Maroc-France : le Sahara marocain avant tout
CE QUE JE PENSE
Le récent élan vers un rapprochement entre la France et le Maroc, initié par le ministre des Affaires étrangères français, Stéphane Séjourné, suscite à la fois espoir et scepticisme. L’initiative, décrite comme un engagement personnel à « ouvrir un nouveau chapitre » dans les relations bilatérales, intervient dans un contexte de tensions palpables, exacerbées par des actions et des positions qui semblent parfois contradictoires. Notamment, le rôle joué par Séjourné, dans la condamnation du Maroc au Parlement européen, peint un tableau de la diplomatie française marqué par l’ambiguïté.
L’annonce d’une volonté de rapprochement avec « le respect des Marocains » fait écho dans un paysage où la France a souvent été perçue comme oscillant entre un soutien de façade et une réelle ambivalence, en particulier sur la question épineuse de la souveraineté du Maroc sur le Sahara. La position française, articulée avec une prudence diplomatique, présente le plan d’autonomie marocain non pas comme une solution, mais comme une base de discussion, laissant ainsi ouverte la porte à d’autres concessions, y compris l’indépendance, une position qui n’offre ni la clarté ni le soutien ferme que le Maroc exige de droit.
Le défi de la France dans sa relation avec le Maroc
Le ministre Séjourné, en exprimant son intention de rapprocher les deux nations « dans les prochaines semaines et les prochains mois« , sait-il qu’il se trouve face à une tâche ardue ? Il s’agit non seulement d’améliorer des relations diplomatiques qui se sont dégradées depuis près d’une décennie, mais également de naviguer dans des eaux troubles d’une campagne anti-marocaine « orchestrée » par son propre camp politique à Bruxelles. On comprendra donc que cette démarche vers un rapprochement est accueillie avec une certaine prudence, tant elle soulève des questions sur la constance et la sincérité de la France dans son engagement envers le Maroc. En effet, le parcours récent de la République, notamment son rôle dans la condamnation du Maroc au Parlement européen sous l’égide de Stéphane Séjourné, ancien président du groupe politique européen Renew Europe, met en lumière une diplomatie aux multiples visages. Ainsi l’effort pour réchauffer les liens entre Paris et Rabat intervient à un moment critique, où chaque geste et chaque parole seront scrutés pour leur cohérence avec les actions passées et les promesses futures. Le Maroc, avec sa position ferme sur ses droits territoriaux, attend de ses partenaires non seulement des paroles, mais des actes qui reflètent un soutien réel et tangible. La France, en cherchant à renouer avec le Maroc, doit donc non seulement faire face aux répercussions de ses actions passées mais aussi démontrer une volonté véritable de soutenir Rabat dans ses aspirations, dépassant ainsi la diplomatie du double jeu pour établir une relation basée sur le respect mutuel et la reconnaissance des intérêts communs.
Certes une série d’initiatives qui dessinent un tableau de bonne volonté et d’engagement renouvelé de la part de la France se multiplient. À commencer par la déclaration de Nicolas de Rivière, représentant permanent de la France aux Nations Unies, affirmant un « soutien historique, clair et constant » au Plan d’autonomie marocain pour le Sahara, jusqu’à l’activisme diplomatique de l’ambassadeur Christophe Lecourtier en faveur de liens plus étroits, en passant par les visites de figures clés telles que le ministre de l’Économie, Bruno Lemaire, et le directeur de la police nationale, Frédéric Veaux, la France semble tendre la main au Royaume. Dans le même esprit, plusieurs colloques et séminaires sont initiés en France par des ONG ou la société civile pour parler justement des relations entre les deux pays. Certains noms de personnalités françaises influentes circulent annonçant des visites imminentes.
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Cependant, cette volonté affichée de renforcer les liens se heurte à une réalité diplomatique plus nuancée, notamment sur la question brûlante de la souveraineté du Sahara. Malgré des déclarations soutenant le Plan d’autonomie marocain depuis 2007, la France n’a jamais officiellement franchi le pas vers une reconnaissance pleine et entière de la marocanité du Sahara, maintenant une position de soutien conditionnel qui, tout en n’écartant pas les aspirations marocaines, ne les valide pas formellement non plus. Pourtant l’exemple de l’Espagne, qui a récemment revu sa position sur ce dossier délicat, met en lumière une voie potentiellement différente pour la France et pose un précédent intéressant. Une démarche audacieuse en faveur d’une reconnaissance tangible de la souveraineté marocaine sur le Sahara marquerait non seulement un renouveau de confiance entre les deux nations, mais aussi un pas décisif vers une stabilité régionale accrue.
