation qui regroupait une large alliance de groupes politiques et de la société civile a rassemblé environ 20 000 Maliens sur la place de l’Indépendance au centre de Bamako.
Le principal déclencheur des manifestations a été les élections législatives d’avril 2020 dont les résultats ont été perçus comme « hautement truqués ». Pourtant, ce n’était, en quelque sorte, que la fameuse « goutte qui a cassé le dos du chameau », car le mécontentement vis-à-vis du gouvernement du président IBK avait fini de croître depuis des années, en partie, la détérioration constante de la situation sécuritaire dans le pays.
L’héritage d’IBK
Quel héritage le président IBK a laissé au peuple malien ? Au vu des événements en cours dans le pays, il faut dire que le legs de Keïta est lourd pour le Mali.
Après avoir été destitué en mai 2021, la junte militaire a organisé un autre coup d’État. Le colonel Assimi Goita, qui avait déjà renversé Keïta, a déposé le chef civil d’un gouvernement intérimaire et s’est proclamé président par intérim. Les deux coups d’État ont été vivement critiqués à l’échelle internationale. Après le coup d’État d’août 2020, la communauté des États d’Afrique de l’Ouest, la CEDEAO, a notamment fermé les frontières avec le Mali et coupé pratiquement toutes les relations commerciales. Les pays d’Afrique de l’Ouest ont imposé des sanctions économiques sévères, au début du mois, après que Goïta a indiqué que la prochaine élection présidentielle n’aurait pas lieu avant 2026. Il avait initialement accepté une élection d’ici la fin du mois prochain. La situation politique au Mali est caractérisée par une forte instabilité depuis 2012.
Pour l’heure, les obsèques du président IBK n’ont pas été déterminées vu la tension dans le pays.