Maroc-Algérie : Raison garder
Par Hassan Alaoui
Il s’est passé seulement quelques jours entre la réunion le mercredi 18 août du haut conseil de sécurité (HCS) algérien – réunissant Abdelmajid Tebboune et les membres de l’état-major militaire – et l’annonce spectaculaire de rupture des relations diplomatiques avec le Maroc.
Une décision qui n’a certes pas surpris, mais qui a constitué une manière de casus belli, survenue dans un contexte de surenchère. Elle rappelle celle d’octobre 1963 lorsque, tout juste après l’indépendance de l’Algérie, le jeune gouvernement présidé alors par Ahmed Ben Bella s’était lancé dans une agression contre le Maroc, à Figuig. Et last but not least, le 24 août 1994 quand, après les attentats de l’hôtel Atlas Asni de Marrakech commis par un commando de jeunes franco-algériens, le Maroc imposa un visa aux Algériens. Mesure adéquate, juste même mais qui a provoqué l’ire du gouvernement algérien qui, cédant à la précipitation, rompit ses relations diplomatiques avec notre pays.
Ce mardi 24 août, Ramtame Lamamra, ministre des Affaires étrangères d’Algérie convoqua la presse au CIC ( Centre international des conférences) et, après avoir lu une longue déclaration composée essentiellement de reproches contre notre pays, proclama au nom de son président la rupture des relations diplomatiques. Etonnante, surprenante, cette décision ? Tout à fait, mais naturellement attendue, dès lors que le haut conseil de sécurité a annoncé, dans son communiqué, une « révision des relations avec ce pays ( Le Maroc) ainsi que le renforcement de la surveillance de ses frontières » ! Une grande stupéfaction a frappé les milieux diplomatiques et les chancelleries qui suivent peu ou prou le dossier maroco-algérien. Dans la soirée, le ministère marocain des Affaires étrangères a fini par prendre acte de cette décision, « qu’il regrette la jugeant complètement injustifiée mais attendue – au regard de la logique d’escalade constatée ces dernières semaines – ainsi que son impact sur le peuple algérien » !
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On ne peut mieux réagir, en effet, le Maroc rejetant dans la foulée « catégoriquement les prétextes fallacieux voire absurdes qui sous-tendent cette décision ». Il convient de souligner que « les actes hostiles » dont Alger pense faire un argument sont ceux-là mêmes que le Royaume du Maroc subit et peut aussi invoquer contre l’Algérie. Le gouvernement algérien n’a jamais admis que l’ambassadeur Omar Hilale ait évoqué l’autodétermination du peuple kabyle devant les Nations unies et exige, ce faisant, des excuses du Maroc. Il estime qu’il s’agit-là d’un « grave dérapage » ! Sauf que le même gouvernement algérien , non sans contradiction avec ses prétendus principes, n’a pas cessé depuis quarante-cinq ans de réclamer la sécession du Maroc, en créant un mouvement hostile appelé le polisario, en l’équipant de bout en bout d’armes sophistiquées, en l’encourageant et le défendant à tout bout de champ, a fortiori en réclamant à cors et à cris son droit à l’autodétermination.
Autrement dit, ce qui est bon pour l’Algérie ne saurait l’être pour le Maroc, deux poids et deux mesures…On tombe à la renverse face à cette argutie fallacieuse , d’autant plus qu’aucune preuve matérielle ne vient vérifier cette fable d’un Maroc qui encouragerait le Mouvement d’autodétermination de la Kabylie (MAK) et celui de Rachad…Elle participe d’une rengaine dont l’originalité cette fois-ci est qu’elle est montée d’un cran et en intensité depuis l’arrivée au pouvoir de Abdelmajid Tebboune , concomitamment à la montée en puissance du général Saïd Chengriha qui ne cesse de proclamer sa volonté d’en découdre avec le Maroc.
Le communiqué du ministère marocain des Affaires étrangères, on le voit d’emblée, ne conçoit aucune aigreur à l’égard de l’Algérie. Il est d’autant plus serein et « posé » qu’il s’inscrit dans l’esprit des appels répétés que le Roi Mohammed VI a lancés pour rétablir un cadre, disons plutôt un mécanisme de dialogue et de concertation entre nos deux pays. Dans ce même communiqué, il est affirmé que notre pays « restera un partenaire crédible et loyal pour le peuple algérien et continuera d’agir avec sagesse et responsabilité pour le développement de relations intermaghrébines saines et fructueuses ». Ce ne sont pas de vains mots ou de la rhétorique, c’est la réaffirmation de l’attachement du Royaume du Maroc au socle des valeurs qui animent sa politique extérieure.
La « dérive dangereuse » à laquelle fait allusion le pouvoir militaire d’Algérie est celle-là même que ce dernier vient d’opérer, à notre plus grand désespoir . Or cette dérive algérienne nous est coutumière depuis bientôt cinquante ans qu’elle est devenue la caractéristique essentielle du comportement algérien à notre égard, marqué au sceau d’un mépris et maintenant de menaces. La presse algérienne ne cesse de se fendre d’articles injurieux qu’aucun peuple digne de ce nom n’accepterait comme « le Maroc pays colonial », « occupant colonial du Sahara», « violeur des droits de l’Homme », « allié du sionisme »…et tutti quanti…
A quelque chose malheur est bon ! La nouvelle étape dans les relations avec nos voisins devrait nous imposer une pause et nous incliner à une réflexion responsable. Ne fût-ce que parce que les quelque 800.000 Marocains installés en Algérie et autant d’Algériens au Maroc ont reçu la nouvelle de rupture comme un coup de tonnerre, un véritable séisme….Sachons garder raison et faire de notre mauvaise fortune bon cœur.