Le dialogue franco-marocain, pour se frayer un chemin vers un véritable rapprochement gagnant-gagnant, exige une transparence et une constance dans les positions tenues. Le Maroc, avec sa posture inébranlable sur ses droits territoriaux, attend de ses partenaires internationaux des engagements clairs, qui surpassent les paroles pour se manifester dans des actes de reconnaissance officielle.
Or la France se voit confrontée à l’impératif de concrétiser ses promesses par des actions significatives, dépassant le cadre des simples déclarations pour s’ancrer dans une diplomatie proactive et constructive. L’enjeu est de taille : transformer les bonnes intentions en gestes tangibles qui reflètent une réelle volonté de bâtir un avenir commun avec le Maroc, fondé sur le respect mutuel et la confiance. D’autant plus cette démarche d’apaisement et de rapprochement intervient dans un contexte où la France est perçue comme ayant perdu de son influence sur la scène internationale. Les récents succès diplomatiques et économiques du Maroc, notamment dans des domaines stratégiques où la France était traditionnellement un partenaire privilégié, soulignent l’urgence pour Paris de redéfinir sa position et de réaffirmer son engagement auprès du royaume.
Vers une réconciliation ou la perpétuation d’un double jeu ?
Force est de rappeler que le Maroc, conscient du changement de paradigme dans les relations internationales, avance avec assurance sur la scène africaine et mondiale. Son initiative de renforcer les liens économiques avec les pays du Sahel, en facilitant leur accès à l’Océan Atlantique, est un exemple éloquent de cette nouvelle dynamique. Cette stratégie d’ouverture et de coopération, qui inclut des pays clés comme le Niger, le Mali, et le Burkina Faso, témoigne de la vision marocaine d’un partenariat sud-sud renforcé, capable de redéfinir les équilibres régionaux et d’offrir de nouvelles voies de développement économique et de stabilité.
Face à cette réalité, la France se trouve à un moment critique où l’isolement n’est plus une option viable. Les récents développements en Afrique subsaharienne, exacerbés par des enjeux sécuritaires régionaux et un contexte international tendu, soulignent l’urgence pour Paris de repenser sa stratégie en Afrique et au-delà. L’alignement croissant des alliés traditionnels de la France avec le Maroc, y compris des nations influentes comme l’Allemagne, l’Espagne, les États-Unis, et probablement le Royaume-Uni bientôt, invite à une réflexion profonde sur les bénéfices mutuels d’un rapprochement franco-marocain.
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Aussi faut-il souligner que le succès de cette entreprise nécessitera plus qu’une simple amélioration des communications ou des visites diplomatiques ; il exigera un changement perceptible dans l’approche de la France envers le Maroc, marqué par une sincérité et une constance qui ont fait défaut dans le passé. Seul le temps dira si les promesses d’aujourd’hui se traduiront en actions concrètes, ou si elles s’ajouteront à la longue liste des occasions manquées dans les annales des relations franco-marocaines.
Mais la France, en reconnaissant les succès du Maroc et en s’engageant dans une voie de coopération constructive, peut non seulement renforcer ses liens avec un partenaire stratégique clé mais aussi contribuer à une plus grande stabilité et prospérité dans la région du Sahel et au-delà. Cette évolution des relations franco-marocaines, si elle est menée avec sincérité et engagement, a le potentiel de redéfinir les contours de la coopération internationale, en mettant l’accent sur le pragmatisme, le respect mutuel, et la recherche de solutions communes aux défis partagés.
Le moment est donc venu pour la France et le Maroc de se tourner résolument vers l’avenir, en exploitant pleinement les opportunités de ce nouvel horizon de partenariat. Le dialogue renouvelé et les initiatives concrètes seront les clés d’une relation fructueuse, capable de naviguer dans le complexe paysage géopolitique actuel avec agilité et vision partagée.
Mais le Sahara marocain avant tout.