Marrakech : Entre violations de l’urbanisme et menaces sur le patrimoine historique

Marrakech a été le lieu de nombreuses violations des règles d’urbanisme et de cessions illégales de terrains appartenant à l’État. Alors que certaines affaires restent en cours d’instruction, d’autres ont déjà abouti, entraînant la destitution de plusieurs responsables, dont un wali et certains élus locaux.

A Marrakech, les violations de l’urbanisme en plus de la menace sur le patrimoine historique fait de plus en plus échos. La plus récente est la construction d’une kissaria sur un site historique, ce qui a poussé le wali de la région, Karim Kassi-Lahlou, à se rendre sur place avec une commission élargie pour ordonner l’arrêt des travaux.

L’aspect le plus étonnant de cette affaire réside dans le fait que l’entrepreneur a obtenu l’autorisation de creuser deux niveaux souterrains à proximité immédiate de la Koutoubia, l’un des monuments les plus emblématiques de Marrakech. Cette construction met en péril non seulement cette célèbre mosquée, mais également d’autres monuments historiques avoisinants dans la ville ocre, classée au patrimoine mondial de l’UNESCO. Une telle menace sur ce patrimoine historique a poussé le wali de la région, Karim Kassi-Lahlou, à intervenir en personne. Il s’est rendu sur les lieux, accompagné d’une commission élargie, et a ordonné l’arrêt immédiat des travaux.

Suite à cette intervention, le parquet général a ordonné l’ouverture d’une enquête judiciaire. Celle-ci a conduit la police judiciaire à convoquer plusieurs élus locaux ainsi que des fonctionnaires communaux, en particulier ceux responsables des services de l’urbanisme. L’objectif est de faire la lumière sur les circonstances qui ont entouré la délivrance de cette autorisation de construire, visiblement en violation des normes d’urbanisme en vigueur.

Il est également important de souligner que l’intervention du wali a eu lieu peu après la venue d’une commission d’inspection générale du ministère de l’Intérieur. Cette commission avait été mandatée pour enquêter sur les irrégularités du projet. Les inspecteurs ont entendu plusieurs responsables des services de l’urbanisme ainsi que ceux en charge de la conservation des monuments historiques, afin de déterminer comment et pourquoi une autorisation de construire avait été accordée pour ce projet controversé.

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En réalité, le projet de construction de la kissaria remonte à 2013, mais il avait été suspendu à plusieurs reprises en raison de blocages administratifs au niveau du service de l’urbanisme. Cependant, grâce à une entente illicite entre l’ancien wali, le directeur de l’agence urbaine aujourd’hui emprisonné, et un adjoint au maire dont la réputation est entachée de controverses, l’entrepreneur a pu commencer les travaux. Cette autorisation a provoqué une vive réaction de la part des acteurs de la société civile, qui ont alerté les autorités sur les graves risques que cette construction faisait peser sur la place Jamaâ El Fna, la mosquée Koutoubia et les monuments historiques environnants. Ce projet fait partie d’une série de violations répétées du plan d’aménagement de la zone, souvent orchestrées avec la complicité des élus locaux et des autorités.

Pour rappel, l’ancien wali de la région Marrakech-Safi, Abdelfattah Lebjioui, est également au cœur d’une affaire de détournement de fonds publics, mise en lumière par l’enquête de la Brigade Nationale de la Police Judiciaire (BNPJ) de Casablanca. Cette enquête, menée à la suite de révélations faites en mai dernier par l’Association Marocaine de Protection des Biens Publics (AMDHP), a mis en cause plusieurs hauts responsables, parmi lesquels neuf personnalités influentes. Parmi ces dernières figurent l’ancien maire de Marrakech, Larbi Belkaid, et Younes Benslimane, député du Rassemblement National des Indépendants (RNI). Ces responsables ont été déférés devant la Cour de cassation, conformément à la procédure du privilège judiciaire, pour approfondir les investigations sur leurs rôles respectifs dans cette affaire.

Mohamed Ghaloussi, président de l’AMDHP, a déposé une plainte auprès du procureur général près de la Cour d’appel de Marrakech, dénonçant des suspicions de dilapidation massive de biens publics dans la région. Sous couvert d’investissements soi-disant profitables, des terrains et propriétés publics ont été vendus à des prix largement inférieurs à leur valeur réelle, principalement à des personnalités politiques et des promoteurs immobiliers. Cette opération aurait été orchestrée par le « Comité des exceptions », un organe dirigé par l’ancien wali et impliqué dans l’octroi de terrains à des conditions avantageuses.

Ce « Comité des exceptions » a ainsi permis la mise en place de projets controversés, notamment un complexe résidentiel dans la zone de Sidi El Daw, initialement prévu pour être un programme de logement social appelé « Tarka Prestige ». D’autres projets incluent la construction d’une école et d’une clinique privées sur deux hectares, ainsi que la cession d’un terrain public dans la zone de « Tarka » pour l’aménagement de terrains de sport.

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