Maroc-France : De surprise en surprise en attendant le grand pas
Dans la soirée du 19 février, au moment où l’on s’y attendait le moins, une belle photographie vient nous annoncer les retrouvailles entre le Maroc et la France mais cette fois-ci de la façon la plus élégante et la plus raffinée. La rencontre se pare de ses plus beaux atours, révélant les Altesses Royales Lalla Meryem, Lalla Asmaa et Lalla Hasnaa reçues par la première Dame de France.
Cette rencontre à l’Élysée capturée dans un instantané qui marie élégance et diplomatie scelle ainsi un moment d’une portée bien plus vaste qu’une simple visite de courtoisie laissant voir un message diplomatique fort. Elle illustre le prologue potentiel d’une nouvelle ère dans les relations entre les deux pays, après une période marquée par une certaine réserve, voire une froideur diplomatique. La présence du Président Emmanuel Macron, venu personnellement saluer les Princesses, ne fait qu’appuyer la volonté de la France de renouer des liens de confiance et d’amitié avec le Royaume.
Cette démarche, orchestrée avec un soin attentif par l’Élysée, s’inscrit dans une tradition d’amitié historique entre les deux pays, mais aussi dans le désir de tourner la page d’un chapitre moins glorieux de leur relation. Par ailleurs, la communication officielle, relayée avec une certaine solennité, ne manque pas de souligner la récente conversation téléphonique entre le Président Macron et Sa Majesté le Roi Mohammed VI, venant cristalliser cette volonté de réchauffement. De facto, le choix de Brigitte Macron comme hôtesse pour cette occasion n’est pas anodin ; il témoigne d’une approche à la fois personnelle et profondément symbolique de la diplomatie, où les liens familiaux et les échanges cordiaux entre hauts dignitaires peuvent servir de catalyseur à un dialogue plus large entre les peuples.
En définitive, cette rencontre, bien plus qu’une simple visite protocolaire, pourrait bien marquer le début d’une réconciliation attendue, où la diplomatie familiale ouvre la voie à une entente renouvelée. D’ailleurs, il est connu que dans le ballet souvent impénétrable de la politique internationale, les gestes d’amitié et les rencontres en apparence informelles jouent un rôle non négligeable, tissant peu à peu la trame d’un avenir commun plus serein et coopératif.
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D’autant plus que l’annonce reçue ce mercredi concernant la visite officielle de Stéphane Séjourné au Maroc confère une dimension supplémentaire à cet événement déjà significatif. Il convient de rappeler, à cet égard, que le 10 février dernier, le ministre français des Affaires étrangères révélait que le Président lui avait confié la mission délicate de renforcer les liens diplomatiques entre Paris et Rabat. Cette démarche illustre l’engagement profond de la France à œuvrer pour une amélioration tangible des relations bilatérales, soulignant l’importance stratégique que Paris accorde à son partenariat avec le Maroc.
Réinventer le dialogue franco-marocain
Rappelons que lors d’une conférence-débat tenue le vendredi 16 février à Casablanca, dans l’enceinte de la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de Aïn Chock de Casablanca, Christophe Lecourtier, ambassadeur de France au Maroc, a souligné que le Maroc a connu des transformations majeures, souvent pour le meilleur, soulignant que la France doit mettre à jour sa perception du Royaume, car les « lunettes » à travers lesquelles elle le regarde ne reflètent plus sa réalité actuelle. Certes l’ambassadeur a évoqué la nature profondément intime et historique de la relation franco-marocaine, la qualifiant d’unique et de charnelle, une connexion si profonde qu’elle semble indissociable, à l’image d’un ADN commun, mais il n’a pas hésité à reconnaître les défis actuels. Bien entendu, il a admis l’existence d’une période de tensions ou de malentendus qui ne saurait satisfaire aucun des deux pays, appelant à une nécessaire réconciliation. Dans ce sens, il a rejeté toute arrogance dans l’approche de ces enjeux, affirmant qu’il « serait totalement illusoire, irrespectueux et stupide de considérer qu’on va construire ce que j’espère qu’on arrivera à construire, brique après brique, pour le bonheur de nos deux nations et quelques autres voisins, sans clarifier ce sujet, dont tout le monde à Paris connaît et reconnaît le caractère essentiel pour le Royaume, hier, aujourd’hui et demain.»
