Marché de l’automobile : «2020 est une année à oublier très vite»
Alors que l’Observatoire de l’automobile annonçait une année de croissance, avec une hausse de 8% des personnes équipées en automobile pour 2020-2021, la pandémie a chamboulé le secteur. En pleine expansion et grand générateur d’emplois, il a subi de plein fouet les effets de la Covid-19. Confinement, fermeture des usines et des concessionnaires, report du Salon de l’automobile, baisse du pouvoir d’achat et de la confiance des ménages… Autant de facteurs qui n’ont pas simplifié la reprise du secteur. Mais les professionnels se veulent toutefois optimistes, notamment face aux résultats des trois mois post-confinement. Explications avec Adil Bennani, Président de l’Association des Importateurs de Véhicules Automobiles au Maroc (AIVAM).
MAROC DIPLOMATIQUE : Comment se porte actuellement le secteur automobile ?
– Adil Bennani : Le secteur automobile est l’un des secteurs qui a été le plus touché par la crise cette année, tant au niveau national qu’international. Mais je dirais que cela a été moins dramatique que ce que nous envisagions. L’année devrait se terminer sur une tendance négative, entre -15% et -20% selon ce qui se passera ces deux derniers mois.
MD : On parle d’une explosion de ventes à la sortie du confinement, que disent les chiffres ?
– A.B : Ce qui s’est passé c’est que l’on avait très bien démarré l’année, sur une note positive pendant le premier trimestre. Mais au deuxième trimestre, avec le confinement, les ventes se sont effondrées de quasiment 80 à 90%. Au troisième trimestre, nous avons observé une croissance d’environ 10 à 12 points. Loin de compenser donc les pertes du deuxième trimestre. D’où la tendance négative sur l’année 2020. Il faut quand même souligner qu’au milieu de la crise, nous imaginions une situation bien plus mauvaise avec des scénarii à -40 voire -50% ! Cela aurait été terrible et intenable.
MD : Quels sont les segments ou les marques qui ont été le plus touchés ?
– A.B : Cette tendance négative se retrouve sur l’ensemble des segments du marché, qu’il s’agisse de premium ou des généralistes. Si l’on regarde dans le détail, les micro-citadines et les monospaces (sous l’effet du renouvellement de prime taxis) sont les seuls à croître. Si l’on adopte une approche régionale, la baisse est plus accentuée sur la zone de Marrakech qui a subi de plein fouet l’impact sur le secteur touristique. L’utilitaire, quant à lui, connaît une baisse, mais moins importante que le marché (-14% vs -24% pour le marché). Dans ce marché, le segment qui souffre le plus est le minibus, utilisé dans le secteur touristique et qui est aujourd’hui à 0 compte tenu de la situation que vous connaissez. Les voitures de luxe ont, elles aussi, été touchées avec une baisse de 28% en octobre tandis que le marché est à -24%. Concernant les marques, toutes sont quasiment logées à la même enseigne, excepté une ou deux qui sont en phase de renouvellement de gamme.
MD : Globalement, quel est votre bilan du secteur ?
– A.B : Nous sortions déjà d’une année qui a été baissière en 2019 par rapport à 2018. Donc si l’on compare fin octobre 2018 à fin octobre 2020, le marché a baissé de 33% ! Nous avons encore du chemin à parcourir avant de retrouver la tendance de 2018.
MD : Qu’est-ce qui explique selon vous cette baisse ?
– A.B : C’est sans doute une question de pouvoir d’achat d’une part. Et d’autre part, le facteur un peu conjoncturel des taxis. La subvention de renouvellement était à l’arrêt une bonne partie de 2019, de ce fait, le segment des utilitaires utilisés par les taxis du type Dacia Lodgy, a vu donc ses ventes baisser d’environ 7.000 unités sur 2019. C’est ce qui a aussi participé à cette baisse. En définitive, 2020 est une année à oublier très vite.
MD : Quelles sont vos perspectives pour l’année à venir ?
– A.B : Pour l’instant, on ne sait pas encore quand aura lieu un retour à la normale du point de vue sanitaire. On parle de vaccin, ce qui donne déjà beaucoup d’espoir. Mais on ne se fait pas d’illusions, notamment en Europe où cela risque de prendre plus de temps. Il faudrait peut-être attendre le deuxième ou le troisième trimestre prochain pour assister à l’arrivée des touristes. Donc pour le secteur touristique qui a un grand impact sur la vente des utilitaires, il faudra peut-être attendre encore.
Pour le reste, un grand point d’interrogation subsiste quant aux résultats escomptés du plan de relance. Les banques ont prêté beaucoup d’argent, est-ce que les ménages vont retrouver la confiance leur permettant de consommer ? Est-ce que les entreprises vont retrouver leur niveau d’activité et pouvoir rembourser leurs emprunts ? Tout est imbriqué… Si la machine ne se remet pas en marche, ce sera une hécatombe. Des entreprises en difficulté voire en défaut de paiement, et donc des préfaillites, des licenciements, du chômage, pas de confiance et une consommation en berne. C’est un scénario que nous voulons éviter à tout prix.
Pour le marché, notre première question est de savoir si nous allons retrouver le niveau de 2019 ou pas. Probablement pas, cela prendra plus de temps je pense, on sera sans doute dans une année de croissance par rapport à 2020 de l’ordre de 10 à 15%, mais il y aura quand même un retrait d’environ 5% par rapport à 2019. Nous assisterons probablement à un dernier trimestre 2021 identique à celui de 2019 pour un retour à la normale dès 2022.