Maroc-Israël : Quel impact sur le PJD ?
L’ouverture d’une ère nouvelle dans les relations entre le Royaume du Maroc et l’État d’Israël a fait l’objet d’une déclaration conjointe, qui a été signée par le Conseiller principal du Président des États-Unis, Jared Kushner et Meir Ben-Shabbat, Conseiller à la Sécurité nationale de l’État d’Israël. Du côté marocain, cet accord a été paraphé par le Chef du Gouvernement, Saad Eddine El Otmani, qui lui-même déclarait, il y a quelques temps, en sa qualité de Secrétaire général du PJD, que “la normalisation était une ligne rouge”, lors du Forum national de la jeunesse du PJD, le 23 août dernier.
La reconnaissance par les États-Unis d’Amérique, à travers un décret présidentiel, de la marocanité du Sahara et de la souveraineté du royaume sur l’ensemble de ses provinces du Sud, il y a quelques jours, avait mobilisé tous les leaders des partis politiques et les responsables locaux et régionaux se sont empressés de saluer l’initiative royale, en la qualifiant tous, sans exception, d’« événement historique et de victoire de la diplomatie royale ». C’est le cas aussi des chefs des partis politiques, dont notamment Nabil Benabdellah (PPS), Aziz Akhannouch (RNI) et Driss Lachgar (USFP), qui ont tous applaudi « la sagesse de la décision américaine et le succès retentissant de la diplomatie royale ». Pour sa part, le Chef du gouvernement Saad-Eddine El Othmani avait déclaré que c’est “une victoire historique” pour la cause nationale et la marocanité du Sahara, sans pour autant évoquer la réactivation des relations encore le Maroc et Israël. Rappelons que le Chef de l’Exécutif avait rejeté catégoriquement “toute normalisation avec Israël” lors du Forum national de la Jeunesse du PJD, le 23 août dernier. Un coup dur pour le Chef du gouvernement, qui n’a cessé de déclarer que la normalisation avec Israël n’était pas une question d’actualité et que le Maroc n’était pas disposé à rétablir ses relations avec Israël.
Pour le politologue et membre du Conseil national du PJD, Bilal Talidi : « Le fait que le Maroc a pris la décision de reprendre ses relations avec Israël a mis le PJD dans une situation embarrassante qui se contredit avec son discours, c’est ce qui explique la tension que connaît le parti en ce moment ». Au sein du PJD, « certains ont compris la situation dans laquelle le parti s’est retrouvé et qui l’oblige à soutenir les décisions stratégiques du pays, tandis que d’autres voient que le parti devait contester cette décision », nous dit cet analyse politique en rappelant que le communiqué du parti se concentre, principalement, sur la question du Sahara et les acquis du Maroc en ce sens. Et d’ajouter : « peut-être que le prochain congrès national du parti sera l’occasion de réfléchir sur la nouvelle donne politique et du positionnement du parti sur la cause palestinienne, surtout à la veille des prochaines élections».
Sur le site web du parti, les responsables de la communication ont essayé de mettre en avant la victoire diplomatique du Maroc ou encore la décision américaine d’adopter la solution marocaine sur le Sahara et d’ouvrir un consulat à Dakhla, en faisant en sorte de diluer tout ce qui se rapporte aux relations Maroc-Israël. Toutefois, ce n’est pas le cas de la Jeunesse du parti, dont le Secrétaire général, le ministre Mohamed Amekraz, en charge du portefeuille de l’Emploi était le seul à s’opposer ouvertement à la reprise des relations Maroc-Israël, en réitérant cette position à deux reprises sur les chaînes Al Mayadeen et France 24/arabic. « Le ministre Amekraz s’est retrouvé une posture qui l’obligeait à se positionner, tandis que les autres ministres PJD du gouvernement n’avaient pas à afficher leurs positions, puisqu’ils se cachaient derrière la chefferie du gouvernement. Mais, il aurait pu démissionner de la Chabiba pour éviter l’embarras de la situation», nous explique Bilal Talidi, qui souligne d’ailleurs que ce n’est pas la première fois que le parti de la lampe subit une tension ou change de vision politique, mais qu’il a toujours survécu sans pour autant arriver à une scission.
Saad Eddine El Otmani est devenu ainsi le premier responsable islamiste d’un pays arabe à signer un document avec les Israéliens. Selon Aziz Chahir, docteur en sciences politiques, « On voit très bien ici l’affront que subit le PJD, surtout que le Chef de gouvernement s’était présenté, il y a quelque temps, pour dire qu’il était hors de question que le Maroc puisse franchir le pas et rétablir les rapports Maroc-Israël ». Face à cette décision impromptue, les islamistes au pouvoir n’ont d’autre choix que de rallier la position officielle du pays, sans quoi ils seraient attaqués par les autres partis politiques. « Le PJD n’a pas cessé de rappeler qu’il n’est pas partie prenante de cette décision et qu’il s’agit d’une décision étatique. C’est une tentative de la part des islamistes de marquer une sorte de distanciation objective vis-à-vis de cette décision et que le plus important dans tout cela, est la décision des États-Unis de reconnaître la marocanité du Sahara », commente notre interlocuteur.
D’ailleurs, la déclaration du chef de gouvernement sur Al Jazeera consiste à dire que le fait que le Maroc réactive ses relations historiques avec Israël va permettre au Maroc de défendre mieux la cause palestinienne. C’était la première fois qu’El Othmani qualifie la reprise des relations avec Israël d’ouverture. « C’est vrai quelque part, parce que le fait d’avoir des relations réactivées avec Israël va générer plus d’opportunités en termes de canaux de négociation et de structures d’opportunité », nous dit Aziz Chahir.