Cette intervention marque peut-être un pas vers une compréhension mutuelle plus profonde, à un moment où la clarté et le respect mutuel sont indispensables pour avancer. Toujours sur le même ton, Lecourtier ajoute qu’« On parle beaucoup de réchauffement, de retrouvailles. Je souscris tout à fait à ces termes-là, mais ce n’est évidemment pas une réconciliation pour une belle photo, pour Paris Match, pour une sorte de chronique mondaine où on se retrouverait, où on s’embrasserait, où on se dirait que tout cela était passager et qu’on repartirait comme avant. D’ailleurs, qu’est-ce que c’est l’avant? On ne va pas parvenir à l’époque de Jacques Chirac? C’était sûrement une belle époque. Enfin, ça commence à dater… Pour revenir à l’époque de Nicolas Sarkozy? Là aussi, ça fait quand même assez longtemps. C’est illusoire. Et si nous voulons ce qui est vraiment le cœur de ma mission, mais aussi ce que souhaitent mes autorités, je crois, ici aussi au Maroc, si nous voulons être utiles, nous devons, et je pèse les mots, essayer de renouveler la relation ».Sahara Occidental: Au
La question du Sahara encore et toujours
Toutefois, l’aspiration à consolider les liens entre les nations se trouve confrontée à une complexité diplomatique qui ne se laisse pas aisément déchiffrer, surtout au regard de l’épineuse question de la souveraineté sur le Sahara qui se dresse comme un point névralgique dans le tissu des relations du Maroc avec les autres pays. La France, pour sa part, semble tanguer dans une neutralité calculée, se positionnant à mi-parcours entre la réalité marocaine et les revendications de l’Algérie, principal soutien du Polisario. Sauf que pour le Royaume, la question du Sahara dépasse tous les enjeux diplomatiques ordinaires pour toucher au cœur même de son intégrité territoriale.
Or malgré un appui verbal au Plan d’autonomie proposé par le Maroc depuis 2007, Paris s’est gardé d’embrasser pleinement la cause marocaine, adoptant une posture de soutien nuancé. La France, sans rejeter ouvertement les revendications marocaines, ne les consacre pas pour autant de manière officielle. Par contre, l’Espagne, par son récent revirement sur cette question épineuse, éclaire un sentier que la France pourrait envisager, instaurant ainsi un précédent notable. Une démarche résolue en faveur de l’affirmation de la souveraineté marocaine sur le Sahara ne symboliserait pas seulement un renouveau de la confiance bilatérale, mais également un jalon vers une stabilité régionale renforcée.
De fait, le dialogue entre la France et le Maroc, pour qu’il s’épanouisse en une collaboration mutuellement bénéfique, requiert une honnêteté et une constance dans les engagements pris. D’ailleurs, face à une position ferme sur ses droits territoriaux, le Maroc sollicite de ses alliés internationaux des promesses tangibles, supplantant les simples discours pour se concrétiser en actes de reconnaissance formelle.
Ainsi face à ces enjeux, le Maroc devrait peut-être accueillir avec une prudence mesurée les avancées diplomatiques, espérant une prise de position plus déterminée de la part de Paris. Pour rappel, l’ambassadeur de France au Maroc avait, lors d’une interview radio en novembre dernier, esquissé la promesse d’un soutien renouvelé à la position marocaine sur le Sahara, insinuant qu’il était temps de « passer à l’action ». Cependant, malgré ces assurances, le « grand pas en avant » attendu de la France reste, à ce jour, un horizon à concrétiser. Dans ce contexte d’attente et d’espoir, l’alignement potentiel de la France sur la position marocaine concernant le Sahara pourrait marquer un tournant décisif. Un tel développement, s’il se concrétise, pourrait non seulement redéfinir les contours de la relation franco-marocaine mais aussi influencer de manière significative la dynamique régionale, offrant une nouvelle impulsion vers une résolution du conflit artificiel orchestré par l’Algérie.
Toute cette série d’initiatives entreprises par Paris et ce renouveau diplomatique laissent présager des jours meilleurs pour les relations franco-marocaines, avec en toile de fond la question épineuse du Sahara qui doit être réglée une fois pour toutes dans la transparence totale de la part de la France.